Royaume-Uni - Musée - Politique

Un rapport très orienté sur les musées en angleterre

LONDRES / ROYAUME-UNI

Le rapport Mendoza, publié en novembre 2017, continue à faire couler beaucoup d’encre outre-Manche. Son auteur minimise la crise financière vécue par le secteur et cherche à justifier la mainmise toujours plus grande du politique sur les musées.

Le musée Hepworth Wakefield, nommé Art Fund Museum de l'année 2017 par le Heritage Lottery Fund.
Le musée Hepworth Wakefield, nommé Art Fund Museum de l'année 2017 par le Heritage Lottery Fund.
Photo Hufton Crow

Londres. Pendant plus d’un an, Neil Mendoza a dirigé une enquête sur les 2 600 musées situés en Angleterre. Une enquête qualifiée d’« indépendante ». Président d’une société de gestion de patrimoine, impliqué dans de nombreuses institutions culturelles avant de devenir en janvier 2016 membre du conseil [non-executive bord member] du ministère du Numérique, de la Culture, des Médias et du Sport, il a cherché à répondre à une interrogation : que peut faire le gouvernement pour aider à la création et au maintien d’un secteur des musées actif, durable et efficace ?

Alors que cette question ouvrait nombre de perspectives, le rapport a d’emblée éliminé une option clé : que les autorités augmentent leur soutien financier des musées. Après avoir calculé que le gouvernement a subventionné le secteur à hauteur de 844 millions de livres sterling (970 millions d’euros) au cours de l’année 2016, un chiffre qu’il estime « globalement stable au cours de la décennie passée », Neil Mendoza juge « improbable qu’il y ait d’importantes sommes d’argent supplémentaires pour le secteur dans le futur immédiat ».« L’axe principal de [ses] recommandations, ajoute-t-il, est dès lors de s’assurer que nous utilisons les subventions de la meilleure manière possible. »

Grincements de dents

Lors de la publication du rapport le 14 novembre 2017, cette résignation, qui vise probablement à ne pas s’aliéner la direction du ministère, dont il fait partie, et plus largement le gouvernement, a été accueillie par des grincements de dents au sein du secteur. La plus violente réponse a été publiée le 15 février. Dans leur rapport « Pourquoi collectionner ? », l’Art Fund et la Wolfson Foundation, deux associations notamment spécialisées dans l’aide à l’acquisition d’œuvres par des entités publiques, ont critiqué la volonté de l’entrepreneur « de réconforter et de rassurer » lorsqu’il parle d’« un secteur fort et dynamique […] d’exceptionnelle réputation » et dépeint « un tableau positif des nombreux musées qui produisent un travail formidable ».

Certes, Neil Mendoza a énuméré « les salaires inférieurs de 7 % comparés à des secteurs comparables », « la pression subie par le Heritage Lottery Fund à travers le déclin des revenus de la Loterie nationale » ainsi que « la nécessité des musées de réduire leurs horaires d’ouverture, d’annuler des opérations pour toucher un nouveau public, et la perte d’expertise professionnelle en raison des coupes budgétaires ». Il n’a pourtant visiblement pas compris que l’accumulation de tels soucis financiers pouvait plonger les musées et les galeries dans une « crise à part entière », comme la qualifient les rédacteurs de « Pourquoi collectionner ? ».

Ce parti pris ressort également lorsqu’il indique avec une fausse naïveté que le gouvernement « devrait chercher à créer un environnement qui permette aux musées d’Angleterre de faire leur travail au mieux ». L’entrepreneur oublie en effet que le message envoyé par les autorités est déjà on ne peut plus clair, et que l’environnement de travail des musées a bien été précisé : ayant stagné, leurs subventions publiques ont diminué en termes réels de 13 % en dix ans en raison de l’inflation.

Il n’est donc guère surprenant que la première recommandation de Neil Mendoza aux musées, qu’il qualifie de « plus grand défi auquel ils font face aujourd’hui », est de leur demander de « s’adapter à l’environnement des subventions actuelles ». « Les subventions publiques ont une limite », énonce-t-il. Il applaudit ainsi « les nombreux musées qui ont changé de modèle d’exploitation » et affirme que « les musées doivent encore plus accroître et diversifier leurs sources de revenus ».

Dès lors, le rapport déroule une analyse au jargon tout droit sorti des manuels de management. « Si nous sommes capables d’appliquer ces recommandations, assure-t-il, nous pensons que le gouvernement sera capable d’atteindre des priorités partagées et acceptées, un meilleur rapport qualité-prix pour l’argent public et l’argent de la Loterie nationale, et de meilleurs résultats pour les musées. » Neil Mendoza prône une meilleure définition des missions de l’Arts Council England, l’entité de gestion des financements artistiques en Angleterre, et de l’Heritage Lottery Fund, destiné quant à lui au patrimoine. Le premier serait chargé de définir la stratégie de développement du secteur, le second la financerait tandis que le ministère superviserait l’ensemble.

Un contrôle renforcé des musées

L’avenir des musées passe nécessairement, aux yeux du rapporteur, par l’accroissement et la diversification de leur public, et la mise en place d’une éducation culturelle à l’égard de celui-ci. Les institutions doivent également occuper une place dans leur communauté et jouer un rôle dans l’économie locale – puisque les 33 000 employés au sein des 2 600 musées anglais ne semblent pas déjà le faire…

Autre recommandation, l’évolution professionnelle des employés doit s’accompagner de la numérisation des musées et de leur ouverture à l’international. Cette évolution doit notamment servir à promouvoir l’activité des ministères du Commerce, de l’Intérieur et du Commerce extérieur.

Neil Mendoza exhorte le ministère à mieux définir les priorités des musées, notamment à travers l’Arts Council England. Les subventions publiques destinées aux musées et galeries anglaises ont beau diminuer de manière ininterrompue depuis dix ans, l’utilisation des fonds publics en cette période d’austérité justifie selon lui la mainmise de plus en plus étroite des autorités sur les institutions culturelles, elles qui devront « rendre des comptes » sur leur mise en application des recommandations dudit rapport Mendoza. Et ce même si ces subventions représentent moins de 1 % du budget annuel de l’État.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°497 du 16 mars 2018, avec le titre suivant : Un rapport très orienté sur les musées en angleterre

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