Foire & Salon

Fiac : retour gagnant

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2021 - 839 mots

PARIS

Malgré une baisse de fréquentation, la foire s’est déroulée dans des conditions satisfaisantes, avec des offres de qualité mais sans risque. Les transactions semblent avoir été au rendez-vous.

Paris. Comme le nombre d’entrées enregistrées le mercredi par les nouveaux films au cinéma, les ventes réalisées dans les premières heures de l’ouverture d’une foire donnent le ton. Celui-ci était enthousiaste le 20 octobre à la Fiac. La galerie Ceysson & Bénétière (Paris…) préparait un nouvel accrochage d’œuvres pour le lendemain et se félicitait d’avoir presque tout écoulé, jusqu’à la sculpture de Lionel Sabatté installée au jardin des Tuileries dans le cadre du Hors les murs. Même satisfaction affichée par Nathalie Obadia (Paris et Bruxelles) qui assurait avoir vendu « des œuvres de tous les artistes présentés », tout comme chez Templon (Paris et Bruxelles) où la directrice de la galerie, Anne-Claudie Corric, jugeait « inespérée » la « frénésie d’achat ». Plusieurs œuvres de Hernan Bas (entre 130 000 et 170 000 euros), Chen Ke, Jens Fänge et Jean-Michel Othoniel avaient été cédés sur le stand de Perrotin (Paris, New York…), tandis que Thaddaeus Ropac (Paris, Londres…) déclarait que le Star Grass (1963) de Robert Rauschenberg était parti à 2,8 millions de dollars [2,5 M€].

À cette bonne humeur de rigueur s’ajoutait le sentiment d’une effervescence parisienne favorable aux affaires, menées dans une convivialité retrouvée. Installée pour quelques jours dans le bel espace de la toute jeune galerie Clavé Fine Art (14e arrondissement) avec une superbe exposition « Horizons convergents », la galerie Waddington Custot (Londres) y fit quelques dîners et plusieurs transactions (dont trois toiles d’Etel Adnan). « Paris a certainement le vent en poupe », confirmait Marc Payot, le directeur de Hauser & Wirth, qui se félicitait d’avoir placé des œuvres dans des fondations françaises et européennes, et vendu une toile de George Condo, Inside Out, 2021 (1,55 million de dollars, soit 1,34 M€). Américains, Russes, Turcs, Belges, Asiatiques… de nombreux collectionneurs avaient fait le voyage, y compris le couple Ron et Mera Rubell, pour assister au « grand retour » de la Fiac, de l’avis de plusieurs marchands.

Pas de prise de risque

Toutefois, 46 655 visiteurs ont été enregistrés en cinq jours, soit deux fois moins qu’en 2019 : l’effet de ralentissement déjà ressenti sur les autres foires n’a pas épargné la Fiac. Si nombre de galeries se félicitaient de leurs bons résultats, certaines émettaient cependant un bémol. « Les gens prennent le temps pour réfléchir », constatait une marchande. Au diapason de ce calme relatif, l’absence de stands tape-à-l’œil était d’ailleurs caractéristique de cette édition très qualitative, tout comme la présence limitée d’œuvres de très grand format, sans doute du fait de la taille réduite des espaces. Au point que les deux nus aux poses de cariatides du sculpteur hyperréaliste John DeAndrea (Ariel I et II) détonaient presque sur le stand de Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris). Mais ces deux bronzes peints encadraient une peinture d’enseigne de Robert Cottingham dont la production récente a rencontré un franc succès à Art Basel. Dans l’ensemble, les galeries semblent avoir évité la prise de risque, à quelques exceptions près, comme la spectaculaire installation immersive de Thomas Bayrle présentée par la galerie berlinoise Neugerriemschneider (Brancacci Chapel, 2021) ou celle, très réussie, signée Agnes Scherrer & Paul DD Smith sur le stand de la galerie Sans Titre (Paris) dans le secteur des jeunes galeries.

Avec le déploiement d’une aile additionnelle, l’agencement de la structure, en deux parties, épousait la sélection de la foire. Le bâtiment principal était ainsi dévolu aux valeurs sûres, avec des œuvres d’artistes tels que Georg Baselitz, Cindy Sherman, John M. Armleder, Tursic & Mille, Liam Gillick, Wolfgang Tillmans… Mais aussi nombre de contemporains historiques comme Dennis Oppenheim, dont la galerie Mitterrand (Paris), pour son retour à la Fiac, exposait trois ensembles des années 1970 (autour de 100 000 euros), Christo chez Annely Jude Fine Art (Londres), Ed Ruscha, avec des œuvres sur papier, chez Vedovi Gallery (Bruxelles). La proportion constante d’œuvres modernes sur les stands des galeries contemporaines semble aussi désormais banalisée : qu’il s’agisse des peintures d’Yves Laloy (entre 20 000 et 100 000 €) chez Perrotin, des sculptures de Germaine Richier chez Christophe Gaillard (Paris), ou encore des dessins de Josef Albers chez David Zwirner (New York, Paris…).

Les jeunes artistes en revanche étaient rares : Tavares Strachan chez Marian Goodman, Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla chez Chantal Crousel (Paris) ; Julian Charrière chez Sies+Höke (Düsseldorf) ; ou encore Martin Margiela chez Zeno X (Belgique) : l’ancien styliste officialisait son statut d’artiste en intégrant l’écurie de la galerie anversoise, qui présentait ses Torso. La part accordée à l’art moderne confirme l’importance de ce secteur du marché, sans doute accrue en période de crise. Avec cinq peintures vendues sur son stand, dont le tableau Nicolas de Staël, et deux à sa galerie Applicat-Prazan, Frank Prazan (Paris) tirait d’ailleurs un bilan « très positif » et se disait « heureux d’avoir pu renouer physiquement avec [les] collectionneurs et fidèles visiteurs. C’est pour eux que nous faisons ce métier. À la Fiac, dans nos galeries, ailleurs... pourvu que ce ne soit pas virtuel ! »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°576 du 29 octobre 2021, avec le titre suivant : Fiac : retour gagnant

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