Galerie

XXE SIÈCLE

Sea, sex and Smithson

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 14 février 2024 - 532 mots

PARIS

La galerie Marian Goodman met en vente des dessins et collages médiocres de l’artiste américain.

Paris. Robert Smithson (1938-1973) est surtout célèbre pour son œuvre phare, la fameuse Spiral Jetty, cette jetée en spirale qu’il a réalisée en 1970 dans l’État de l’Utah aux États-Unis, sur le Grand Lac Salé, devenue une œuvre emblématique du land art. Elle s’était dégradée au fil du temps au point de quasiment disparaître. Elle est aujourd’hui totalement restaurée grâce aux soins de la Dia Fondation à laquelle elle a été donnée et qui en a la responsabilité.

L’artiste est moins connu pour ses tout premiers dessins, de jeunesse en quelque sorte, datés de 1961 à 1964 qui, pour la plupart n’avaient encore jamais été montrés. Ils appartiennent, depuis sa mort, à la Fondation Holt-Smithson qui était dirigée par Nancy Holt, sa veuve et qui, jusqu’à son propre décès en 2014, ne voulait pas les voir circuler. On peut en entrevoir les raisons : d’une part, ce n’est pas grâce à eux que Smithson serait rentré dans l’histoire de l’art et, d’autre part, elle n’avait sans doute pas envie d’en révéler les sujets.

Dans la quinzaine de papiers ici réunis, on découvre en effet beaucoup d’hommes nus, sexe en évidence, quelques femmes aussi, mais moins, et des anges avec leurs ailes. Dans chaque œuvre sont ainsi juxtaposés des figures dessinées et des collages. Les dessins, outre les corps précités, peuvent aussi bien représenter la figure du christ, des dinosaures, la tour Eiffel, un saint Sébastien, des ruines et une colonne antique (en souvenir sans doute d’un voyage à Rome), des chiffres (Smithson s’intéressait à la numérologie), des évocations énigmatiques (il aimait tout ce qui relèvait de l’occulte), etc. Les collages évoquent des fragments de publicités ou de scènes érotiques découpés dans des magazines pornos, des arrêts sur images de différents films (il était très cinéphile), des morceaux de billets de Monopoly, des pare-chocs de voiture. Autant d’éléments d’une iconographie mystérieuse (sur laquelle il n’a rien écrit alors qu’il est l’auteur de nombreux textes) que l’artiste fait se télescoper dans un esprit à la fois surréaliste et pop, à l’image ici ou là des tonalités très vives voire fluo.

Il est évidemment difficile de savoir ce que son œuvre serait devenue s’il avait continué dans cette voie apparemment sans grande issue. Mais on se dit que Smithson a bien fait de changer de cap et construire la jetée qui lui a assuré une tout autre postérité. Ce qui n’enlève par ailleurs rien à l’intérêt de cette exposition qui permet de montrer d’où il vient et comment il a commencé.

Dès lors, autour de 50 000 dollars (45 800 euros) pour chaque dessin, les prix sont pour le moins élevés. On peut toujours se consoler avec des cartes postales, posters, etc., dans l’ancienne librairie de la galerie au 66 de la même rue du Temple. Mais les premières sont affichées à 350 dollars et les seconds à 3 500 (!) ce qui n’est pas donné pour ce type de documents. La galerie se justifie en expliquant que : « Smithson est mort jeune, à 35 ans, il a peu produit et il y a très peu d’œuvres sur le marché ».

Robert Smithson, Mundus Subterraneus – Early Works,
jusqu’au 24 février, Galerie Marian Goodman, 79, rue du Temple, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Sea, sex and Smithson

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