Belgique - Musée

Le « Kanal-Centre Pompidou » se prépare pour 2025

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 22 novembre 2023 - 947 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

En travaux depuis quatre ans, ce futur lieu bruxellois n’est pas une antenne du Centre Pompidou. Il se veut, plus qu’un musée, un lieu de vie ouvert sur la ville.

Bâche réalisée par Anne-Mi Van Kerckhoven sur le bâtiment du Kanal à Bruxelles, en septembre 2023. © Bart Grietens
Bâche réalisée par Anne-Mi Van Kerckhoven sur le bâtiment du Kanal à Bruxelles, en septembre 2023.
© Bart Grietens

Bruxelles. Derrière l’immense bâche ornée d’une œuvre d’Anne-Mie Van Kerckhoven [voir ill.], les travaux de transformation de l’emblématique bâtiment Art déco (abritant autrefois un garage Citroën) en musée d’art contemporain se poursuivent. Entamés en juin 2019, ils devraient permettre une ouverture au public du « Kanal-Centre Pompidou » à l’automne 2025. Le chantier est complexe, en raison de sa taille d’abord, 40 000 m², mais aussi de son caractère patrimonial. « Même si le bâtiment n’est pas classé, nous avons choisi de le maintenir, et de le rétablir pour certaines parties dans l’état où il était en 1935 », explique Yves Goldstein, directeur général de la Fondation Kanal.

Après une phase de démolition intérieure, de dépollution des sols et de désamiantage, le gros œuvre a pu commencer et devrait s’achever à l’été 2024. En 2017, un budget de 150 millions d’euros a été accordé par la Région bruxelloise, dont 25 millions pour les études et 125 millions pour le chantier. En 2022, un supplément de 22 millions d’euros a été alloué afin de compenser le surcoût des matériaux, de l’énergie et de l’inflation. Le chantier étant régi par un marché public, les architectes travaillent dans une enveloppe fermée.

Une convention sur trois axes avec le Centre Pompidou

Le partenariat avec le Centre Pompidou, conclu en 2017, est très encadré. Portant au départ sur une durée de dix ans, il a été étendu jusqu’à cinq ans après l’ouverture. Il comporte trois axes. D’abord l’expertise que peut apporter l’opérateur parisien. « L’administration bruxelloise n’a aucune expérience dans la construction et la gestion d’un musée de cette taille. Le Centre Pompidou peut nous aider en partageant son expertise et ses expériences, bonnes et mauvaises, sur tous les métiers d’un musée », détaille Yves Goldstein.

Vient ensuite l’aspect curatorial, dont le centre de décision reste à Bruxelles mais qui prend appui sur les collections du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Pour ses cinq premières années d’activité, la Fondation Kanal prévoit la présentation de trois ensembles qui resteront en place sur une durée de quinze à seize mois, ainsi que la programmation de sept expositions temporaires. « Il est important de noter que ce partenariat avec le Centre Pompidou n’est pas exclusif et que la Fondation Kanal peut travailler avec d’autres institutions européennes », précise le directeur.

Le troisième et dernier axe est l’utilisation de la marque « Centre Pompidou », qui est mondialement connue, ce qui est loin d’être le cas pour le nom « Kanal ». Yves Goldstein tient à souligner que le projet n’est en aucun cas un « Centre Pompidou-Bruxelles ». « Nous ne sommes pas une succursale ou une dépendance. Le Centre Pompidou agit en levier pour l’ouverture du musée. Les termes du partenariat seront redéfinis en fonction de nos besoins après 2030. »

La question de la collection d’art moderne

Kasia Redzisz, précédemment senior curator à la Tate Liverpool, et avant cela commissaire d’exposition à la Tate Modern à Londres (pour les rétrospectives « Sigmar Polke » ou « Alighiero e Boetti »), a été nommée directrice artistique en février 2022. S’il a été un moment envisagé de créer une direction bicéphale avec Bernard Blistène, ancien directeur du Musée national d’art moderne à Paris, c’est bien l’historienne de l’art et conservatrice polonaise qui est seule en poste. « Bernard Blistène a été l’une des personnes qui ont permis à Kanal de voir le jour, mais il n’est aujourd’hui plus du tout impliqué dans le projet », commente Yves Goldstein.

Comme tout musée, Kanal entend créer au fil des ans une collection permanente. À l’occasion de l’exposition de pré-ouverture intitulée « Kanal Brut » en 2018, la Fondation Kanal avait commandé à dix artistes bruxellois une œuvre originale, lesquelles ont formé l’embryon d’une collection. Depuis 2020, un comité d’acquisition l’enrichit chaque année d’une série d’œuvres qui témoignent de la vitalité et du cosmopolitisme de la création contemporaine en Région bruxelloise. La collection comprend ainsi pour l’heure 46 œuvres de 33 artistes de 14 nationalités différentes. La fin ou la transformation du partenariat avec le Centre Pompidou après 2030 remettra sur la table la question de la pertinence d’intégrer à la collection des œuvres d’artistes, notamment belges, du XXe siècle. La solution la plus logique serait une collaboration avec les Musées royaux des beaux-arts de Belgique pour la présentation d’œuvres de leur collection d’art moderne, qui n’est aujourd’hui pas accessible au public, mais les discussions sont jusqu’à présent au point mort, les deux institutions étant gérées par des instances différentes dans le « lasagne institutionnel » belge. « L’opportunité d’avoir une collection permanente en art moderne se pose car l’expérience de “Kanal Brut” nous a montré que le public était plus intéressé par la proposition d’une collection dynamique que par une collection permanente au caractère plus figé », explique le directeur général.

Le projet Kanal-Centre Pompidou n’a sans doute pas d’équivalent en Europe, car il ambitionne d’être plus qu’un musée. En effet, le centre de gravité de ses 40 000 mètres carrés n’en sera pas les surfaces d’exposition, mais les espaces en libre accès où l’on trouvera des ateliers d’expression créative destinés à différents publics, une bibliothèque, un espace de coworking, une boulangerie et des fontaines d’eau potable.

Des élections, notamment régionales, se profilent pour 2024 avec un possible mais peu probable changement de majorité. Yves Goldstein veut croire qu’après un investissement de cette importance, les pouvoirs publics ne voudront pas se désintéresser ou mettre en danger l’avenir du projet Kanal. « Ce que je demande aux politiques, c’est que le contrat de gestion 2024-2028 soit exécuté et qu’ensuite on puisse procéder à une évaluation de la dynamique économique, sociale et culturelle du projet Kanal pour la ville de Bruxelles. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°621 du 17 novembre 2023, avec le titre suivant : Le « Kanal-Centre Pompidou » se prépare pour 2025

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