Archéologie préventive

La Cour des comptes critique l’Inrap

La Cour des comptes pointe les faiblesses d’une décennie d’activité de l’Inrap, malgré des améliorations intervenues ces dernières années.

Le Journal des Arts

Le 3 septembre 2013 - 725 mots

Dans le référé qu’elle vient d’adresser aux ministres de la Culture et de l’Enseignement supérieur, la Cour des comptes épingle la gestion de l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Sont notamment mis en cause un mode de financement inadéquat, une faible proportion de publications scientifiques, et un cadre concurrentiel inadapté.

PARIS - La Cour des comptes vient de rendre public un référé sur la gestion de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), concernant les exercices 2002 à 2011, adressés aux ministres de tutelle de l’Institut, le ministère de la Culture et de la Communication et celui de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Le référé signé du premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, préconise dans ses conclusions des réformes profondes dans la perspective du futur projet de loi relatif au patrimoine culturel, attendu pour 2014. L’Inrap, lors de sa création en établissement public en 2001, a été doté de larges compétences : diagnostics et fouilles prescrites par l’État, exploitation scientifique et diffusion des résultats, participation à l’enseignement et à la valorisation de l’archéologie. Avec un budget moyen de 160 millions d’euros par an, l’Inrap emploie près de 2 000 agents. « C’est aujourd’hui la pérennité du modèle d’organisation de l’archéologie préventive en France qui est en cause ». Les sages de la Rue Cambon font un constat sévère : « la gestion opérationnelle de l’Inrap a souffert, pendant la majeure partie de la décennie écoulée, de lourds dysfonctionnements hérités d’une genèse hâtive ». Sur ce constat de départ, la Cour formule de grandes recommandations, auxquelles la ministre Aurélie Filippetti a répondu : sur le financement, le cadre concurrentiel, l’exercice de la tutelle et la gestion interne de l’établissement. Son financement est exclusivement assuré par la redevance d’archéologie préventive (RAP), une recette fiscale à la charge des aménageurs. Mais cette RAP a souvent été insuffisante pour soutenir l’équilibre budgétaire : entre 2002 et 2011, selon la Cour des comptes, près de 175 millions d’euros supplémentaires ont dû être apportés pour remplir les caisses de l’établissement. Si la Cour souhaite que l’activité de l’Inrap soit ajustée au montant de la RAP encaissé, Aurélie Filippetti a réaffirmé dans sa réponse que la RAP devait à l’inverse être en adéquation avec les besoins de l’Inrap. Un compte d’affectation spéciale (CAS) prévu en 2015 devrait sécuriser le financement de l’Inrap, d’autant plus que les taux des prescriptions de fouilles se sont stabilisés ces dernières années.

La recherche et le cadre concurrentiel

Une discrète présence de l’Inrap dans le monde de la recherche est dénoncée dans le référé : « Non négligeable, la production scientifique de l’établissement demeure faible en proportion de l’ensemble des données issues de l’archéologie préventive ». En cause, « la profonde divergence qui oppose encore […] les deux ministères de tutelle de l’opérateur » : pour le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le travail scientifique ne commencerait qu’après la remise du rapport de fouilles, tandis que le ministère de la Culture considère la recherche dans sa globalité, des fouilles de terrain à la publication et la diffusion au grand public. Cette distinction a entraîné le désengagement financier régulier du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Autre sujet de préoccupation, depuis 2003, date de l’ouverture à la concurrence de l’activité des fouilles, l’Inrap a vu une baisse de son activité de fouilles prescrites. Alors que 900 agents travaillent aux seins de services d’archéologie, 500 personnes sont employées dans des sociétés privées agréées. À défaut de contrôles et de normes homogènes, les tarifications pratiquées par ces différents acteurs ont porté préjudice à l’Inrap, dont la grille tarifaire reste élevée. Le Livre blanc de l’archéologie préventive, publié en mars dernier, avait pointé les inconvénients et les faiblesses de l’archéologie préventive, une situation dont le ministère de la Culture semble avoir pris acte en renforçant l’activité et l’assise du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA). De son côté, l’Inrap a élaboré un contrat de performance afin de mieux appréhender son activité, et mise sur un plan « Reconquête aménageurs » pour améliorer le taux de satisfaction des aménageurs, principaux clients de l’activité de fouilles. Alors que l’État, incité à la rigueur budgétaire par la Cour des comptes, se serre la ceinture, nul doute que l’activité de l’Inrap sera examinée à la loupe lors de la prochaine loi sur le patrimoine culturel.

Légende photo

Découverte d’une amphore sur le site du Val Claret, Antibes. © Photo : R. Thernot/Inrap.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°396 du 6 septembre 2013, avec le titre suivant : La Cour des comptes critique l’Inrap

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