Musée

PARITÉ

Les musées à l’heure du féminisme

Par Aurélie Dunouau · Le Journal des Arts

Le 19 septembre 2022 - 743 mots

De plus en plus d’établissements culturels adoptent de nouvelles pratiques afin d’améliorer la représentation des femmes.

Dominique de Font-Réaulx, directrice de la Médiation et programmation culturelle du musée du Louvre. © Musée du Louvre / Antoine Mongodin
Dominique de Font-Réaulx, directrice de la Médiation et programmation culturelle du musée du Louvre.
© Musée du Louvre / Antoine Mongodin

France. « 2 % d’œuvres de femmes, des stéréotypes dans les cartels, très peu de noms de femmes et peu d’éléments sur l’histoire spécifique des femmes. » Ce constat émane du Musée des beaux-arts de Rouen, cité dans le Guide pour un musée féministe [lire encadré ci-dessous]. Face à cette situation, de plus en plus de musées mettent en place des politiques actives visant à réévaluer la place des femmes, que ce soit dans les collections, les catalogues d’exposition, les médiations ou les intervenants.

Ainsi, au Musée des beaux-arts de Rouen, comme au Musée Thomas-Henry de Cherbourg, un état des lieux a été réalisé sur les collections afin de ressortir des réserves des œuvres d’artistes féminines oubliées. Les Musées métropolitains de Rouen mènent, de leur côté, une démarche féministe globale. Celle-ci s’est nourrie d’un bilan réalisé en 2018 par le cabinet de conseil Trezego. Ce dernier a commencé par sensibiliser les cadres. Il en a résulté une charte pour l’égalité et un guide pratique qui infusent désormais l’action de tous les services. « Aujourd’hui, de façon systématique dans les projets, la question de l’égalité femme-homme est traitée, explique Murielle Grazzini, administratrice de la Réunion des musées métropolitains de Rouen. Nous tendons vers la parité des artistes intervenants et nous avons une politique volontariste d’acquisition des œuvres d’artistes féminines en nous positionnant sur les ventes aux enchères. Le rééquilibrage se produit petit à petit. » Un rééquilibrage qui sera prochainement quantifié par le biais d’une évaluation inédite sur la représentation des femmes dans les musées de Rouen.

Pour de bonnes pratiques dans tous les services

Au Musée d’histoire de Nantes, les professionnels croient également en l’importance de l’objectivation des données. Ici, c’est le service des publics qui s’est emparé de la question, en partant de ses propres statistiques sur la place des femmes dans les catalogues et les programmations d’activités, le tout aboutissant à une feuille de route destinée à l’ensemble du musée. « Ainsi l’équipe de médiation a changé ses titres du masculin au pluriel (l’animation du « petit architecte » n’attirait que les garçons et, en quelques semaines, avec la dénomination « Petits architectes », cela s’est réajusté), créé des programmations spécifiques, écrit de nouveaux cartels, détaille Aude Bruneau, responsable du service. Sur l’exposition de 2020 consacrée à Louis Lefèvre-Utile [fondateur de la biscuiterie LU], j’ai rédigé des cartels parallèles prenant le point de vue de l’histoire des femmes dans l’entreprise. Le regard sur cette exposition en a ainsi été décalé. » Et l’habitude est désormais prise ; aujourd’hui, cette grille de lecture s’applique à l’ensemble des événements, comme à la rédaction des notices par les conservateurs. Les dispositifs d’accompagnement et le parcours enfants pour les trente-deux salles du musée seront repensés en 2023 sous le prisme du féminisme.

Un musée féministe questionne également la place des femmes dans ses propres instances dirigeantes. Dominique de Font-Réaulx en est l’illustration. Directrice du Musée Delacroix de 2013 à 2018, elle est actuellement à la tête de la Médiation et de la Programmation culturelle du Musée du Louvre. Un poste clé, au côté de celui de la présidente-directrice du musée, Laurence des Cars. Depuis la mise en place des quotas dans les conseils d’administration des structures publiques, elle dit avoir pris conscience de la problématique féministe. Elle confie également avoir changé ses pratiques. « Lorsque je m’occupais des recrutements, je veillais à la parité. Au Musée Delacroix, j’invitais les femmes qui ne seraient pas venues d’elles-mêmes au musée et les faisais rédiger des cartels parallèles. Par ailleurs, j’adopte toujours l’utilisation conjointe du féminin et masculin dans les discours. Ce sont des petites choses qui ont aussi leur importance. » Une réflexion que Dominique de Font-Réaulx imaginerait bien poursuivre par des espaces d’échange communs dans les musées « pour ressortir le côté fédérateur et partager nos bonnes pratiques ».

Recueil d’expériences féministes sur le terrain muséal  

GUIDE. Quelle place pour le féminisme dans les musées français ? Comment rendre ces derniers féministes ? Les questions n’avaient, semble-t-il, jamais été posées du point de vue de la recherche sur ce qui se fait dans les musées. Cette lacune est désormais comblée avec le Guide pour un musée féministe, édité par le collectif Musé.e.s qui regroupe de jeunes professionnelles issues du secteur muséal et culturel. L’ouvrage interroge une vingtaine d’actrices et acteurs des musées, de toute taille et nature. Au-delà d’un état des lieux, il met la lumière sur des initiatives existantes et livre des « astuces inspirantes ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°594 du 9 septembre 2022, avec le titre suivant : Les musées à l’heure du féminisme

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