Foire & Salon

La Fiac face à de nouveaux défis

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 22 septembre 2021 - 1615 mots

PARIS

L’édition 2021 de la foire parisienne fait certes face à des contraintes – déménagement, crise sanitaire, concurrence accrue avec ses rivales –, mais elle a aussi de nombreux atouts à faire valoir.

Le Grand Palais éphémère © Wilmotte & Associés Architectes
Le Grand Palais éphémère.
© Wilmotte & Associés Architectes

Depuis sa création il y a bientôt un demi-siècle, en 1974, la Fiac a connu plus d’un revers et surmonté nombre de difficultés, comme son exil pendant sept ans Porte de Versailles. L’édition 2021 concentre cependant à elle seule un nombre étonnant de complications. Alors que la foire doit quitter le Grand Palais en travaux pour une structure éphémère installée sur le Champ-de-Mars, ce déménagement se double d’un contexte sanitaire aussi inédit qu’imprévisible, tandis que la rentrée de l’art contemporain s’annonce particulièrement chargée puisque Art Paris, Art Basel et Frieze London se positionnent chacune entre début septembre et mi-octobre, avant la Fiac. Symbole du rayonnement culturel de la capitale et de sa bonne dynamique économique, celle-ci est cependant un événement plus que jamais attendu et très regardé. Afin que cette 47e édition se passe au mieux, et pour éviter que ce parcours d’obstacles ne se transforme en chemin de croix, il lui faut sans faillir relever de nouveaux défis.

S’agrandir grâce au numérique et au « hors les murs »

C’est cette année, donc, que la Fiac quitte le Grand Palais en travaux, un déménagement précédé par des discussions engagées de longue date, dès 2014. Déjà à l’étroit dans la nef de 13 500 m2 et ses galeries en étage, la foire perd un bon quart de sa surface en s’installant au Grand Palais Éphémère et dans l’aile additionnelle de la galerie Eiffel. Quelques mois avant l’ouverture, les galeries ont par conséquent reçu un courrier les informant du fait que la superficie des stands serait limitée à 65 m2 – au lieu de 80 m2 au Grand Palais pour les plus grands. Le plan d’occupation s’avère un vrai casse-tête : aucun angle mort n’est laissé vacant, les espaces les plus ingrats étant réservés aux éditeurs qui, pour leur part, n’ont pas forcément besoin de cimaises où accrocher des œuvres. L’affiche sera également réduite, puisque de 193 galeries en 2019, cette édition de la foire passe à un peu plus de 160 enseignes participantes. En revanche, elle ouvre sa plateforme en ligne à des marchands qui ne seront pas présents physiquement. Quand d’autres prennent part à la manifestation uniquement à travers son programme « hors les murs », sans avoir de stand sur la foire, comme, par exemple, Aurel Scheibler, qui montrera une sculpture de Norbert Kricke dans le parcours des Tuileries. Au galeriste allemand de capitaliser au mieux sur cette vitrine en plein air.

Une logistique délicate

Pour cette édition, la foire doit également renoncer à son voisinage avec le Petit Palais où s’était établi son secteur Fiac Projects. Une trentaine d’œuvres, essentiellement de grande dimension, occupaient ainsi chaque année depuis 2016 la galerie et le pavillon sud du musée, en débordant jusque sur l’avenue Winston-Churchill. Sur cette dernière, piétonnisée pour l’occasion, on avait ainsi pu voir en 2019 lacamionnette remplie de laine de roche de Nicolas Momein (Cul-de-sac, une œuvre présentée par la Galerie Ceysson & Bénétière) ou, en 2018, la spectaculaire Street painting #10 de Lang & Baumann, déployée à même la chaussée par la Galerie Loevenbruck. La configuration est très différente au Champ-de-Mars, où il n’est pas question de fermer une voie à la circulation, ni pendant ni avant la Fiac. Le quartier, bien plus résidentiel que les abords des Champs-Élysées, impose d’ailleurs d’importantes contraintes logistiques pendant la phase de livraison, qui commence traditionnellement le dimanche précédant l’inauguration du mercredi. Un ballet de semi-remorques sillonnera le quartier pendant trois jours afin d’acheminer les centaines d’œuvres à destination du Grand Palais éphémère.

Le Grand Palais lors de la 45e édition de la Fiac avec l'installation Street Painting #10 (2018) de Lang & Baumann, galerie Loevenbruck © Photo LudoSane
Le Grand Palais lors de la 45e édition de la Fiac avec l'installation Street Painting #10 (2018) de Lang & Baumann, galerie Loevenbruck
© Photo LudoSane pour LeJournaldesArts.fr
La crise sanitaire, la grande inconnue

Si les pires scénarios ont été envisagés en matière de logistique, la principale inconnue demeure celle liée à l’évolution de la pandémie. Galeristes, le salon off qui se tenait depuis 2018 aux mêmes dates que la Fiac, a quant à lui préféré annuler son édition 2021. On peut certes douter de la viabilité du modèle économique de ce salon de poche, mais son fondateur, Stéphane Corréard, dit avoir surtout été découragé cette année par l’éventualité d’une recrudescence des infections, pour cause de variant delta. « Que se passerait-il si, en plein montage, un membre de notre équipe était déclaré positif ? Nous nous retrouverions tous cas contacts et serions sommés de rester chez nous… », imagine-t-il.

