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Paris

Feu vert pour les travaux du Grand Palais

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2016 - 856 mots

La nouvelle présidente de la RMN-Grand Palais est arrivée avec une rallonge de 80 millions d’euros permettant de débloquer le schéma directeur. Mais la situation actuelle de l’opérateur est inquiétante.

Portrait de Sylvie Hubac
Portrait de Sylvie Hubac
Photo Mirco Magliocca

PARIS - Le futur Grand Palais partage bien des points communs avec la nouvelle Tate Modern. Ce sont tous les deux des bâtiments historiques uniques, devenus des équipements culturels phares au centre de la capitale de leur pays, dont l’ampleur des travaux n’a pas d’équivalent pour la période et qui ont largement recours au financement privé. Et si tout se passe bien pour le Grand Palais, il faudra douze ans, comme pour la Tate, entre la décision d’engager des travaux et la réouverture des lieux.

Le recours à l’emprunt
Longtemps enlisé dans des problèmes de financement, le schéma directeur du Grand Palais est sorti de l’ornière avec l’arrivée en début d’année de la nouvelle présidente Sylvie Hubac. Cette proche de François Hollande – elle le côtoya à l’ENA et fut sa directrice de cabinet à l’Élysée de 2012 à 2015 – n’est pas venue les mains vides. La dot comprend 80 millions d’euros en plus de financement public, qui ont permis de boucler le complexe montage financier. Quelques semaines à peine après le départ de son prédécesseur Jean-Paul Cluzel, Matignon a validé le schéma financier, voté dans la foulée par le conseil d’administration de l’établissement public. À l’origine, outre les 116 millions d’euros sur le budget du ministère de la Culture au titre de la restauration du monument, l’État devait apporter 120 millions via le « grand emprunt ». C’est cette dotation en capital (hors budget de l’État donc) qui passe à 200 millions. Cette augmentation des fonds publics s’explique par un réajustement – à la hausse – du coût total (466 millions d’euros dont 30 millions de pertes d’exploitation pendant la fermeture des travaux) et la limite des capacités d’emprunt de l’établissement public. Le financement repose en effet sur un emprunt de 150 millions d’euros sur trente ans, soit des remboursements annuels d’environ 7 millions d’euros.

Une situation préoccupante
Or les résultats actuels de l’opérateur ne rassurent pas vraiment les prêteurs. Même si le modèle économique du « nouveau » Grand Palais repose sur une augmentation importante des espaces et des temps de locations, et donc des recettes commerciales, la situation actuelle est inquiétante. L’exercice 2015 s’est terminé tout juste à l’équilibre (400 000 euros sur un budget de 150 millions), mais aurait plongé dans le rouge s’il n’y avait pas eu les 1,7 million d’euros du CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi). Et les prévisions 2016 sont franchement catastrophiques. Déjà voté avec un déficit de 2,5 millions, le budget 2016 pourrait afficher des « pertes de 5 millions d’euros », selon Sylvie Hubac. En cause une baisse préoccupante de la fréquentation du Grand Palais qui est de l’ordre de 20 % pour le premier semestre 2016. La présidente attribue cette baisse autant au contexte post-attentat qu’à une offre moins séduisante. Mais globalement, la baisse du nombre de touristes affecte les recettes des librairies RMN qui constituent une bonne part des revenus de l’opérateur. « C’est une économie de ruissellement, tirée par les expositions », explique-t-elle. Voilà pourquoi elle veut diminuer le nombre d’expositions, s’appuyer davantage sur des têtes d’affiche (Palmyre, Gauguin, Kupka, Venise) et renégocier avec sa tutelle le montage financier des Monumenta qui lui coûtent très cher, surtout en manque à gagner, et qui sont faiblement subventionnés par le ministère. Aussi, lorsque Huang Yong Ping peine à atteindre 100 000 visiteurs quand Anish Kapoor en attirait presque trois fois plus, les clignotants passent au rouge vif.

« Le dernier grand chantier culturel à Paris »

Défini en 2011, le schéma directeur vise d’abord à achever la restauration des toits, celle des accès monumentaux et restaurer le Palais d’Antin qui accueille le Palais de la découverte. Mais le volet le plus spectaculaire concerne le réaménagement des espaces intérieurs. Il s’agit d’ouvrir la totalité des douze galeries et ainsi augmenter de 30 % la surface disponible pour les expositions, d’aménager une vaste entrée commune square Jean Perrin, qui se prolonge par une grande allée intérieure orientée nord-sud offrant une meilleure « lecture » des espaces et de mieux réguler la température de la grande nef. Moins spectaculaire, mais tout aussi importante, la création d’une plateforme logistique en sous-sol permettra d’optimiser les installations des diverses manifestations. En 2024, le Grand Palais pourra ainsi accueillir beaucoup plus d’événements, notamment commerciaux, et augmenter la jauge de 16 500 à 21 900 visiteurs. Sylvie Hubac table sur un accroissement de 3 à 4 millions de visiteurs par an. Parmi eux, quelques privilégiés qui pourront se promener ou déjeuner sur les toits. Les travaux démarreront en mars 2020 avec une fermeture totale du site en novembre 2020, suivie d’une réouverture de la Nef et des galeries en janvier 2023 et de la réouverture totale du site en juin 2024, juste à temps pour les Jeux olympiques. Mais entre-temps, il faut trouver une solution pour les grandes manifestations parisiennes, désespérées par la fermeture provisoire du Grand Palais. Une structure semi-permanente sur le Champs-de-Mars est pour l’instant la moins mauvaise des solutions envisagées.

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Sylvie Hubac © Photo Mirco Magliocca

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°460 du 24 juin 2016, avec le titre suivant : Feu vert pour les travaux du Grand Palais

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