Diplomatie culturelle

Cours de français à l’étranger, le réseau culturel s’harmonise

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 11 mars 2020 - 1071 mots

MONDE

Les Instituts français et les Alliances françaises coopèrent davantage afin de proposer une offre plus adaptée d’enseignement de notre langue dans un contexte de concurrence avec l’anglais.

Institut français d'Alexandrie en Égypte. © Institut Français.
Institut français d'Alexandrie en Égypte.
© Institut Français.

En mars 2018, Emmanuel Macron lançait un ambitieux plan pour la langue française dans sa pluralité. La promotion du français et de la francophonie à l’étranger devenait alors une priorité pour l’ensemble du réseau culturel, c’est-à-dire les Instituts français et les Alliances françaises. Les deux réseaux ont fait l’objet d’une restructuration ces dernières années pour renforcer leur coopération, car ils sont de nature différente, même s’ils ont des missions communes.

Suite à un rapport du Sénat (2009) et un de la Cour des comptes (2013) le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) a entrepris de faire évoluer le réseau. Le MEAE est la principale tutelle de l’Institut français, un Épic (Établissement public à caractère industriel et commercial) créé en 2010 ; l’Institut français de Paris est un opérateur public qui « se place dans une optique d’accompagnement des établissements du réseau », selon Judith Roze, directrice du département Langue française, livre et savoirs à l’Institut français. Les Instituts à l’étranger sont dirigés par des diplomates, et ils bénéficient du label « Institut français ». Les Alliances, elles, sont des associations de droit privé, et la Fondation Alliance française créée en 2007 n’a pas de « lien hiérarchique avec elles, et joue un rôle de tête de réseau », clarifie Marc Cerdan, secrétaire général de la Fondation, qui octroie aussi un label aux Alliances.

Autre différence, la Fondation et les Alliances ne sont pas sous tutelle du MEAE, même si celui-ci contribue au budget de la Fondation (650 000 € en 2019). Le ministère siège au conseil d’administration de cette dernière, mais sans droit de vote ; la relation est donc plus proche d’un « partenariat ». Une partie des 800 Alliances reçoit pourtant un soutien financier ou humain du MEAE (directeur nommé en détachement du ministère, par exemple), et Marc Cerdan indique que sur le terrain « les ambassades restent les partenaires historiques des Alliances » : la collaboration des deux réseaux culturels existait donc avant les réformes.

Partage des territoires

Principal problème dans l’ancien réseau, l’existence de doublons dans certains pays, avec des conséquences pour la « lisibilité » des cours de français dispensés, comme le soulignait le rapport de la Cour des comptes. Cela créait aussi une concurrence entre Instituts et Alliances pour les examens payants et les certifications de français. Ces activités constituent, en effet, des ressources financières non négligeables pour les deux réseaux, mais c’est à l’ambassade que revient « le choix du centre d’examen », précise Marc Cerdan. Quand il y a un Institut et une Alliance dans la même ville, la question est cruciale pour les Alliances qui fonctionnent à 90 % sur des ressources propres et consacrent l’essentiel de leur activité à la promotion du français. Car elles sont « issues de la société civile locale et portées par des personnalités francophiles », comme le rappelle Marc Cerdan. Leurs enjeux ne sont donc pas les mêmes que pour les Instituts, bien qu’elles participent aussi du soft power français. C’est particulièrement vrai dans les pays où il n’y a pas d’Institut, comme en Arabie saoudite ; le pays compte trois Alliances qui sont en contact permanent avec l’ambassade et les consulats.

Désormais, pour Judith Roze, « les situations de concurrence directe sont très rares » dans le réseau. Marc Cerdan confirme que « la convention tripartite signée en 2019 avec le MEAE et l’Institut français visait à éviter les doublons », et à encadrer la création de nouvelles Alliances. Il ajoute que « même s’il y a parfois coexistence des deux établissements dans une ville, on évitera de créer une Alliance là où il y a un Institut, et réciproquement ». En général, les Instituts s’implantent dans la capitale, près de l’ambassade, et les Alliances dans les villes secondaires. Judith Roze concède qu’il existe encore des doublons, qui sont le fruit de « l’histoire locale » et des stratégies passées. Elle cite l’exemple de Mexico, confirmé par Marc Cerdan qu’il complète avec celui de la Tunisie : après une période où il n’y avait pas d’Alliances, le pays en compte aujourd’hui plusieurs aux côtés de l’Institut et de ses antennes, y compris à Tunis.

Les Instituts comme les Alliances ont recours à des techniques de marketing pour « mieux toucher le public cible prioritaire que chaque établissement a défini », indique Judith Roze. C’est le cas au Nigeria où la promotion du français passe essentiellement par les réseaux sociaux pour toucher les plus jeunes. Cette adaptabilité se retrouve dans la pédagogie utilisée pour les cours, puisqu’il n’y a pas une méthode unifiée d’enseignement qui serait « contreproductive », selon Judith Roze. Marc Cerdan confirme que, dans les Alliances, il existe « cinq manuels de français principaux, mais que les enseignants peuvent en choisir d’autres », selon le profil des publics.

Rendre le français attractif
Cours de français à l'institut français de Pékin. © Institut Français.
Cours de français à l'institut français de Pékin.
© Institut Français.

Autre élément à prendre en compte, la concurrence linguistique dans les situations de plurilinguisme. Largement évoqué par Emmanuel Macron dans son plan de mars 2018, le plurilinguisme pose des défis à l’enseignement du français, même si Judith Roze déclare que l’Institut français ne s’inscrit pas « en défense contre l’anglais » et qu’il prône « une vision décomplexée de la promotion du français ». Elle admet que dans certaines régions du monde « le plurilinguisme est une donnée, notamment en Afrique francophone ». L’Institut français développe donc des outils pour attirer les publics vers le français, qu’il met parfois aussi à disposition des Alliances : offre de cours en ligne, fonds « langue française » pour un appel à projets, campagnes sur les réseaux sociaux. La coopération entre les deux réseaux donne des résultats, comme à Bruxelles où l’Alliance française Bruxelles-Europe pilote un consortium d’Alliances et d’Instituts du Benelux pour l’enseignement du français aux fonctionnaires européens : l’appel d’offres lancé par la Commission européenne a été remporté grâce à cette coopération.

Les Alliances et les Instituts renforcent en permanence leur coopération, comme le montre l’application de la « démarche qualité » dans les deux réseaux : à l’initiative de l’Institut français, cette démarche est « un processus d’amélioration continue de l’offre », explique Judith Roze, et concerne de nombreux aspects du fonctionnement des centres de langue (formation du personnel, ressources humaines, place de la médiathèque).

Au final, les deux réseaux semblent fonctionner de manière plus efficace que dans le passé, en profitant de la « souplesse du modèle des Alliances », explique Marc Cerdan, et de la force de frappe de l’opérateur public Institut français : une sorte de partenariat public-privé au service de la diplomatie culturelle.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Cours de français à l’étranger, le réseau culturel s’harmonise

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