Au sein d’un groupe leader dans l’organisation de salons à travers le monde, Reed Exhibition, qui gère la foire depuis 1994, a annoncé en juin dernier sa fusion avec Reed Midem – les deux entités étant désormais réunies sous la bannière du mastodonte RX France –, la Fiac est a priori plus solide face à ce type de risque. En cas d’annulation de dernière minute du fait de la pandémie, l’organisation du salon prévoit par ailleurs un remboursement « à 100 % », garantie valable également pour les galeries internationales ne disposant pas de succursales en France, si le gouvernement français et/ou celui de leur pays d’origine leur interdisaient au dernier moment de se rendre dans l’Hexagone ou si une quarantaine était requise.

Des prix de stands en hausse

Malgré des voyages rendus difficiles par des consignes sanitaires aussi strictes que fluctuantes, la Fiac parvient à maintenir sur le papier sa proportion de galeries étrangères qui comptent pour près de deux tiers de la sélection, avec une quarantaine de galeries européennes et une vingtaine de galeries nord-américaines. Mais seulement quatre exposants viennent d’Asie, deux d’Amérique du Sud… Quant au dernier tiers de galeries françaises, il s’agit quasi exclusivement d’enseignes parisiennes. Mais comment prétendre être une foire ouverte sur le monde quand les visiteurs étrangers ne feront sans doute pas le déplacement ? Depuis son retour au centre de Paris, la Fiac n’a eu de cesse de cultiver son aura cosmopolite, accueillant chaque année toujours plus d’amateurs d’art et de professionnels venus de tous les pays. Les allées du Grand Palais et ses salons VIP devenaient ainsi pendant quelques jours le point de rendez-vous des groupes d’amis de musées, de collectionneurs, de conservateurs et autres administrateurs d’institutions internationales.

S’il se trouve quelques vacanciers new-yorkais pour prolonger leur été dans leur pied-à-terre parisien jusqu’en septembre, et faire peut-être un saut à Bâle, il semble presque certain que les trustees et autres amateurs d’art américains restés aux États-Unis ne feront pas le voyage en octobre. La France y est en effet classée depuis mi-août parmi les destinations à très haut risque. Côté américain, mais aussi chinois et britannique, aucune levée des restrictions de voyage vers l’Hexagone ne semble d’actualité. Cela n’est pas une bonne nouvelle pour les hôteliers et les restaurateurs parisiens, qui ne bénéficieront pas des retombées attendues de la « art week ».

La foire peut-elle encore justifier des prix de location de stand aussi élevés quand les promesses à la clé ne sont plus les mêmes, faute de public étranger ? Art Basel a pour sa part concédé une remise de 10 % sur le tarif de certains de ses stands. La Fiac, assurée d’une situation de domination face à laquelle les galeries, aussi scandalisées soient-elles, n’ont pas d’alternative, reste quant à elle ferme sur les prix, qui ont même été augmentés pour les plus grands espaces. Compter 640 euros HT le m2 en 2021 pour les stands « L » (contre 630 euros HT en 2019) et 690 euros le m2 pour les stands « XL » (contre 660 euros HT en 2019). La foire organise par ailleurs sa propre concurrence en investissant dans le développement de sa plateforme OVR (Online Viewing Rooms) dont le chiffre d’affaires reste toutefois encore marginal. D’autres acteurs du web viendront-ils un jour proposer des solutions numériques à même de rivaliser avec cette plateforme, au risque de faire voler en éclats son hégémonie ? Cela n’est pas à exclure.

Face à Bâle, une carte à jouer

En attendant, la compétition va avoir lieu, sur le terrain, entre les tenantes du titre européen. Art Basel, en Suisse, était jusqu’ici considérée comme la meilleure foire du monde, tant par son niveau de fréquentation – sa sélection de galeries attire les plus gros collectionneurs – que par son professionnalisme. Or, l’audience de la grand-messe suisse se trouve désormais limitée à l’échelle du Vieux Continent. Elle entre donc davantage en compétition directe avec Frieze (à Londres) et avec la Fiac (à Paris). Si cette conjoncture perdure, les galeries seront-elles amenées, lors des prochaines années, à choisir entre Bâle et Paris pour rencontrer les collectionneurs européens, et à investir sur d’autres salons « locaux » en Amérique du Nord et en Asie ?

Pour l’heure, après une période de raréfaction des foires et des salons en raison de la pandémie, « les galeries ont besoin de montrer des œuvres », résume Jennifer Flay, la directrice de la Fiac. Il semble que les collectionneurs, de leur côté, soient impatients de renouer avec un rituel dont ils ont été privés plusieurs mois si l’on en croit les marchands, dont beaucoup affirment constater une appétence retrouvée chez leurs clients habituels, tout en espérant en rencontrer de nouveaux parmi les dizaines de milliers de visiteurs attendus. « C’est à nous de donner envie aux gens de venir », résume Jennifer Flay qui maintient par ailleurs le suspense sur quelques-unes des surprises liées à l’événement, telles que l’installation qui sera montrée cette année place Vendôme, en partenariat avec une galerie : « Il s’agira d’une œuvre d’un artiste décédé que l’on n’a pas vue en Europe depuis des décennies. Quelque chose d’imposant et de poétique… », glisse-t-elle, tout en soulignant la profusion de l’offre culturelle parisienne durant cette période. « Combien de villes peuvent se vanter d’une programmation aussi riche ? » Au cœur de cet écrin remarquable, la Fiac compte bien continuer à briller de tous ses feux.

« Fiac »,
du 21 au 24 octobre 2021. Grand Palais éphémère, Champ-de-Mars, Paris-7e. De 12 h à 20 h les 20 et 21 octobre, et de 12 h à 19 h les 23 et 24 octobre. Tarifs: 40 et 27 €. www.fiac.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°747 du 1 octobre 2021, avec le titre suivant : La Fiac face à de nouveaux défis

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