États-Unis - Musée

Centre Pompidou : le pari de Jersey City

Par Barthélemy Glama, correspondant à New York · lejournaldesarts.fr

Le 7 juin 2021 - 759 mots

JERSEY CITY / ÉTATS-UNIS

La ville de la banlieue new-yorkaise ne veut plus être une cité-dortoir et ambitionne d’être un nouveau hub culturel.

Vue d'architecte du projet de Centre Pompidou à Jersey City. © OMA
Vue d'architecte du projet de Centre Pompidou à Jersey City.
© OMA

Le Centre Pompidou ne s’installe pas à Jersey City. C’est plutôt la municipalité de Jersey City qui fait appel au Centre Pompidou pour l’aider à créer son nouveau centre artistique. La différence peut sembler ténue. Elle est pourtant significative et en dit long sur les ambitions d’une municipalité de la banlieue new-yorkaise en pleine réinvention.

« Ce n’est pas un débarquement. Nous ne sommes pas dans une stratégie de franchises ou de succursales », explique Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou, lors de la conférence de presse annonçant la conclusion du partenariat entre les deux parties, vendredi dernier. En échange d’une rétribution annuelle, Beaubourg met à disposition de la municipalité son expertise artistique et managériale, certaines des 120 000 œuvres de sa collection par rotation et, bien sûr, l’usage de son nom.

Le nouveau centre, qui devrait ouvrir ses portes en 2024, prendra ses quartiers dans le Pathside Building, un ancien immeuble de bureaux et gare de tramway construit en 1912 au cœur du quartier industriel de Journal Square. La municipalité prend à sa charge la totalité des coûts liés à la rénovation et à l’exploitation du lieu et en sera le principal opérateur. Pas de « Centre Pompidou Jersey City », donc. Plutôt un « Centre Pompidou x Jersey City » (le nom du futur musée) où le « x », abréviation de « en collaboration avec » en anglais, a son importance.

« Certaines villes se tournent vers les nouvelles technologies ou vers la santé, nous avons décidé de nous tourner vers les arts », commente Steven Fulop, maire de Jersey City. Depuis quelques années, la ville cherche à s’imposer comme un « hub artistique », de l’autre côté du fleuve Hudson qui la sépare de Manhattan. D’autres projets dans le quartier de Journal Square, notamment la rénovation d’une salle de spectacle historique de 1929 et la création d’un centre culturel vont dans ce sens.

Ville portuaire industrielle, Jersey City entrée en crise dans les années 1970, lutte depuis pour ne pas se transformer en cité-dortoir, avec la multiplication des transports qui la relie à New York. Steven Fulop a depuis sa première élection en 2013 l’idée d’en faire « une destination touristique ». En 2018, il fait acheter le Pathside Building par la municipalité pour éviter qu’il ne soit acquis par un promoteur privé : il cherchait depuis à « attirer un partenariat international majeur ». C’est l’agence architecturale OMA, chargée du projet, qui évoque la première l’idée du Centre Pompidou.

« Aller vers le public »

Le projet retient l’attention de Serge Lasvignes : « Je suis de ceux qui pensent que les musées entrent dans une nouvelle ère : il ne s’agit plus de faire venir le public le plus large possible mais d’aller vers lui », explique-t-il. C’est dans cet esprit que le Centre Pompidou a développé ces dernières années une série de partenariats internationaux qui l’ont emmené à Málaga en 2015, à Shanghai en 2019 et bientôt à Bruxelles et peut-être en Corée.

Jersey City, l’une des villes « les plus diverses aux États-Unis », constitue « un champ d’action idéal » selon lui. Pour Matthieu Potte-Bonneville, directeur du développement culturel du Centre, la ville « est à la fois le prolongement de New York et un lieu doté d’une forte identité propre. L’idée est d’en faire un laboratoire pour imaginer ce que peut être un centre d’art et de culture au cœur d’une ville jeune et multiethnique ».

Le consultant en stratégie culturelle András Szántó trouve l’idée séduisante : « la rénovation urbaine est au cœur de l’ADN de Beaubourg. Jersey City est le prolongement naturel de son esprit fondateur ». C’est aussi un moyen de ne pas « se confronter aux plus grands musées du pays, s’il avait choisi New York, mais de se distinguer, de contribuer à un effet Bilbao sur l’Hudson en devenant une destination culturelle singulière », développe-t-il, en référence au musée Guggenheim qui a contribué à redynamiser la ville basque.

Covid oblige, le contrat a été signé sans que les représentants du Centre Pompidou ne puissent visiter le Pathside Building. C’est Gaëtan Bruel, conseiller culturel de l’ambassade de France à New York, qui a servi d’intermédiaire. Il est satisfait de ce partenariat, qui vient accroître la présence culturelle de la France aux États-Unis : « le Centre Pompidou à Jersey City ouvre tout d’un coup de nouveaux horizons ». Mais, prudent, il veut aussi rappeler que « cette formidable opportunité » reste un « pari » : « est-ce que le regard américain, pas toujours tendre sur notre pays, peut faire de la place pour un regard différent sur ses propres réalités ? » Rendez-vous est pris en 2024.

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