Droit - Ventes aux enchères

À propos de la nature du mandat du commissaire-priseur

PARIS

Le mandat de vente donné à une étude constitue un mandat simple et non un mandat d’intérêt commun, et ce même en cas d’avance sur vente, ainsi que le rappelle la cour d’appel de Paris.

Paris. Les avances sur vente peuvent être sources de conflit entre un vendeur et un opérateur de ventes volontaires, surtout lorsque qu’une œuvre est ravalée et que le vendeur doit rembourser les sommes qui lui ont été avancées.

C’est ainsi que, pour se dédouaner du remboursement d’une avance sur vente, un marchand a soutenu être lié à la maison de ventes, non par un simple mandat de vente mais par un mandat d’intérêt commun prétendant que l’œuvre était une chose commune.

En septembre 2011, une galerie confia à une étude la vente aux enchères d’une œuvre de Sayed Haider Raza intitulée Prakriti. Deux jours plus tard, une avance sur vente d’un montant de 60 000 euros lui était versée. Toutefois, en raison de doutes sur l’authenticité de l’œuvre, l’étude préféra la retirer de la vente. Un second mandat pour cette même œuvre lui fut confié par la suite pour une vente organisée en juin 2012, sans succès.

Procédures croisées

À la suite de cet échec, l’étude mit en demeure la galerie de lui rembourser l’avance consentie puis, face au refus de celle-ci, l’assigna en référé et obtint gain de cause sans pour autant que le remboursement soit effectif.

Cinq ans après, la galerie assigna la maison de ventes devant le tribunal de commerce de Paris, considérant que l’étude avait mal exécuté les mandats d’intérêt commun les liant. En conséquence, elle sollicitait de garder l’avance versée, ainsi que la condamnation de l’étude à procéder à la vente aux enchères de l’œuvre et une indemnité en réparation de sa perte de chance.

En effet, pour la galerie, l’avance versée par l’étude aurait permis d’acheter l’œuvre auprès d’un vendeur X en vue de la future enchère organisée par la maison de ventes. Les parties seraient donc liées par des mandats d’intérêt commun, à tel point que le premier mandat de vente précise, au titre des honoraires de l’étude, que ceux-ci seraient constitués par un partage des bénéfices réalisés sur la vente « de la moitié de la différence au-delà de 60 000 € (prix d’acquisition) au marteau (prix de vente) », outre les frais de vente.

La galerie fut déboutée en première instance et en appel de l’intégralité de ses demandes au titre tant du mandat d’intérêt commun que de la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la maison de ventes. Sur la question du mandat d’intérêt commun, en effet, la cour a constaté que la galerie était la seule propriétaire de l’œuvre litigieuse. Ni le contrat d’avance ni les mandats successifs ne caractérisent l’existence d’un quelconque mandat d’intérêt commun qui nécessite l’existence d’un mandat et d’un intérêt commun entre le mandant et le mandataire à « l’essor de la chose commune ou à l’entreprise par création ou développement de la clientèle ».

Aussi, au visa des articles 1984 du code civil propre au mandat et L.321-5-II du code de commerce relatif à l’interdiction faite aux commissaires-priseurs d’acheter ou de vendre directement ou indirectement pour leur compte des œuvres proposées dans le cadre de leur activité, les juges du fond ont considéré que les parties étaient liées par de simples mandats de vente : « L’œuvre n’étant pas une chose commune, mais la seule propriété de la société Artvision, et ayant été confiée à la vente pour le compte de ladite société, la société Millon & associés n’avait pas un intérêt commun à la vendre, ni à développer une clientèle qui lui serait commune avec celle de la société Artvision. » L’étude n’a donc pas contrevenu à ses obligations en versant une avance sur vente qui n’avait pas pour but de financer l’achat d’une œuvre commune en vue de sa revente. Au surplus, pour la cour, la maison de ventes n’a pas dérogé à ses autres obligations, que ce soit au titre de la préparation de la vente, de sa publicité, des mentions aux catalogues, ou dans sa demande de remboursement de l’avance comme le lui reprochait la galerie.

En conséquence, confirmant le jugement en première instance, la cour a condamné la galerie à rembourser les 60 000 euros d’avance consentis ainsi que 5 000 euros au titre des frais de justice.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°583 du 18 février 2022, avec le titre suivant : À propos de la nature du mandat du commissaire-priseur

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