Entretien

Jean-Marcel Bichat, auteur d’un rapport sur l’enseignement des arts à l’école

« Afin de s’adresser à tous, l’art doit passer par l’école »

Le Journal des Arts

Le 5 mars 2004 - 756 mots

Un rapport du Conseil économique et social (CES) émis au nom de la section du cadre de vie et présenté les 10 et 11 février dénonce la faible place consacrée aux disciplines artistiques à l’école et propose une série de mesures destinées à renforcer et à valoriser cet enseignement à tous les niveaux scolaires. Son auteur, Jean-Marcel Bichat, répond à nos questions.

Dans votre rapport, vous dressez un tableau assez sombre de la place et de la nature des enseignements artistiques à l’école : disciplines reléguées au second plan, enseignants peu formés, manque de matériel et de locaux adaptés, pédagogie trop théorique...
Enseignants, parents d’élèves et artistes s’accordent pour constater la place subalterne occupée par l’art à l’école. Depuis l’instauration, à l’époque de Jules Ferry, du dessin et de la musique dans les programmes scolaires, cette place a peu évolué. Même Mai 68, qui a pourtant bousculé la société et l’éducation, n’a pas réussi à changer cet état de fait.

Quelles sont vos propositions pour remédier à cette situation ?
Les disciplines artistiques se limitent actuellement à trois heures obligatoires à l’école élémentaire et à deux heures au collège. Et au lycée, ces matières deviennent optionnelles. Nous proposons de renforcer cet enseignement et de l’inscrire dans les épreuves du Bac. Dans le primaire, nous préconisons la création d’une fonction spécifique de « professeur des écoles-maître des arts ». Ce dernier recevrait une formation appropriée lui permettant de faire de l’initiation aux disciplines artistiques et d’organiser des projets. La classe serait ainsi assurée par un professeur des écoles classique, en collaboration avec un professeur des écoles-maître des arts. Au collège comme au lycée, il nous a semblé important d’élargir le panel des enseignements artistiques proposés aux élèves, en y incluant par exemple le théâtre ou la danse. Les enfants pourraient choisir de suivre l’une de ces disciplines de la 6e à la terminale. Il faudrait aussi repenser l’enseignement de ces matières dans un sens moins théorique. De nombreux dispositifs culturels ont jusqu’ici été mis en place dans les écoles – les classes à projet artistique et culturel (classes à PAC), les classes à horaire aménagé musicales (CHAM), les classes du patrimoine –, des collectivités se sont engagées dans ce sens, mais de très fortes inégalités demeurent, ces initiatives ne concernant qu’un nombre limité d’élèves. Afin de s’adresser à tous les enfants – a fortiori à un âge décisif pour mettre en place des repères, donner le goût des pratiques artistiques ou du contact avec les œuvres d’art –, l’art doit passer par l’école. C’est le seul moyen d’assurer un accès démocratique à la culture, qui reste l’apanage de certaines catégories sociales. Nous suggérons en outre la généralisation des classes à PAC dans le primaire et des ateliers de pratique artistique et d’action culturelle au collège et au lycée, ainsi que l’extension des classes CHAM à l’ensemble des disciplines artistiques. Enfin, notre assemblée considère que le développement de ces enseignements ne pourra se faire sans une mise en synergie des divers partenaires, notamment les ministères de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, de la Culture, les collectivités locales et le monde associatif.

L’un des exemples phares du partenariat entre les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, les classes à PAC, est actuellement remis en cause...
Dans le contexte actuel, il y a en effet une grande incertitude sur le devenir du plan de cinq ans mis en place par Jack Lang et Catherine Tasca en 2001 (lire JdA n° 161, 20 déc. 2002). Ce plan n’est pas clairement dénoncé, mais on sait bien que les crédits ne sont plus là… Or, pour que l’éducation artistique se développe, il faut une volonté forte, de l’imagination et des moyens.

Comment vos propositions ont-elles été reçues par ces deux ministères ?
Bien, je crois, même si j’ai eu parfois l’impression que chaque ministère était plus emballé par ce que je proposais pour l’autre… Mais je pense qu’ils devraient à terme réagir positivement sur un certain nombre de nos suggestions.

Quels sont selon vous les enjeux de l’éducation artistique ?
Les matières artistiques constituent un apport à la personnalité, à la sensibilité et à la culture des jeunes. Elles permettent aux élèves d’instaurer un autre type de rapport avec l’école, aux enseignants et chefs d’établissement d’y créer un climat différent, aux parents de déceler des talents qu’eux-mêmes n’auraient pas forcément repérés chez leurs enfants. Ces enseignements apportent une dimension un peu plus humaine et différente de l’école classique. Autant de raisons qui méritent que l’on donne plus de poids à ces disciplines.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°188 du 5 mars 2004, avec le titre suivant : Jean-Marcel Bichat, auteur d’un rapport sur l’enseignement des arts à l’école

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