Mémorial - Urbanisme

Musée-Mémorial du terrorisme : un désaccord foncier

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 21 décembre 2023 - 730 mots

À la recherche de surfaces pour étendre un collège, la Ville de Suresnes convoite une partie de la parcelle propriété de l’État appelée à devenir le musée-mémorial du terrorisme.

Le Musée-Mémorial du terrorisme occupera le site de l'école en plein air de Suresnes, sur le Mont Valérien. © Rachid Azizi / MMT
Le Musée-Mémorial du terrorisme occupera le site de l'école en plein air de Suresnes, sur le Mont Valérien.
© Rachid Azizi / MMT

Suresnes. Dans le département des Hauts-de-Seine, trouver un terrain constructible n’est pas chose facile. Subissant la même pression foncière que ses voisins, le maire de Suresnes, Guillaume Boudy, souhaite agrandir le collège Émile-Zola, partiellement abrité dans des Algeco et coincé sur une parcelle toute proche de la gare RER. Alors que l’État annonce vouloir transformer l’ancienne école de plein air de Suresnes – située sur les pentes du Mont-Valérien et du Mémorial de la France combattante – en un musée-mémorial du terrorisme, l’élu y voit plutôt une opportunité foncière.

Le terrain appartenant à l’État dispose d’une seconde parcelle, sans intérêt patrimonial et hors du projet muséal, qui pourrait convenir à un établissement scolaire. Manifestant son intérêt auprès de la préfecture de région, Guillaume Boudy n’a, à ce jour, reçu aucune réponse : « Je n’ai aucun terrain. Donc je m’accroche à cette solution. » Le marché proposé par l’élu n’est pourtant pas désavantageux pour l’État auquel il offre de céder le bâtiment et la parcelle du collège Émile-Zola, en contrebas du Mont-Valérien, contre la parcelle qui lui permettrait d’agrandir ce dernier en un établissement de 600 places (contre 400 aujourd’hui).

L’État a un temps pensé à un projet de promotion immobilière pour le bâtiment des années 1950 occupant la parcelle convoitée, qui permettrait de financer le musée-mémorial. Mais c’est aujourd’hui un programme plus consensuel de logements destinés aux personnels soignants qui devrait jouxter l’ancienne école de plein air. « Le projet porté par l’État tient compte de l’enjeu crucial du logement pour les personnels soignants, enjeu soulevé par le Ségur de la santé compte tenu de la rareté du foncier, surtout en petite couronne parisienne », explique Sophie Guiroy, sous-préfète des Hauts-de-Seine.

Imbroglio

Le maire de Suresnes a conduit des études de faisabilité pour appuyer sa proposition. « Nous pouvons aménager 70 logements dans le collège Émile-Zola, comme dans le projet prévu par l’État, assure-t-il. Ça a quand même plus de sens de mettre un collège adossé à un mémorial de la France combattante ! » Les services de l’État disent aujourd’hui ne pas pouvoir « donner une issue favorable »à cette proposition, malgré les relances de Guillaume Boudy – jusqu’au président de la République interpellé par l’élu lors des commémorations du 18 juin dernier. Cet imbroglio foncier n’entame pas le soutien de la Ville pour ce futur musée : « Le projet culturel du professeur Henry Rousso [président de la mission de préfiguration du musée] est sérieux, et je fais toute confiance aux équipes de l’Oppic [Opérateur du patrimoine] pour mener ce chantier », estime l’élu qui « ne lâchera pas le morceau » pour étendre son collège.

L’école de plein air, un patrimoine sauvé des eaux 

Patrimoine emblématique de la ville de Suresnes, l’école de plein air de Marcel Lods et Eugène Baudouin a été édifiée en 1935 sous le mandat d’Henri Sellier, grand promoteur d’une architecture hygiéniste et sociale. En 1954, les ateliers ouverts à l’air destinés aux enfants tuberculeux perdent leur usage premier avec le recul de la maladie, et Suresnes transfère l’ensemble à l’État contre un franc symbolique. Classée monument historique en 2002, l’école de plein air est occupée par l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation inclusive, qui déménagera à Saint-Germain-en-Laye à partir de 2024. La réhabilitation de ce patrimoine emblématique du mandat socialiste d’Henri Sellier est une préoccupation depuis les années 1970 et les premiers désordres liés aux infiltrations d’eau.

 

Dans les années 2000, une étude chiffre les travaux autour de 50 millions d’euros. En 2018, la ville présente le plan de sauvetage de son trésor patrimonial à Stéphane Bern, peu après avoir convaincu la direction régionale des Affaires culturelles (Drac) de financer la restauration du globe terrestre monumental qui trône à son entrée. Le salut vient en mai 2021, avec l’annonce du choix de Suresnes et de l’école de plein air pour le « musée-mémorial du terrorisme » voulu par Emmanuel Macron. L’Oppic est mandaté pour mener ces travaux très techniques, et 15,2 millions d’euros sont déjà affectés à ce projet muséal et patrimonial dans le projet de loi de finances 2024, dont 1,5 million par le ministère de la Culture. L’ouverture du musée est programmée pour 2027, et 100 millions d’euros au total seront nécessaires pour mener à bien le projet. S.H.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Musée-Mémorial du terrorisme : un désaccord foncier

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