Monument

Protections au titre des monuments historiques, les tendances 2017

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 11 juin 2018 - 1167 mots

FRANCE

L’an dernier, le nombre de nouvelles protections a baissé d’un tiers. Les lieux de mémoire de la Grande Guerre, les phares et la statuaire publique font partie des édifices favorisés.

Le Mémorial de Dormans dans la Marne a été construit entre 1921 et 1931
Le Mémorial de Dormans dans la Marne a été construit entre 1921 et 1931
© Office de Tourisme de la ville de Dormans

France. Chaque année, le Journal officiel de la République française (JORF) publie la liste des immeubles auxquels a été accordée, au cours de l’année écoulée, une protection au titre des monuments historiques. Y sont recensés les châteaux, églises, usines, villas et autres édifices qui ont été sélectionnés pour leur haut intérêt patrimonial, au terme d’une procédure encadrée par le ministère de la Culture et ses services déconcentrés en Régions (les Drac, directions régionales des Affaires culturelles). Le fait d’ « inscrire » ou de « classer » ces lieux au titre des monuments historiques (le classement étant le niveau de protection le plus élevé et le moins attribué) les place sous la surveillance des Drac. En conséquence, ces immeubles reconnus pour leur importance historique, artistique ou technique ne peuvent subir de travaux sans autorisation ou avis des services compétents. Une contrainte pour les propriétaires d’édifices protégés, lesquels peuvent cependant bénéficier en contrepartie d’une subvention de l’État pour faire restaurer leur bien, et aussi d’avantages fiscaux.

Moins d’édifices protégés

La liste des arrêtés permet d’identifier des tendances de protection. Sur celle publiée le 3 mai 2018, le constat est frappant : 2017 a été marquée par une importante diminution du nombre de protections attribuées sur le territoire français. Seulement 207 monuments environ (dont 48 classés) sont nouvellement protégés au titre de monuments historiques, contre 366 en 2016, 379 en 2015 et 336 en 2014. Cette baisse significative est liée au fait que les commissions régionales et nationales, sollicitées à plusieurs reprises dans l’année sur les dossiers établis par la conservation régionale des Monuments historiques (CRMH) des Drac, se sont moins souvent réunies en 2017 qu’à l’accoutumée. En effet, la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine – promulguée en 2016 – a entraîné une recomposition de ces commissions composées d’élus, de conservateurs régionaux des Monuments historiques, d’experts ou de membres d’association de défense du patrimoine. Recomposition qui a ralenti les procédures.

La création de nouvelles régions administratives en 2016 a en outre considérablement agrandi le périmètre de plusieurs Drac, qui peuvent compter aujourd’hui jusqu’à douze départements. Nombreux sont les services des Drac à prédire que cet élargissement des Régions s’accompagnera d’une baisse du nombre de nouvelles protections. Alors même que le champ géographique des édifices à protéger s’est agrandi avec la fusion des Régions, il devient difficile en effet de réunir les commissions régionales pour plancher sur les dossiers de protection– « les personnes étant bénévoles et venant parfois de très loin », comme le souligne une chargée de protection. Et la sélection pourrait être plus dure, la rareté et l’exemplarité d’un immeuble étant des critères fondamentaux pour recevoir une protection. « Un bâtiment qui aurait été jugé intéressant à l’échelle de la Région Lorraine ne le sera pas nécessairement à l’échelle étendue de la région Grand-Est », explique Jonathan Truillet, chef du service de la conservation régionale des monuments historiques à la Drac Grand-Est.

La Grande Guerre, ses sites et une candidature à l’Unesco

La liste d’arrêtés de protection permet également de repérer quels types de patrimoine ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des Drac. Une part importante de l’action de ces services publics consiste à répondre à des demandes individuelles émanant de propriétaires (ou tierces personnes) désireuses de faire protéger des édifices de diverse nature. Mais la Drac a aussi pour mission de compléter le parc des immeubles protégés par typologie de périodes ou de thématiques. L’idée étant de choisir parmi ceux-ci les éléments les plus représentatifs.

Les arrêtés de protection, classés par ordre de département, montrent des spécificités régionales. Depuis plusieurs années, les lieux mémoriaux de la Grande Guerre, largement mis en exergue au moment des commémorations du centenaire de la guerre 14-18, font l’objet d’un vif intérêt de la part de nombre de Drac. En 2017, la Drac Grand-Est, terre marquée sur son sol par les conflits, s’est concentrée sur ces monuments, afin de consolider la candidature à l’Unesco des « sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front ouest) ». Deux commissions régionales thématiques ont été consacrées à ce sujet, qui ont permis d’inscrire une quinzaine de nécropoles, cimetières et mémoriaux – dont le célèbre mémorial des batailles de la Marne à Dormans. La sélection a été sévère. « La commission n’a retenu qu’un tiers de nos propositions », explique Jonathan Truillet. Car selon lui, ces lieux de mémoire, très transformés au cours du XXe siècle, souvent ne répondent plus aux critères d’intégrité exigés pour une protection au titre des monuments historiques. Des cimetières élevés par les soldats ont été déplacés, les croix des tombes remplacées…

Autres régions, autres singularités. En Bretagne, ce sont des phares qui ont retenu l’attention. Pas moins de neuf de ces éléments de signalisation maritime ont été classés monuments historiques en 2017. Ce classement vient accentuer la protection qui avait déjà été adoptée à leur encontre en 2015 (une simple inscription). « On arrive au bout des campagnes de protection sur les phares », explique Henry Masson, conservateur régional des Monuments historiques de Bretagne. Dans les années 2000 a été lancé un programme interministériel d’étude et de préservation de ce patrimoine en mutation (car plus habité depuis l’automatisation des feux et le développement des techniques de positionnement par satellite). Il a conduit à la protection d’un grand nombre de phares, propriétés du ministère de l’Écologie. Les protections s’étaient jusqu’ici portées principalement sur les phares implantés sur la terre ferme. En 2017, huit phares en mer (les fameux « Enfers » construits au tournant du XXe siècle) difficiles d’accès, d’un entretien complexe et délicat à valoriser sur le plan touristique, ont été classés. Six d’entre eux sont situés au large de la mer d’Iroise, dont le fameux phare d’Ar-Men.

Spécificité de la Drac Centre-Val de Loire, celle-ci a favorisé la protection de la statuaire publique de ses six départements. Ainsi a-t-elle a fait inscrire 14 statues, figurant souvent des personnages illustres, femmes ou hommes ayant marqué l’Histoire, parmi lesquelles la statue équestre de Jeanne d’Arc à Orléans, la statue représentant le marchand Jacques Cœur à Bourges (Cher), ou le monument à George Sand à La Châtre (Indre).

Pour élaborer des dossiers de protection relatifs à ces éléments représentatifs de la « statuomanie » du XIXe siècle, la conservation régionale des Monuments historiques a pu s’appuyer sur les travaux de l’Inventaire général du patrimoine culturel, qui recense, étudie et fait connaître le patrimoine du territoire. L’inventaire Centre-Val de Loire a en effet publié en 2015, sous la plume de Matthieu Chambrion, une étude de l’ensemble de la statuaire publique de la région (1) dans laquelle la CRMH a pu repérer les œuvres les plus significatives. Un exemple d’échange fécond entre les services de l’État et de l’inventaire passé aux Régions il y a une quinzaine d’années.

(1) Statues dans la ville : un musée à ciel ouvert en région Centre-Val de Loire, éd. Lieux Dits, Lyon.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°503 du 8 juin 2018, avec le titre suivant : Protections au titre des monuments historiques, les tendances 2017

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