Paris - Politique

ENTRETIEN

Christophe Girard : « Nuit blanche est contemporaine des changements profonds en cours à Paris »

Adjoint au Maire de Paris, chargé de la culture

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2019 - 954 mots

PARIS

Initiateur de Nuit Blanche en 2002, Christophe Girard présente l’édition 2019 et s’explique sur la Gaîté Lyrique, Jeff Koons, le Mois de la photo…

Christophe Girard en 2017 © Photo Sophie Robichon / Ville de Paris
Christophe Girard, 2017
© Photo Sophie Robichon / Ville de Paris
En quoi se distingue cette Nuit Blanche des précédentes ?

Elle marque la première édition d’une tout autre série de Nuit Blanche à venir. Dorénavant, Nuit Blanche à Paris sera métropolitaine. La décision est politique. Elle est partagée par Patrick Ollier [président de la Métroploe du Grand Paris] qui a tout de suite accepté l’invitation d’Anne Hidalgo en allouant un budget de 200 000 euros. La Métropole n’est pas aussi grande que la Région Ile-de-France, mais elle rassemble nombre de communes. Cette édition voit ainsi la participation pour la première fois des communes de Saint-Denis, Gennevilliers, Aubervilliers, Gentilly… L’autre grande nouveauté apportée par Didier Fusillier [directeur artistique associé à Jean-Max Colard, conseiller artistique] est d’avoir intégré dans la programmation les transformations de la ville et de la mobilité urbaine. Nuit Blanche est contemporaine des changements profonds en cours à Paris. L’idée de faire bouger les œuvres par définition statiques dans une grande parade tient compte de ces évolutions. Il ne s’agit pas d’une parade de l’art du cirque ou de la rue, mais d’une parade d’art contemporain avec des artistes comme Daniel Buren et Annette Messager.

À combien s’élèvent les dépenses artistiques de Nuit Blanche ?

Il est difficile de répondre à cette question, mais on estime à 900 000 euros environ les dépenses artistiques sur le montant total du marché. La part des partenaires augmente globalement cette année et représente 40 % du budget. La thématique du sport et de la culture a fait rentrer de nouveaux partenaires tels que la Fédération des usages de la bicyclette, la Fédération française d’athlétisme ou Adidas.

Que deviennent les pièces produites ?

Elles sont le plus souvent rendues aux artistes qui peuvent les conserver ou les revendre quand elles sont repérées par des collectionneurs ou musées, fondations ou festivals qui inviteront l’artiste. En cas de revente, l’équivalent du coût de production est reversé à la Ville de Paris. Nuit Blanche est un déclencheur de destins. Nous n’achetons pas ni ne passons commande pour la Ville. Il peut toutefois nous arriver d’échanger avec certains artistes comme Ugo Schiavi pour Soulèvement, création pour laquelle nous cherchons un emplacement. Mais ce n’est pas la vocation de Nuit Blanche.

La reprise du concept de Nuit Blanche à l’international par d’autres grandes villes a-t-elle conduit à des coproductions ou des échanges d’œuvres ?

Toutes sortes d’accords sont signés. Rien n’est systématique. La première Nuit Blanche organisée à Prizren, au Kosovo, le 14 septembre dernier, a vu la production des œuvres de la cinéaste Naïmé Perette, du groupe Flashback et du photographe plasticien Yo-Yo Gonthier.

Pourquoi inaugurer le Bouquet de Tulipes de Jeff Koons la veille de Nuit Blanche et non durant la Fiac ?

L’œuvre était prête. On aurait pu l’inaugurer une semaine avant Nuit Blanche, mais il fallait encore achever les finitions du socle. Il est intéressant que Paris ait eu cette audace et que l’on retrouve le chemin de l’excès, de la démesure. Avec Koons, on retrouve une polémique digne d’Eiffel, d’Othoniel, Christo, de Buren et de Pei. L’art ne fait jamais consensus. C’est un projet philanthropique entièrement financé par des mécènes. Koons a pris l’engagement de reverser 20 % de la vente des produits dérivés à l’entretien de l’œuvre et 80 % aux victimes des attentats de novembre 2015.

On vous doit Nuit Blanche, le Centquatre et la refonte de la Maison des métallos qui sont rentrés dans le paysage culturel et artistique de la Ville. La Gaîté Lyrique peine à trouver sa place. Pourquoi ?

Je me souviens d’avoir alerté en 2000, lors du lancement de la rénovation de la Gaîté Lyrique, que la création numérique, vocation du lieu, devrait rapidement se réinventer pour garder un temps d’avance, ou prendre un pas de recul, sur notre société, ses pratiques et donner à voir ce qu’elles offrent comme possibles. Mon retour à la Culture coïncide avec l’arrivée d’une nouvelle directrice, Laëtitia Stagnara, à qui nous avons réaffirmé l’enjeu de créer une identité forte pour ce lieu et à qui j’ai conseillé de s’ouvrir non seulement sur la Ville, mais également de travailler avec les autres établissements comme le Centquatre, la Maison des pratiques artistiques amateurs (MPAA), le Forum des images… La question de l’émulsion entre établissements culturels de la Ville de Paris, voire la création de directions communes est toutefois un sujet qui me tient à cœur, il fera partie des réflexions à mener après mars.

Reste que la fréquentation continue à baisser. N’êtes-vous pas freiné par le statut même de l’établissement et l’absence à sa tête d’une personnalité forte comme l’est José Gonçalvès au Centquatre ?

Devant la situation de tâtonnement du lieu, Anne Hidalgo m’a demandé d’agir rapidement quand je suis revenu il y a un an. La Gaité Lyrique a aujourd’hui une nouvelle directrice, un Président et un conseil d’administration très engagés ; on peut faire beaucoup de choses en trois ans.

Le Mois de la Photo qui aurait dû s’organiser en avril 2019 n’a pas eu lieu. Quel est son avenir ?

La manifestation doit évoluer. C’est un dossier qui pourra être réglé après mars pour lequel j’ai déjà des idées. On est dans une logique métropolitaine. François Hébel [directeur artistique de l’édition 2017] l’avait imaginée avec une vraie vision. Nous avons déjà reçu deux propositions.

Où en est-on de l’espace dévolu au Grand Palais éphémère du Champs-de-Mars dont la construction est programmée en 2020 ?

24 000 m2 seraient l’idéal, encore faut-il pouvoir le faire. J’ai défendu auprès du ministre de la Culture, Franck Riester, l’idée d’une extension éphémère quelques semaines de l’année au sein de l’École militaire, située juste en face.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°530 du 4 octobre 2019, avec le titre suivant : Christophe Girard, adjoint au Maire de Paris, chargé de la culture : « Nuit blanche est contemporaine des changements profonds en cours à Paris »

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