Belgique - Musée

La nomination de Bernard Blistène en duo à Bruxelles fait des vagues

Par Sindbad Hammache · lejournaldesarts.fr

Le 25 juin 2021 - 590 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

Kanal-Pompidou a décidé d’opter pour une direction artistique bicéphale alors que le jury avait élu Kasia Redzisz.

Bernard Blistène. © Centre-Pompidou / Philippe Migeat
Bernard Blistène.
© Centre-Pompidou / Philippe Migeat

Lundi dernier, un jury réuni par Kanal-Centre Pompidou devait choisir le nom de son directeur artistique, équivalent d’un conservateur en chef. Mais le conseil d’administration du futur musée d’art contemporain bruxellois a pris une décision surprise en choisissant deux candidats pour constituer un duo :  Kasia Redzisz, conservatrice à la Tate Liverpool, et Bernard Blistène, directeur en fin de mandat du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou. 

Ce doublement de poste de dernière minute a immédiatement fait réagir le milieu artistique belge. Présentée comme « construite sur le travail professionnel et rigoureux d’un jury » par l’institution, la décision du conseil d’administration déjuge de fait le travail des jurés qui avaient choisi Kasia Redzisz.

« La solution du duo n'a jamais été présentée au jury et a été concoctée par Goldstein [Yves, directeur de Kanal] lui-même, qui l'a présentée au conseil d'administration, lequel a finalement suivi et accepté sa proposition. » indique une lettre ouverte qui a recueilli la signature de nombreuses personnalités du monde de l’art belge. Le jury, composé de six experts et de quatre membres du conseil d’administration, a donné six voix à Kasia Redzisz, et quatre à Bernard Blistène. « La direction s’attendait à ce que ce soit Bernard Blistène, explique Anne Pontégnie, commissaire d’exposition qui a siégé au comité scientifique de Kanal. Mais deux votes des membres du conseil d’administration n’ont pas suivi, c’est venu comme une surprise ».

Pourtant, l’enjeu de la nomination du directeur artistique était d’écarter les craintes de « colonisation culturelle » du Centre Pompidou, comme le craignent certains. Le projet Kanal est en effet régulièrement critiqué pour sa dépendance au musée parisien et la déconnexion élitiste qui pourrait en découler : le futur musée prend place dans un ancien garage Citroën de 40 000 m², situé dans un quartier populaire de la capitale européenne. 

Le bâtiment Citroën, édifice moderniste du quartier Yser, accueillera le Kanal-Centre Pompidou à Bruxelles - Photo courtesy Collection Citroën Belux
Le bâtiment Citroën, édifice moderniste du quartier Yser, accueillera le Kanal-Centre Pompidou à Bruxelles
Courtesy Collection Citroën Belux

Si la nomination de Bernard Blistène n’apparaît pas comme allant dans le sens d’une prise de distance avec le Centre Pompidou, Yves Goldstein assure dans les colonnes du quotidien belge L’Echo que ce dernier [va] « tourne[r] la page pour se concentrer sur Kanal et s’installer en Belgique ».

La lettre ouverte-pétition pointe également une décision sexiste : «  La mettre en équipe avec un homme plus âgé est un acte de sexisme offensant et une insulte flagrante à son expertise et à ses capacités ».

Lancé en 2016 dans le cadre d’un accord entre le Centre Pompidou et la région de Bruxelles, le musée devrait être inaugurée en 2024. Pré-ouvert depuis 2018 dans une « version brute », sa gouvernance est fortement contestée et a déjà entraîné plusieurs démissions. Chapeauté par la région de Bruxelles, le futur centre d’art contemporain est dirigé par un membre du Parti socialiste au pouvoir. Ce dernier est notamment critiqué pour son absence d’expérience dans le milieu culturel. « Yves Goldstein est un apparatchik qui ne connaît rien, et prend toutes les décisions ! », s’insurge Anne Pontégnie, qui a démissionné en septembre 2020.

Avec un investissement régional de 210 millions d’euros, le projet Kanal revêt une grande importance politique en Belgique, et fait l’objet de nombreux débats au parlement bruxellois. Un partenariat à deux millions d’euros par an lie Kanal au musée parisien, permettant d’exposer des œuvres du Centre Pompidou et d’utiliser sa marque.

La pétition a déjà rassemblé 700 signatures dont de nombreux les artistes (Lili Reynaud-Dewar, Laëtitia Badaut Haussmann, Marie Docher …) commissaires d’expositions, directeurs de centres d’art (Bertrand Riou, Emilie Renard), galeristes (Stéphane Corréard) et critiques d’art (Elisabeth Lebovici).
 

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