Unesco

PATRIMOINE MONDIAL

La France mal partie à la nouvelle session Unesco

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2018 - 793 mots

MANAMA / BAHREÏN

La 42e session du Comité du patrimoine mondial se tient cette année au Bahreïn. L’inscription sur la Liste du patrimoine mondial pour deux des trois dossiers portés par la France s’annonce difficile.

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La chaîne des Puys. Seule candidature de la France avec des chances de succès.
Photo Denis Pourcher

Les vestiges romains de Nîmes, les sites funéraires de la Grande Guerre et la chaîne des Puys rejoindront-ils les 44 biens français inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco ? Comme chaque année, les dossiers portés par les États parties membres de l’organisation présentent leur candidature au Comité mondial, réuni pour cette 42e session à Manama au Bahreïn, du 24 juin au 4 juillet. L’année 2017 a été un bon cru pour la France qui avait obtenu l’inscription de ses deux sites : l’extension du bien « Strasbourg-Grande Île » (inscrit en 1988) à sa partie allemande, et « Taputapuatea » en Polynésie française, paysage de vestiges archéologiques constitué de temples à ciel ouvert de la culture Ma’ohi.

La session 2018 s’annonce beaucoup plus compliquée depuis que le Conseil international des monuments et des sites (Icomos) a rendu ses recommandations début-mai, refroidissant les espoirs de deux dossiers portés par la France, seule ou de manière conjointe. L’Icomos est une des trois organisations consultatives du Comité du patrimoine mondial : elle évalue, assiste et conseille les États parties sur leurs biens culturels ou mixtes inscrits ou en attente d’inscription par l’Unesco. Si ses recommandations ne sont que consultatives, le Comité les suit invariablement au fil des sessions. Or l’Icomos s’est montré sévère dans ses recommandations sur les dossiers de la Ville de Nîmes et les sites funéraires de la Grande Guerre, dont c’est la première présentation devant le Comité.

La Ville de Nîmes, inscrite sur la liste indicative des biens français (sorte de « salle d’attente » des États avant une candidature officielle) depuis 2012, aurait pourtant bien aimé célébrer une inscription un mois seulement après l’inauguration du Musée de la romanité. Présenté par les équipes nîmoises comme la « Rome française », le dossier a été retoqué par les experts de l’Icomos au motif que l’analyse comparative fournie ne permettait pas de « montrer dans les faits en quoi Nîmes se distingue comparativement des autres villes déjà inscrites sur la Liste du patrimoine mondial ». En référence, Arles et Orange, inscrites en 1981. « Mais lorsque Arles a été inscrite à l’Unesco, les dossiers était beaucoup moins longs et complexes », se défend Mary Bourgade, adjointe nîmoise chargée du Tourisme et de la candidature. L’Icomos a recommandé que le dossier soit « différé » : selon l’organisation cela signifie que « le bien a une potentielle valeur universelle exceptionnelle qui n’est pas encore démontrée. L’État partie est invité à soumettre un nouveau dossier de proposition d’inscription. » Plutôt que de reporter la présentation de Nîmes, la délégation française à l’Unesco a choisi de présenter la candidature au Comité fin juin.

Sites mémoriels de la Première Guerre

La deuxième candidature dans l’incertitude est un dossier présenté conjointement par la France et la Belgique. « Les sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front Ouest) », font partie des « biens en série » dont l’évaluation est souvent plus complexe que celle des biens uniques. Avec 139 sites transnationaux (dont 96 en France), « l’Icomos a consacré beaucoup de temps à l’évaluation de cette proposition d’inscription du fait qu’il considère qu’elle pourrait créer un précédent pour de futures propositions d’inscriptions associées à des conflits récents », selon le rapport remis au Comité. L’inscription, outre son caractère pléthorique, pose le problème des sites liés à des mémoires sombres, déjà formulé lors de l’inscription du bien Auschwitz-Birkenau en 1979, puis celle du Mémorial de la paix d’Hiroshima en 1996. Pour l’Icomos, une réflexion globale sur les sites associés à des conflits récents et porteurs de mémoires sombres doit être menée avant d’inscrire un tel dossier. L’organisation a recommandé de reporter le dossier jusqu’à ce que le Comité se positionne sur cette typologie de bien. La France et la Belgique ont maintenu leur candidature.

La France pourra cependant sans aucun doute s’enorgueillir d’une nouvelle inscription cette année : après deux candidatures malheureuses en 2014 et 2016, la chaîne des Puys devrait obtenir son inscription en tant que bien naturel. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), organisation consultative du Comité pour les biens naturels, après avoir renvoyé deux fois le dossier, vient de le recommander. « La suppression du critère de beauté naturelle (…) a permis de faire évoluer les positions de l’UICN et de convaincre la majorité de ses experts », explique un communiqué du département du Puy-de-Dôme, porteur de la candidature depuis plus de dix ans. Ce serait le premier bien naturel français en métropole.

À Manama, le dernier mot reviendra fin juin aux vingt-et-un États parties membres du Comité du patrimoine mondial. La France, elle, n’en fait pas partie : son dernier mandat au sein du Comité ayant pris fin en 2013.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : La France mal partie à la nouvelle session Unesco

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