Disparition

Sam Szafran : disparition d’un artiste singulier

Par Antonin Gratien · lejournaldesarts.fr

Le 16 septembre 2019 - 554 mots

MALAKOFF

Le peintre figuratif français, à l’enfance difficile et à la carrière discrète est décédé le 14 septembre à l’âge de 84 ans. 

Sam Szafran © Photo Frédéric Marigaux pour L'Œil - 2013
Sam Szafran dans son atelier en 2013
© Photo Frédéric Marigaux pour L'Œil

Il était un amoureux du désordre et un maître des toiles à la perspective troublée. Sam Szafran est mort samedi dernier à Malakoff, dans la maison-atelier dans laquelle il travaillait en reclus depuis plus de 40 ans, a annoncé sa galerie historique, la Galerie Claude Bernard. Celui qui affirmait avoir « besoin du chaos » pour créer, connu pour ses représentations vertigineuses d’escaliers, allait avoir 85 ans. 

Né le 19 novembre 1934 à Paris de parents juifs polonais, Sam Szafran est un miraculé de la Seconde Guerre mondiale. Il a 5 ans lorsque le conflit débute, et vit durant de longs mois auprès d’un oncle violent dont il dira qu’il lui a fait subir « l’horreur ». S’il parvient à échapper à la rafle du Vélodrome d’Hiver en juillet 1942, il est arrêté par la Waffen SS en 1944, puis brièvement interné au camp de Drancy avant d’être libéré, en août, par les Américains. Une grande partie de sa famille n’a cependant pas survécu.

En 1951, Sam Szafran a 17 ans et retourne dans la capitale française après quatre années passées en Australie. Il y mène une vie précaire, entre abri de fortune, alcool et héroïne et enchaîne les petits boulots : garçon de bureau, coursier, dératiseur. Il met un premier pied dans l’art en s’inscrivant à des cours du soir, puis fréquente l’Académie de la Grande Chaumière, où enseignait notamment le peintre et graveur français Henri Goetz. Il croise de grands noms de l’époque, dont Nicolas de Staël et Yves Klein, et rencontre en 1961 Alberto Giacometti – son « seul et unique maître ».

Dans les années 1950, il réalise d’abord des œuvres abstraites, puis à contre-courant de l’époque, adopte le figuratif pour représenter des nus et des portraits. En 1960, il abandonne les pinceaux en découvrant sa pratique maîtresse, le pastel, dont il est le premier à relancer l’usage. 

Sam Szafran rejoint la galerie Claude Bernard en 1964, et obtient une première exposition personnelle l’année suivante. Ses sujets de prédilection sont les imprimeries, les ateliers et la végétation foisonnante des serres, représentés avec plusieurs médiums : le pastel, bien sûr, mais aussi l’aquarelle et le travail sur soie chinoise. Dans les années 1975-1990, l’artiste développe le thème des escaliers, leur structure hélicoïdale et leur abîme, puis aborde à partir du nouveau millénaire les grands paysages urbains. 

L'atelier de Sam Szafran en 2013 © Photo Frédéric Marigaux pour L'Œil
L'atelier de Sam Szafran en 2013
© Photo Frédéric Marigaux pour L'Œil

En 1999 la Fondation Pierre Gianadda lui avait consacré une rétrospective, suivi un an après en France au Musée de la vie romantique, puis du côté de Cologne, en Allemagne, dans le Musée Max Ernst de Brühl en 2010. Trois ans plus tard, Sam Szafran avait à nouveau investi la Fondation Pierre Gianadda pour y présenter de très grands formats. 

Le peintre avait reçu le Grand Prix des Arts de la Ville de Paris en 1993, le prix Pierre Crommelynck en 2011, et avait été promu commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres par l’ancien ministre de la culture Frédéric Mitterrand deux ans plus tard. Ses aquarelles et pastel sur carton sont actuellement exposés à la Biennale Paris. Une rétrospective lui sera prochainement consacrée à l’Orangerie de Paris.  Une reconnaissance tardive pour un artiste un peu oublié par le milieu de l’art.

Solo show Sam Szafran à la Biennale Paris 2019, galerie Claude Bernard © Photo Clotilde Bednarek pour Le Journal des Arts
Solo show Sam Szafran à la Biennale Paris 2019, galerie Claude Bernard
© Photo Clotilde Bednarek pour Le Journal des Arts

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