Politique culturelle

POLITIQUE CULTURELLE ITALIENNE

Dario Franceschini remplace un ministre controversé

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2019 - 705 mots

ROME / ITALIE

L’ancien ministre de la Culture retrouve son portefeuille. Le bilan d’Alberto Bonisoli est marqué par les polémiques.

Dario Franceschini
Dario Franceschini

Rome. Jusqu’au dernier moment il pensait conserver sa place. Alberto Bonisoli a dû la céder pour satisfaire le savant jeu d’équilibre de la composition du nouvel exécutif italien. Ironie du sort, c’est son prédécesseur qui le remplace. Celui-là même dont il voulait effacer l’héritage en lançant l’énième réforme du ministère pour les Biens et Activités culturels (Mibac) adoptée le 19 juin. Plus que « réforme Bonisoli », on l’appelait déjà « contre-réforme Franceschini ». Le ministre de la Culture du « gouvernement du changement » avait promis à son arrivée qu’il favoriserait les surintendances (l’équivalent de nos directions régionales des Affaires culturelles), trop longtemps négligées, qui assurent des missions techniques au niveau local. Il quitte son poste en renforçant considérablement les directions générales à Rome qui traitent de questions plus politiques.

Une centralisation accrue incarnée par le secrétaire général du ministère. Une figure jusqu’ici essentiellement administrative dotée désormais de prérogatives techniques importantes, notamment en ce qui concerne les prêts d’œuvres à l’étranger. Un « super-secrétaire général » qui pourra également devenir directeur d’un des musées autonomes en cas de vacance du poste. Les surintendances et les musées régionaux perdent en outre leurs attributions sur les appels d’offres, les contrats et les concessions qui échoient à une nouvelle direction, laquelle deviendra une entité contractante. Quant aux conseils d’administration des musées autonomes, ces symboles de la réforme Franceschini qui avaient nommé à leur tête des directeurs étrangers, ils seront supprimés et leurs bilans approuvés par le ministère. Aux controverses sur l’utilité de ces mesures, se sont ajoutées les querelles liées à leur mise en œuvre. Le retrait de l’autonomie à la Galleria dell’Accademia de Florence, au parc archéologique de l’Appia Antica et au Musée national étrusque de la Villa Giulia a été jugé arbitraire.

Bonisoli, « Monsieur Non »

« Même le fascisme n’avait pas osé aller aussi loin », déplorait Francesco Prosperetti, le surintendant des biens culturels de Rome. Le Conseil supérieur des biens culturels et paysagers rendait d’ailleurs le 24 juillet un avis négatif dans un rapport. Avis ignoré par Alberto Bonisoli qui s’empressait de signer les décrets d’application, le 16 août, en pleine crise de gouvernement. « Un abus de pouvoir », s’indignent ses nombreux détracteurs alors que Dario Franceschini a aussitôt annoncé après sa prise de fonction qu’il bloquera cette ultime initiative d’un ministre qui aura surtout été actif pour opposer des veto.

En un peu plus d’un an de mandat, les polémiques se sont multipliées : celle avec la France, à la suite du refus de prêter certaines œuvres pour la grande exposition du Louvre consacrée à Léonard de Vinci [qui ouvre le 24 octobre] ou celle avec le Musée Capodimonte à Naples, après l’interdiction à la dernière minute de déplacer une toile pour l’exposition du Caravage. Le blocage de la construction d’un McDonald à proximité des thermes de Caracalla ou celui de l’installation d’une grande roue panoramique surplombant le site de Pompéi peut néanmoins être mis à son crédit.

Un ministère désorienté

Entre protection et valorisation du patrimoine, le choix aura été clair. Le tourisme avait d’ailleurs été retiré du domaine de compétences de son ministère. Il y fera prochainement son retour avec son successeur. Alberto Bonisoli pouvait ainsi disputer le surnom de « Monsieur Non » à Gino Famiglietti, à la tête de la direction générale de l’Archéologie, des Beaux-Arts et du Paysage jusqu’à son départ à la retraite cet été. Ce dernier aura été le véritable homme fort du Mibac.

« Un ministère désorienté et épuisé complètement à l’arrêt en attendant de savoir exactement dans quelle direction il doit aller », confessent ses fonctionnaires lassés par cette frénésie de réformes. Elles reposent plus sur la volonté de défaire ce qui a à peine été annoncé que de construire un véritable projet économico-culturel. Sur les 6 000 embauches promises pour remplacer les nombreux départs à la retraite, seuls 500 nouveaux postes en 2020 et 500 autres en 2021 seront pourvus. À cela s’ajoute le manque de moyens financiers et de formation d’un personnel de plus en plus vieillissant, accentuant un déséquilibre qui ne cesse de se creuser entre l’administration centrale et les surintendances. Autant de défis que n’a pas relevés Alberto Bonisoli et auxquels devra s’attaquer de toute urgence Dario Franceschini.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°529 du 20 septembre 2019, avec le titre suivant : Dario Franceschini remplace un ministre controversé

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