Centre culturel

ENQUÊTE

La Gaîté Lyrique mute en sourdine

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2018 - 963 mots

PARIS

Laetitia Stagnara succède à Marc Dondey en toute discrétion, tandis que l’institution est reprise en main par ses associés.

Détail de la façade de la Gaîté Lyrique (c) Photo Vincent Fillon
Détail de la façade de la Gaîté Lyrique
© Photo Vincent Fillon

La Gaîté Lyrique porte bien mal son nom. La démission de Marc Dondey, son directeur général et directeur artistique, en février dernier, et l’arrivée de Laetitia Stagnara sa nouvelle directrice (en provenance d’Universcience), le 8 octobre, se sont faites en silence. Un mutisme qui frappe aussi son directeur par intérim pendant six mois, Jean-Dominique Secondi, membre du conseil d’administration et actionnaire de la Société d’exploitation de la Gaîté Lyrique en charge du lieu, et par ailleurs directeur de l’agence artistique Arter. L’industriel et amateur d’art Bertrand Jacoberger, président de la SEGL (Societe d’exploitation de la gaîté lyrique), n’a pas en effet donné suite à nos questions, pas plus que la nouvelle directrice de l’institution parisienne. Il faudra « attendre la fin de l’année ou le début de l’année prochaine », nous dit-on pour connaître les orientations à venir de l’établissement. Cette discrétion interroge. En particulier après l’annonce le 22 août dernier par la Gaîté Lyrique de la nomination de Laetitia Stagnara via l’AFP. « Cette nomination met fin à une longue période d’incertitude après le départ de l’ancien directeur général de l’établissement, le Franco-Américain Marc Dondey, dont la gestion était contestée par une partie de l’équipe de l’établissement culturel », déclarait l’établissement, tandis que l’AFP reprenait les extraits d’une lettre envoyée au conseil d’administration pour dénoncer le management du directeur, publiés par Le Monde du 14 mars 2018 dans un article sur le départ inattendu de Marc Dondey, seize mois à peine après son arrivée.

Arrivé au tiers de son mandat, Marc Dondey explique au Journal des Arts les raisons de son départ en revenant sur sa nomination par la Ville de Paris en août 2016 : « Elle s’est faite contre les souhaits et les attentes de l‘équipe en place, qui avait son candidat pour la direction de la Gaîté Lyrique. J’ai donc pris mes fonctions dans un contexte extrêmement tendu, aggravé par le départ abrupt de trois cadres de direction qui portaient la candidature interne et par l’impossibilité d’accéder aux données budgétaires et comptables de l’exercice en cours. Il me revenait de convaincre les équipes, mais aussi de faire vivre une gouvernance solidaire avec les associés que j’avais choisis. Je n’ai pas réussi. Il fallait un fusible. C’est fait. »

Effectivement l’établissement culturel de la Ville de Palais en délégation de service public (DSP) change en août 2016 de direction et de missions dans un climat de tension. Récapitulatif des faits : le renouvellement de la DSP de la Gaîté Lyrique pour un mandat de six ans (2016-2022) fait suite à la première DSP, qui a eu en charge la réouverture en 2011 de l’institution sous la direction générale et artistique de Jérôme Delormas et la présidence de la Société de gestion de la Gaîté Lyrique de Steven Hearn. Le refus par la Ville de Paris en juillet 2016 du projet de Steven Hearn, qui se portait candidat à sa propre succession est vécu en interne comme un désaveu par la Ville de Paris de leurs actions, tandis que Jérôme Delormas partait pour de nouvelles aventures. La Mairie de Paris avait en mars 2016 exprimé dans le Journal des Arts son opinion sur la situation de la Gaîté Lyrique, par la voix de Noël Corbin, alors en charge de la direction des Affaires culturelles à la Ville : « Au-delà d’un succès public important, l’établissement n’est pas assez fréquenté au-delà de son public très “hispter”. D’abord parce que paradoxalement la Gaîté Lyrique est mal identifiée par son environnement immédiat, l’arrondissement. Ensuite parce que sa vocation [les cultures numériques, ndlr] est sans doute difficile à comprendre. »

C’est donc dans un climat tendu que Marc Dondey est arrivé avec ses associés Jean-Dominique Secondi et Monique Savoie, directrice de la Société des arts technologiques de Montréal. Le projet retenu par la Ville de Paris fait de l’exploration entre art et technologie la nouvelle ligne directrice de la programmation de la Gaîté Lyrique jusque-là construite sur les arts et les cultures numériques, et ouvre l’établissement aux arts de la scène, au théâtre et à la danse. Côté budget, Marc Dondey s’engage à accroître les ressources propres de l’établissement dans un contexte de baisse de dotation de la Ville de Paris. Cette dernière est en effet passée de 5,8 millions d’euros en 2016 à 4,5 millions en 2017 et 4,3 millions en 2018.

Si deux ans plus tard le rapport d’activité 2017 de la Gaîté Lyrique a effacé le nom de Marc Dondey en préférant publier l’organigramme de 2018, plutôt que celui de 2017, il n’en demeure pas moins que le bilan de l’ancien directeur de la Gaîté Lyrique se solde par un excédent budgétaire de 242 279 euros. Ce qui a permis de résorber le déficit 2016 de 146 000 euros générés en totalité par le coût des 360 000 euros induit par les départs d’employés au moment de la transition entre les deux sociétés de gestion du lieu. La réduction des dépenses de fonctionnement et le développement des recettes propres, en particulier celles des privatisations du lieu et des partenariats, expliquent ce bon résultat. La fréquentation enregistre néanmoins une légère baisse par rapport à 2016 avec 210 026 visiteurs pour 1 148 événements et une fermeture du lieu de dix semaines. Les concerts payants ou gratuits drainent plus du tiers (81 093 personnes) ; suivent de loin les expositions (41 158 visiteurs) ; puis les conférences, les projections, et les plateaux média (24 018 participants).

Parmi les multiples interrogations restées encore sans réponse, celle sur la suppression du poste de directeur artistique de la Gaîté Lyrique, prônée par Jean-Dominique Secondi dans Le Monde daté du 14 mars 2018 au profit d’une seule et unique direction des programmes, n’est pas des moindres.
 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°508 du 5 octobre 2018, avec le titre suivant : La Gaîté Lyrique mute en sourdine

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