Ventes aux enchères

MARCHÉ DE L’ART

Les maisons de ventes obtiennent leurs prérogatives in extremis

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 17 février 2022 - 1048 mots

Les députés ont voté un texte introduit par les sénateurs qui transforme le Conseil des ventes volontaires en organe de soutien à la profession et étend la compétence des opérateurs de ventes aux enchères aux biens incorporels.

Paris. C’est un texte qui revient de loin. Le 9 février, soit trois ans après son dépôt par le Sénat, la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art a été votée par l’Assemblée nationale à l’unanimité. « Nous y étions presque quand il y a eu l’incendie de Notre-Dame, puis nous avons enchaîné avec le Covid… Finalement, tout s’est accéléré car en amont, le Sénat, le gouvernement et l’Assemblée sont tombés d’accord sur une même version », explique au Journal des Arts le député Sylvain Maillard (LRM), rapporteur de ce texte devant la commission des Lois.

« Certains des acteurs du marché des ventes volontaires font aujourd’hui face à des difficultés réelles et attendent de leur autorité de régulation et du législateur des actes forts pour leur permettre de rivaliser avec leurs concurrents, qu’ils soient internationaux ou sur Internet », a déclaré Sylvain Maillard en préambule de la séance publique.

Ouverture aux biens incorporels, parmi lesquels les NFT

Mis en place par la loi du 10 juillet 2000 à travers le Conseil des ventes volontaires (CVV), le système de régulation, point de départ de cette réforme, était fortement contesté. « Le CVV, c’est comme une épée de Damoclès qui flotte au-dessus de nos têtes », confiait un acteur du marché. Les professionnels du secteur voient en effet d’un très mauvais œil le contrôle de leur activité de ventes volontaires par cet organe de régulation extérieur à leur profession. Le texte prévoit une refonte de cette entité en instaurant à la place un « Conseil des maisons de ventes », dont la composition permettra une meilleure représentation des professionnels. Ainsi, sur les onze membres composant actuellement le CVV, six (contre trois auparavant) seront des commissaires-priseurs. Le périmètre des missions de ce Conseil est modifié afin de mieux soutenir et promouvoir la profession. « À partir du moment où il y a une majorité de commissaires-priseurs en son sein, nous pouvons commencer à revoir les cotisations, la gestion… Et le fait qu’ils soient élus et non plus nommés par le fait du prince change la donne. Ces évolutions vont nous permettre de reprendre notre destin en main », se félicite Jean-Pierre Osenat, président du Symev (Syndicat national des maisons de ventes volontaires).

Autre changement, un organe de discipline indépendant est créé, sous la forme d’une « commission des sanctions », composée de membres extérieurs au Conseil, ce qui n’était pas le cas auparavant. L’avancée majeure de cette proposition de loi réside dans le fait que le régime légal des ventes aux enchères de meubles est étendu aux meubles incorporels. « Ce qui inclut les NFT, les fonds de commerce, les marques, les brevets… », précise Pierre Taugourdeau, directeur délégué administratif, financier et juridique du CVV. « C’est une bonne nouvelle pour nous. Cela signifie que la loi ne ferme pas la porte aux commissaires-priseurs pour les cantonner à vendre des commodes Louis XV ! », s’est réjoui de son côté Jean-Pierre Osenat.

Les commissaires-priseurs volontaires autorisés à réaliser des inventaires successoraux

Autre point attendu par la profession, la proposition de loi contribue aussi à lever la confusion qui existe entre le « volontaire » et le « judiciaire », et à mieux répartir les compétences entre commissaires-priseurs judiciaires, commissaires-priseurs volontaires, huissiers, notaires et futurs commissaires de justice. Elle accorde aux maisons de ventes et aux commissaires-priseurs de ventes volontaires la faculté de réaliser des inventaires successoraux au même titre que les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers et les notaires. Un véritable soulagement pour les petites maisons et les professionnels qui n’exercent que dans le volontaire, qui regrettaient d’être privés de cette source de revenus. En effet, par le biais de ces inventaires, ils récoltent des lots qui, pour certains opérateurs, alimentenr une bonne partie de leurs adjudications. Les opérateurs de ventes volontaires vont également avoir la possibilité de réaliser des ventes « surveillées » (de biens sous tutelle), lesquelles, depuis l’ordonnance du 2 juin 2016, étaient réservées à la future profession de « commissaire de justice ».

Enfin, toujours dans un souci de clarté, la proposition de loi va rendre aux commissaires-priseurs de ventes volontaires le titre de « commissaires-priseurs », à partir du 1er juillet 2026. En effet, la distinction avec les commissaires-priseurs judiciaires n’aura plus lieu d’être puisqu’ils deviennent à partir de cette date des commissaires de justice, en application de la loi dite « Macron » du 6 août 2015.

Les commissaires-priseurs se réjouissent de cette réforme. « Notre profession se modernise et j’en suis ravi !, se félicite ainsi Cédric Melado, commissaire-priseur de ventes volontaires (FauveParis). Cette proposition de loi marque de réelles avancées. Nous attendons avec impatience de pouvoir vendre des NFT. Cela, et la possibilité de pouvoir réaliser des inventaires successoraux vont nous permettre de gagner des parts supplémentaires de marché. »

Un calendrier parlementaire lent puis très rapide  

Parlement. Le 7 février 2019, une proposition de loi s’appuyant fortement sur le rapport Chaubon-Lamaze concernant l’avenir de la profession d’opérateur de ventes volontaires, était déposée par la sénatrice centriste de la Seine-Maritime Catherine Morin-Desailly devant le Sénat. Le texte portait essentiellement sur une réforme du Conseil des ventes volontaires (dont la majorité des dispositions figurent dans la dernière version du texte). La commission des lois du Sénat a enrichi le texte initial à la suite d’un rapport de Jacky Deromedi (Les Républicains, ancienne sénatrice représentant les Français établis hors de France), et le texte, ainsi modifié, a été adopté par le Sénat le 23 octobre 2019. La commission des Lois de l’Assemblée nationale, qui l’a reçu le lendemain, a nommé le député Sylvain Maillard en tant que rapporteur. Son rapport, rendu le 26 février 2020, a apporté quelques modifications au texte. Depuis, plus rien, jusqu’au 9 février dernier, jour de l’adoption du texte en séance publique au cours d’une procédure d’examen simplifiée, après que le matin même la commission des Lois a examiné les amendements déposés.Le texte doit être examiné au Sénat en commission le 16 février et une deuxième lecture est programmée le 22. S’il est définitivement adopté – ce qui devrait être le cas car il est approuvé par l’ensemble des membres de la majorité –, il devrait être rapidement promulgué par le président de la République.

 

Marie Potard

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°583 du 18 février 2022, avec le titre suivant : Les maisons de ventes obtiennent leurs prérogatives in extremis

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