HeritageWatch.AI, nouvel acteur de la sauvegarde du patrimoine

Paris. Annoncé en marge du sommet sur l’IA le 10 février, le fonds de dotation HeritageWatch.AI vise à utiliser une intelligence artificielle pour analyser l’état des sites patrimoniaux et prédire les risques de dégradation.

La vitesse du changement climatique combinée aux récents conflits accélère la dégradation de milliers de sites patrimoniaux à travers le monde. Que ce soit dans le Sahel, en Syrie, à Gaza ou en Polynésie, ce constat alarmiste se vérifie sur le terrain selon les cofondateurs de HeritageWatch.AI. Issue d’une collaboration entre l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine (Aliph), Iconem (numérisation 3D), Microsoft et Planet (imagerie satellite), cette initiative structurée en fonds de dotation a été officiellement lancée au ministère de la Culture, le 10 février. Si la France n’investit pas directement dans le projet, elle le fait indirectement via Aliph qui annonce un financement initial de 250 000 dollars selon son directeur exécutif Valéry Freland (la France est co-fondatrice d’Aliph avec les Émirats arabes unis). Ce dernier souligne que le gouvernement français apporte « son appui politique et son parrainage à HeritageWatch.AI », ce qui explique que le siège soit situé à Paris. Microsoft investira un million de dollars sur quatre ans, et son laboratoire AI for Good se chargera de l’analyse des données fournies par Iconem et Planet (principal fournisseur mondial d’imagerie satellite).

Le fonds de dotation rassemble donc quatre acteurs de nature différente, qui vont collaborer pour améliorer la détection des dégradations sur les sites patrimoniaux, évaluer les changements sur le moyen terme et « lutter contre le trafic de biens culturels » selon le ministère de la Culture. L’IA ne sera opérationnelle qu’en juin 2025, mais Valéry Freland précise que HeritageWatch.AI a déjà commencé à documenter « le pillage à grande échelle des sites archéologiques du nord de l’Afghanistan ou les conséquences dramatiques de la tempête Daniel sur le patrimoine de la Libye orientale ». Il ajoute que les analyses d’impact produites ont été corroborées par des observations sur le terrain et que « c’est ce modèle que HeritageWatch.AI vise à étendre ». Iconem va fournir ses numérisations en 3D de sites et monuments (obtenues à partir de relevés par drones) et des images de « photogrammétrie » selon son fondateur Yves Ubelmann. Côté gouvernance, le fonds de dotation dispose d’un conseil des fondateurs qui élabore la stratégie, et d’un comité scientifique. Yves Ubelmann tient à préciser que les membres fondateurs n’ont pas de statut « exécutif » au sein de HeritageWatch.AI, et qu’Iconem comme Aliph conservent leur indépendance. Il insiste sur la mise en commun des expertises, et sur les connaissances du terrain d’Aliph en particulier. Valéry Freland confirme que la fondation va « veiller à ce que les analyses et prévisions produites répondent au mieux aux besoins du terrain », et ajoute qu’Aliph va « mobiliser son réseau de professionnels sur les cinq continents pour confirmer ces analyses ». Tous les membres fondateurs insistent sur la prise en compte du changement climatique pour anticiper l’évolution des sites patrimoniaux, et la présidente d’Aliph, Bariza Khiari, cite notamment la désertification dans le Sahel ou la modification du tracé littoral dans la zone Indo-Pacifique. À terme, HeritageWatch.AI devrait aider à une prise de décision plus rapide et à des actions plus ciblées, avec une démarche prédictive.