Art contemporain

Voyage à Nantes, été au Havre…

Deux parcours, deux ambiances.

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 17 juillet 2025 - 710 mots

Du surréalisme urbain à Nantes à la poésie balnéaire au Havre, l’art contemporain s’invite dans l’espace public.

Nantes, Le Havre. Deux manifestations jumelles se tiennent en même temps dans l’Hexagone, « Le Voyage à Nantes » et « Un été au Havre ». Chacune prend place dans une cité portuaire. Le Voyage à Nantes a été lancé par Jean Blaise en 2012 : ce dernier a quitté ses fonctions fin 2024, mais a conçu le programme de l’édition 2025 dont la nouvelle directrice générale est Sophie Lévy. Jean Blaise fut également le concepteur d’Un été au Havre, créé en 2017 : Gaël Charbau a repris le flambeau et signe sa 3e édition. Le principe des deux événements est a priori le même : proposer dans le paysage urbain un parcours d’œuvres, dont certaines rejoignent chaque année une collection pérenne à ciel ouvert.

Placée sous le signe de l’étrangeté, cette édition 2025 du Voyage à Nantes invite son public à cheminer entre vision et illusion. Parmi les auteurs d’œuvres phares, citons Iván Argote qui fait disparaître la statue de Louis XVI de la colonne érigée au centre de la place Maréchal-Foch : un escamotage symbolique, mais peu photogénique. Laurent Tixador plaque, lui, le fantasme du retour à la nature sur la façade du tramway sous la forme d’un décor de cabane, l’original étant à découvrir sur les pelouses du parc de Procé… Tandis que l’installation atmosphérique de Jenna Kaës confère au hall central du dispensaire Jean-V, à l’ouest du centre-ville, des allures de décor lynchien.

Dans une veine plus réaliste, Willem de Haan remplace les allégories en pierre de la fontaine de la Place-Royale par des portraits de Nantaises et de Nantais, quand, place Graslin, Prune Nourry construit avec des coques de bateaux renversées la silhouette stylisée d’une femme enceinte allongée sur le dos – sorte de remake minimaliste de la sculpture Hon (1966), de Niki de Saint Phalle. Le fil conducteur pourra parfois paraître ténu. Il réserve quelques belles apparitions, comme l’intervention picturale subtile de Flora Moscovici jouant avec la teinte des mosaïques de l’ancien bâtiment des PTT dont le bleu semble déteindre sur le pavé de la rue de l’Héronnière. Le Voyage s’appuie aussi sur la programmation de deux institutions locales : à la HAB Galerie, le solo de Gloria Friedmann (« Combien de terres faut-il à l’homme ? ») fait écho à l’installation de l’artiste dans la cour de l’hôtel de Briord, tandis que le château des ducs de Bretagne présente 160 dessins et peintures d’Hokusai.

Au Havre, l’imaginaire balnéaire

Un été au Havre a ouvert pour sa part quelques jours avant le rassemblement, du 4 au 7 juillet, des voiliers de la course Tall Ships Race, apte à drainer une foule de touristes ; son parcours entre judicieusement en résonance avec cette histoire maritime. L’artiste Nefeli Papadimouli s’inspire des voyages nautiques en plantant des voiles colorées de bateau dans la cour centrale de la résidence Blason. Le duo Elsa & Johanna puise dans l’imaginaire balnéaire en disposant dans les rues d’emblématiques cabanes de plage transformées en dioramas. Face à la mer, l’Abri de la plage, construit par deux disciples d’Auguste Perret, est coiffé d’une toiture flottante inspirée des flux marins et des vols migratoires et créée par le duo Bureau Idéal. Didier Marcel a moulé en béton une pierre calcaire trouvée plus loin sur la cote, près des falaises d’Étretat, pour en faire une fontaine évoquant les formes généreuses des « Nanas » de Niki de Saint Phalle – décidément dans l’air du temps. Dans un registre plus grave – et alors que, plus de quatre-vingts ans après sa destruction par les Alliés, Le Havre fête le vingtième anniversaire de son classement au patrimoine mondial de l’Unesco –, Louis-Cyprien Rials reconstitue dans ses Jardins suspendus trois portes de la ville de Mossoul bombardée, dressées comme des monuments : d’une guerre l’autre. Projeté au cours de la saison au Théâtre de l’hôtel de Ville, le film Tempesta de Mali Arun convoque le mythe antique. Ailleurs, « Blue Oyster Cult… », l’exposition monographique de Richard Fauguet programmée en parallèle par le centre d’art Le Portique, est un clin d’œil au groupe de rock américain des années 1970, et son titre fait aussi référence aux compositions en coquilles d’huître de l’artiste. On ne peut que saluer la cohérence ludique de l’ensemble.

Le Voyage à Nantes, « L’étrangeté »,
jusqu’au 31 août, Nantes et alentours, levoyageanantes.fr
Un Été au Havre,
jusqu’au 21 septembre, Le Havre, uneteauhavre.fr

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°659 du 4 juillet 2025, avec le titre suivant : Voyage à Nantes, été au Havre…

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