Éducation artistique et culturelle

HISTOIRE

Une brève histoire de l’EAC

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 31 mai 2022 - 920 mots

FRANCE

L’EAC atteint un premier palier essentiel en 2000 avec le plan Tasca-Lang qui crée 40 000 « classes à PAC ».

Claude Mollard en 1983-84, alors qu'il était délégué aux arts plastiques et président du CNAP. © DR
Claude Mollard en 1983-84, alors qu'il était délégué aux arts plastiques et président du CNAP.
© D.R.

Si l’enseignement du dessin et de la musique à l’école remonte au XIXe siècle, l’éducation par l’art et la culture, héritée de l’éducation populaire d’avant-guerre n’entre dans les écoles, collèges et lycées que timidement à partir des années 1970. Après-guerre, l’institution scolaire doit faire face à d’autres priorités, à commencer par construire des équipements et recruter des enseignants pour accueillir des élèves chaque année plus nombreux. « Le transfert en 1959 du secrétariat des Beaux-arts, du ministère de l’Éducation vers le nouveau ministère de la Culture d’André Malraux entraîne une fracture entre les deux mondes qui a mis du temps à être réduite », explique Claude Mollard, le pilote du plan Tasca-Lang en 2000.

Jusqu’à l’arrivée de Jack Lang en 1981 à la Rue de Valois, les passerelles entre les deux institutions prennent essentiellement la forme d’aménagements de cours (en 1974) pour permettre à certains élèves de suivre un cursus dans des conservatoires de musique, de constitutions de structures pour infuser l’action culturelle (en 1978 sont créées des commissions académiques d’action culturelle dans chaque académie), et de classes expérimentales. Il y a bien çà et là des enseignants motivés qui mènent sur la durée des actions culturelles en marge des enseignements artistiques, mais ils le font dans un cadre informel.

Un premier plan en 1983

Une première étape institutionnelle est franchie avec la signature d’un protocole en 1983 entre le ministère de la Culture et celui de l’Éducation nationale qui affirme la cohérence entre les enseignements obligatoires et les actions culturelles. « Ce devait être à l’origine une loi », se souvient Claude Mollard alors directeur de la toute nouvelle Délégation aux arts plastiques, « mais Alain Savary, le ministre de l’Éducation n’en voulait pas. C’est de là qu’est née sous la plume de Jack Lang l’expression de “mammouth”, reprise plus tard par Claude Allègre, pour désigner un ministère de l’Éducation difficile à réformer. » Dans la foulée de la convention, sont créés les premiers centres de formation des musiciens intervenants dans les écoles (CFMI), et mis en place des ateliers de pratiques artistiques dans les collèges.

À son arrivée Rue de Valois en 1986, lors de la première cohabitation, François Léotard prépare un texte qui sera voté deux ans plus tard qui donne toute sa place aux enseignements artistiques dans le primaire et secondaire, et s’agissant de l’EAC, officialise l’entrée des artistes dans ces établissements, sous l’autorité des enseignants. Les actions culturelles à l’école financées par le ministère de la Culture commencent à se développer, comme en témoigne la ligne budgétaire qui lui est consacrée dans les crédits du ministère : 28,5 millions de francs en 1988 (soit 7 millions d’euros d’aujourd’hui). Mais selon Pascale Lismonde (Les Arts à l’école, Folio, 2002), moins de 1 % des élèves ont bénéficié à la veille du plan Tasca-Lang d’une action d’EAC.

Le plan quinquennal pour l’EAC

La troisième cohabitation (Lionel Jospin est le premier ministre de Jacques Chirac) voit le retour de Jack Lang, non pas au ministère de la Culture mais à celui de l’Éducation nationale, tandis que Catherine Tasca (une camarade de promotion de Claude Mollard à l’ENA) s’installe Rue de Valois. C’est l’occasion pour Lang de mettre en place des structures qui vont, espère-t-il, pérenniser l’action culturelle à l’école. Il en confie la mission à Claude Mollard qui, avec l’aide d’une équipe de douze personnes prépare le « plan de cinq ans pour le développement des arts et de la culture à l’école », annoncé en conférence de presse en décembre 2000.

Le plan vise à généraliser les actions culturelles dans les écoles et collèges, et à créer 25 000 « classes à PAC » (Projets artistiques et culturels), c’est-à-dire des classes dans lesquelles un professeur mène pendant un an un projet culturel, en présence d’un artiste avec une restitution aux parents. Les classes disposent d’une dotation initiale moyenne d’environ 800 euros d’aujourd’hui. Claude Mollard se souvient d’une classe de CM1 à Paris, où pendant un an les élèves ont dessiné des vêtements avec l’aide du couturier Jean-Charles de Castelbajac avant d’organiser un défilé de mode. Le plan est doté de 263 millions de francs en 2001 (53 M€ d’aujourd’hui) dans les crédits de paiement (CP) du ministère de l’Éducation abondés par des CP de la Rue de Valois (16,5 MF, soit 3,3 M€). C’est à cette occasion que le terme d’« éducation artistique et culturelle » apparaît. « Nous voulions créer un Centre national pour l’EAC, explique Claude Mollard, mais Laurent Fabius alors ministre des Finances ne voulait pas financer un nouvel opérateur. » Il se tourne alors vers le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), l’éditeur du ministère de l’Éducation, dont il prend la direction pour y loger la mission. Dans le même temps, sont créés dans chaque rectorat des Délégués académiques à l’action culturelle (DAAC), rattachés aux recteurs et chargés de piloter le plan dans leur ressort.

Selon Claude Mollard, 40 000 classes à PAC auraient vu le jour en deux ans. Mais l’élan est brisé en 2002. Jacques Chirac (réélu) et Jean-Pierre Raffarin (premier ministre) nomment le philosophe Luc Ferry à la place de Jack Lang. « Luc Ferry disait que les artistes n’avaient rien à faire dans les écoles », affirme Claude Mollard. Les budgets de l’EAC du ministère de l’Éducation nationale sont alors progressivement réduits et la mission s’étiole. Mais si le « mammouth » a du mal à se réformer, il a la mémoire longue. Le terme « classe à PAC » reste utilisé par de nombreux enseignants qui mènent des projets d’EAC.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : Une brève histoire de l’EAC

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