Diplomatie culturelle

Le numérique à la rescousse du réseau culturel français à l’étranger  

Pendant le confinement, les cours de français à l’étranger ont redémarré grâce au numérique

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2020 - 991 mots

Le réseau culturel français a dû adapter rapidement son offre de cours et accélérer sa transformation numérique pendant la crise sanitaire.

Cours de français en ligne à l'Alliance Française de Pékin. © Alliance Française
Cours de français en ligne à l'Alliance Française de Pékin.
© Alliance Française

Monde. Entre février et mai, 80 % des centres de langue du réseau culturel ont fermé leurs portes en raison du confinement. Plusieurs centaines de milliers d’élèves se sont alors vu proposer de continuer les cours en ligne. Un premier bilan communiqué par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) montre que pour mars et avril « la baisse des inscriptions a été de 5 % en moyenne », selon Laurence Auer, directrice de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau au MEAE. Ce chiffre cache évidemment de grandes disparités selon les pays : au Royaume-Uni, les centres de langue de Londres et Edimbourg ont ainsi perdu 25 % de leurs élèves par rapport à mars-avril 2019, selon Claudine Ripert-Landler, directrice de l’Institut français du Royaume-Uni. Côté Alliances françaises, cette baisse a également été ressentie, notamment « en Chine où les inscriptions ont diminué dès le mois de février », selon Jean-François Hans, délégué Afrique, Océan Indien, Asie et Océanie à la fondation Alliance française.

Pour enrayer cette hémorragie, les centres de langue ont mis en place des cours en groupe par visioconférence, et le MEAE ainsi que l’Institut français Paris ont favorisé l’usage d’outils plus ciblés. Laurence Auer cite « la plateforme Apolearn qui permet d’organiser des classes virtuelles, créée grâce à un partenariat public-privé » et qui a rencontré un succès auprès des enseignants. Les tutelles du réseau ont favorisé des solutions de la EdTech – technologies de l’éducation –, mais les centres se sont aussi adaptés à la situation locale et à leurs publics.

Adaptation des cours en ligne

Au Royaume-Uni qui compte deux Instituts français et onze Alliances, « les établissements ont fermé le 18 mars, et quarante-huit heures après presque tous les cours étaient en ligne », explique Claudine Ripert-Landler. Elle ajoute que grâce à un suivi personnalisé des élèves les pertes ont été limitées en mai, et que les nouvelles inscriptions sont en baisse de « seulement 10 % ». Une offre de cours plus centrés sur la littérature et la culture a permis d’attirer de nouveaux publics. À son maximum d’activité, le réseau du Royaume-Uni accueillait jusqu’à 15 500 élèves en cours de français.

Le passage au numérique s’est déroulé de manière différente selon que les postes du réseau étaient déjà habitués aux cours en ligne ou non. En Espagne, par exemple, le numérique est utilisé depuis plusieurs années et, pendant le confinement, les centres de langue ont mis en place une nouvelle offre : Mon cours en ligne. Bien plus qu’une simple transposition en ligne des cours de français, Laurence Auer en résume les avantages : « C’est un autre type de réponse à la crise, avec l’accès à une plateforme 24 heures sur 24, des unités de cours, des tests, des jeux, des activités d’autocorrection. » Ce dispositif a été étendu à d’autres pays, comme la Roumanie ou Singapour.

Certains centres ont aussi été confrontés à des problèmes techniques, notamment ceux situés dans un « environnement low-tech, avec des difficultés de connexion ou de matériel informatique », souligne Jean-François Hans. Même au Royaume-Uni, certains centres de langue ont dû acquérir en urgence du nouveau matériel informatique.

En Afrique, les Instituts français et les Alliances ont dû diversifier leur manière de communiquer pour s’adapter à des publics pas toujours bien équipés en ordinateur ou smartphone. Au Cameroun, par exemple, les centres de langue ont enregistré des cours de français dans des studios fournis par l’Unesco, et ont diffusé les modules de cours à la télévision. Laurence Auer cite aussi des collaborations avec des médias français, comme TV5Monde et RFI, notamment en Afrique et en Amérique latine.

Limiter les pertes financières

L’enjeu essentiel pendant le confinement était de freiner le nombre d’élèves qui décrochaient des cours, ce qui se traduit par le taux de conversion, comme l’explique Jean-François Hans : « C’est le pourcentage d’élèves des cours collectifs qui passent aux cours en ligne. Dans certains cas positifs, c’est 70 % de conversion. » Laurence Auer ajoute que le but des centres de langue était également d’« éviter au maximum de rembourser les élèves déjà inscrits. » Car derrière ces programmes, il y a des enjeux financiers, notamment pour les Alliances françaises qui fonctionnent sur ressources propres. Après les sessions de printemps viennent les sessions d’été et les modules plus courts avec les examens de certification payants. Laurence Auer y voit une « période déterminante pour les inscriptions », car les élèves de ces sessions sont souvent des étudiants désireux de venir étudier en France en septembre. C’est particulièrement évident au Maroc et en Algérie où les cours d’été et les examens de français sont très courus selon elle. Elle signale que de manière générale les publics adultes et étudiants « n’ont pas lâché prise pendant le confinement », ce qui est un bon signe pour les cours d’été. Du côté des cours pour les professionnels, en revanche, c’est moins positif ; Laurence Auer concède que « les cours en entreprise sont presque à l’arrêt dans le réseau ».

Quel bilan provisoire tirer de ces semaines de confinement ? L’accélération numérique a bien eu lieu, et, selon Jean-François Hans, les outils mis en place « seront pérennisés », notamment en raison de l’incertitude sur l’évolution de l’épidémie en septembre. Certains centres de langue ont même observé une augmentation des inscriptions aux cours, comme en Lettonie où il y a 25 % d’élèves de plus par rapport à 2019. Mais fin mai, la plupart des Instituts français et des Alliances restaient fermés d’après le MEAE, sauf en Croatie, en Allemagne, au Turkménistan, en Chine, et dans plusieurs pays méditerranéens. Les seules Alliances françaises à avoir continué leurs activités pendant le confinement sont celles de Vanuatu et de Taïwan, deux pays peu touchés par l’épidémie. Il reste donc difficile pour le réseau culturel d’envisager sereinement la reprise de septembre, et Laurence Auer admet que « la rentabilité des cours sera un vrai défi pour la rentrée après trois mois de fermeture du réseau ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°548 du 19 juin 2020, avec le titre suivant : Pendant le confinement, les cours de français à l’étranger ont redémarré grâce au numérique

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