Italie - Musée

La maison de Giacomo Balla sanctuarisée par l’État italien

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 4 novembre 2025 - 651 mots

La résidence de l’artiste est désormais propriété de l’État, protégeant une œuvre souvent contrefaite ou mal attribuée.

Rome (Italie). L’État italien érige la résidence historique de l’artiste futuriste Giacomo Balla en musée public. Il en fait l’acquisition pour un montant total de 6,9 millions d’euros : 6 millions pour les œuvres d’art et le mobilier et 900 000 euros pour la propriété de l’appartement. Située via Oslavia à Rome, la Casa Balla fut son lieu de vie et de création avec sa femme Elisa et leurs filles, Luce et Elica, de 1929 jusqu’à la mort de l’artiste en 1958. Plus qu’un simple appartement-atelier, ce lieu fut un laboratoire d’expérimentation où les principes esthétiques du futurisme furent appliqués à chaque aspect de la vie quotidienne. Conformément au manifeste de la Ricostruzione futurista dell’universo (« Reconstruction futuriste de l’univers ») signé par Balla et Fortunato Depero en 1915, l’art y est omniprésent.

Les murs, les plafonds et même les portes sont entièrement peints de couleurs vives et ornés de motifs futuristes. Les formes géométriques éclatées et les compositions abstraites créent une atmosphère vibrante dans un appartement où les meubles et les objets d’usage courant ont été conçus sur mesure, décorés et transformés par l’artiste et sa famille. Giacomo Balla, qui a également travaillé pour la mode, a conçu des vêtements futuristes qui étaient portés dans la maison. Ils complétaient l’environnement visuel, faisant des habitants eux-mêmes des éléments mobiles des lieux qui ont plus qu’une simple fonction résidentielle et deviennent une œuvre d’art totale. Dans les différentes pièces sont exposés peintures, sculptures, croquis, dessins préparatoires ainsi que des projets pour le théâtre.

La résidence élevée au rang de patrimoine national

À la mort de Luce et d’Elica dans les années 1990, la Casa Balla est abandonnée. Figée dans le temps, elle est déclarée bien d’intérêt culturel par le ministère de la Culture en 2004. Les premiers travaux de restauration sont alors menés par l’Istituto Centrale del Restauro (ICR). Plus récemment, la Surintendance spéciale de Rome ainsi que les héritiers, en collaboration avec la Banque d’Italie, promeuvent de nouvelles restaurations, notamment des œuvres d’art présentes dans l’appartement. Ce n’est qu’en juin 2021, à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Giacomo Balla, qu’elle a rouvert ses portes grâce à un effort de collaboration interinstitutionnelle mené notamment par le Musée national des arts du XXIe siècle (MAXXI) et la Surintendance spéciale de Rome.

« En devenant une propriété de l’État, l’avenir de la Casa Balla est assuré en tant que musée public permanent, permettant de poursuivre un minutieux travail de conservation et d’étude, commente Massimo Osanna, directeur général des musées italiens. Cette demeure unique, où chaque objet et chaque couleur témoignent de l’énergie créatrice de Giacomo Balla, devient patrimoine national. Il s’agit de la rendre pleinement accessible, en guidant tous les publics à la découverte d’un chapitre fondamental de l’art du XXe siècle : le futurisme et son héritage. »

L’ouverture de ce nouveau musée est également considérée comme une étape cruciale pour l’étude et la protection du travail d’un artiste qui fait l’objet de très nombreuses contrefaçons sur le marché de l’art. Récemment le spécialiste du futurisme Fabio Benzi a ainsi appelé les ministères de la Culture et de la Justice à adopter des réglementations plus strictes et plus efficaces pour encadrer la vente d’œuvres futuristes pour garantir leur authenticité et protéger la réputation des artistes. Il est également demandé plus de rigueur de la part des musées qui, dans le cadre d’expositions sur le futurisme, présentent des œuvres dont l’attribution est douteuse ou incorrecte. Un phénomène qui concerne particulièrement Giacomo Balla qui a réalisé des répliques ou des réitérations de certaines de ses œuvres futuristes majeures datant des années 1910, pendant sa période de maturité tardive, notamment dans les années 1950. La Casa Balla pourra ainsi stimuler de nouvelles recherches, publications et, potentiellement, la mise à jour d’un catalogue raisonné indispensable pour lutter efficacement contre les faux.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : La maison de Giacomo Balla sanctuarisée par l’État italien

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