Belgique - Festival - Photographie

Bruxelles complètement photo

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 23 février 2024 - 768 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

300 artistes, 56 lieux, galeries et institutions. Pour sa 8e édition, le Photo Brussels Festival entend placer pour un mois la capitale belge sur la scène photographique internationale.

Photographie de Matthieu Vilette à retrouver dans l'exposition Street photography au Mori Film Lab dans le cadre de Photo Brussels. © Matthieu Vilette
Photographie de Matthieu Vilette à retrouver dans l'exposition Street photography au Mori Film Lab dans le cadre de Photo Brussels.
© Matthieu Vilette

Bruxelles. La capitale belge, comme Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne, a son mois de la photo, en l’occurence février. Lancé en 2016 par Delphine Dumont, directrice du Hangar, le Photo Brussels Festival a pris de l’ampleur au fil des éditions. Cette année, le programme se déploie dans 56 lieux disséminés dans toute la ville. À la multiplicité des structures, des petites galeries aux grandes institutions, fait écho la diversité des propositions photographiques contemporaines, entre classicisme et expérimentation, entre paysages, portraits et compositions abstraites ou conceptuelles.

Le Hangar, centre névralgique du festival, propose « Generations of Resilience », une exposition consacrée à la photo ukrainienne traçant une continuité entre l’esprit libertaire et subversif des années 1970 et 1980 et la sidération face au quotidien d’un pays en guerre. À l’époque soviétique, peu de choses étaient permises. Un nu, un collage, des photos recolorisées comme en proposaient les artistes de l’école de photographie de Kharkiv constituaient des actes de rébellion. Aujourd’hui, avec la guerre, les artistes de la jeune génération ne peuvent plus photographier comme avant. « Tout romantisme de la guerre est un crime contre l’humanité », écrit dans son journal. Avec pudeur et empathie, Igor Efimov fait le portrait de femmes et d’enfants dans les uniformes vides de leurs proches décédés au front. Les images noir et blanc de Michael Ackerman sont celles d’un autre monde, halluciné, hanté de couloirs mystérieux. Un singe funambule nous mène à un visage de femme devant un escalier de métro qui conduit à une jeune femme enveloppée de sa seule torpeur. Qu’elles soient prises à New York, Varanasi (Inde), Katowice (Pologne) ou Paris, hier ou il y a vingt ans, ses images happent le visiteur avec la même force à la fois douce et brutale. Transgressant les règles de cadrage et de mise au point, l’auteur fait surgir devant son objectif des émotions brutes et fugitives. À voir à la Box Galerie et à L’Enfant sauvage pour la série « Smoke ».

La Galerie La Forest Divonne revient, elle, sur le parcours du duo Elsa & Johanna à travers leurs différentes séries. Avec un troublant art de la métamorphose, les deux artistes se mettent en scène dans des images qui écrivent des bribes de fictions ouvertes. Garçons et filles, saisis face caméra, dans l’incertitude de l’adolescence, portrait et détails croqués au coin d’une rue ou d’un café de Saint-Germain-des-Prés ; ou ménagères désespérées combattant l’attente et l’ennui dans les intérieurs et les parkings de banlieues nord-américaines fantasmées : chaque série est un récit. Il y a encore cette vie confinée en couleurs dans une ville entre champs et lagunes dans le nord de l’Allemagne, ou les vingt-quatre personnages féminins dans le noir et blanc glamour d’un huis clos domestique.

Présenté à la Fondation A, Jacques Sonck photographie depuis plus de quarante ans les gens qu’il croise dans les rues de Gand ou d’Anvers et qu’il invite parfois dans son studio. Il ne cherche ni à les comprendre ni à les analyser, il veut juste magnifier leur beauté singulière, un détail de leur physique, de leurs accessoires vestimentaires, de leur façon d’être. Avec tendresse et respect, il reste à l’extérieur de ces figures extraverties, célébrant la beauté et la diversité de la comédie humaine.

Approche expérimentale

La photographie n’est pas que sujet et représentation, elle est aussi matière. Les huit artistes présentés à l’Iselp (Institut supérieur pour l’étude du langage plastique) dans le cadre de l’exposition « Matière critique » développent une approche singulière et expérimentale du médium photographique. De la beauté des accidents qui naissent sur la pellicule de films Polaroid périmés de Lara Gasparotto à la quête constante de Liesbet Grupping pour saisir la lumière du bleu du ciel, de la capture par Laure Winants du processus de fonte du permafrost avec la gélatine du film photo au projet « Mudgram » de Dries Segers réalisé avec des échantillons de terre fortement pollués qui, selon leur degré de contamination, révèlent des gammes de couleurs et des motifs insoupçonnés.

La Tiny Gallery est un lieu enchanteur dévolu à la photographie historique et à la création contemporaine. Ingeborg Selleslags y expose ses portraits grand format réalisés selon les procédés Van Dyke et du cyanotype. Victime des attentats de Zaventem en 2016, l’artiste anversoise s’est reconstruite, repoussant l’empreinte de la mort par la pratique de la photo. Caressés par la douceur d’un clair-obscur aux tons marron, ses portraits pudiques de vieux corps nus, vus de dos, expriment la vulnérabilité et la beauté de la vie.

Photo Brussels Festival,
jusqu’au 25 février, www.photobrusselsfestival.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : Bruxelles complètement photo

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