Musée

L’avenir du Musée des phares de Brest s’assombrit 

Par Charles Roumégou · lejournaldesarts.fr

Le 13 juillet 2021 - 812 mots

BREST

La droite locale, désormais majoritaire au Conseil départemental, dénonce un projet dispendieux de 17 millions d’euros.

Projet du Centre national des phares à Brest. © Agence Moreau Kusunoki
Projet du Centre national des phares à Brest.
© Agence Moreau Kusunoki

La mer et son patrimoine n’ont décidemment pas le vent en poupe en Bretagne. Après l’abandon du projet de Musée d’histoire maritime par la Ville de Saint-Malo en juin dernier, c’est au tour du Conseil départemental du Finistère – par la voix de son nouveau président, Maël de Calan – de se désengager de son projet de Musée des phares, actuellement en construction dans le port de commerce de Brest et dont l’ouverture était programmée entre fin 2022 et début 2023. 

Baptisé Le Signal, le musée, conçu par l’agence parisienne Moreau Kusunoki Architectes, devait prendre place dans le bâtiment de l’ancienne criée et du yacht-club de Brest, entré en phase de désamiantage et de démolition, pour constituer l’un des trois sites du Centre national des phares,  dédié à la conservation et à la transmission de l’histoire et du patrimoine de ces bâtiments. Le Musée des phares et balises de l’île d’Ouessant et le Centre de conservation et de restauration à Gouesnou qui abrite le fonds actuel, sont les deux sites historiques de ce centre.

La volte-face du Département du Finistère, dirigé depuis 1998 par le Parti socialiste, s’explique par l’alternance politique survenue à sa tête lors des dernières élections départementales qui ont placé en première position la liste « Alliance pour le Finistère » (union de la droite et du centre), menée par Maël de Calan, élu nouveau président du conseil départemental. Avec la droite locale, ce dernier n’avait eu de cesse de critiquer le projet du Musée des phares de Brest depuis son adoption en 2019.

Doté d’un budget de 17 millions d’euros, dont 11 consacrés aux seuls travaux d’aménagement du Signal, l’institution devait être administrée par un groupement d’intérêt public (GIP) rassemblant le Département du Finistère, le ministère de la Mer, Brest Métropole, le Parc naturel régional d’Armorique, le Parc marin d’Iroise, l’Office français de la biodiversité et la commune d’Ouessant.

Dans un entretien télévisé accordé à la chaîne bretonne Tébéo, le 1er juillet dernier, Maël de Calan confirme sa volonté de « modifier ou annuler le projet actuel » jugeant qu’« au moment où tant de politiques prioritaires, notamment, en direction des personnes les plus vulnérables, manquent d’argent […] construire un cinquième ou un sixième musée [départemental] était déraisonnable ». L’élu local souhaite, à l’inverse, renforcer le musée existant du Créac’h sur l’île d’Ouessant, abritant déjà une collection dédiée aux phares et à l’optique, « au moment où on a déclaré vouloir augmenter l’attractivité des îles ». Il conclut vouloir entamer rapidement « une discussion avec la Région pour savoir si elle serait intéressée pour en faire une gare maritime ».

Maël de Calan fait sienne la colère exprimée depuis plusieurs mois par le personnel de la compagnie maritime Penn Ar Bed, assurant au quotidien les liaisons avec les îles d’Ouessant et de Molène, quant à l’implantation du musée au cœur d’une zone portuaire en activité. Dans l’ancien projet, la gare, qui partage son activité sur le même éperon que le musée, devait en effet perdre une partie de son espace de stockage utilisé pour entreposer le matériel à destination des îles. Or, près de dix mille tonnes de marchandises transitent chaque année dans cet espace, de même que 130 000 passagers.

Les élus d’opposition – réunis au sein de « Finistère et Solidaires » (union de la gauche) – dénoncent de leur côté « une décision unilatérale et non concertée avec les parties prenantes du projet » qui « met brutalement terme au volet brestois d’un projet plein d’ambition pour le Finistère ». « Abandonner sèchement ce projet, c’est se priver localement d’une collection majeure déjà largement convoitée par d’autres territoires », ajoutent-il avant de questionner : « quels sont les objectifs d’un tel abandon ? Installer une friche industrielle au milieu du port de Brest alors que la démolition de l’ancienne criée est engagée ? Fragiliser le carnet de commandes des entreprises d’ores et déjà engagées sur les travaux, à l’heure d’une crise qui touche toute l’économie ? […] Retirer un atout considérable à l’attractivité touristique et maritime du Finistère ? ».

La Bretagne compte 52 phares sur les 129 dans l’Hexagone. Sur près de 1 200 kilomètres de côtes, le Finistère dénombre au total 23 phares, dont 14 en mer ou implantés sur des îles. Ouessant compte à elle seule 5 phares majeurs parmi lesquels le phare du Créac’h, classé en 2010 Monument historique. L’édifice s’est vu attribuer une enveloppe d’un montant de 5 millions d’euros, sur les 17 millions accordés au Centre national des phares, pour que soit menés – à compter de 2022 – des travaux de rénovation et réaménagement pour permettre l’accueil du public. Une perspective qui, à son tour, s’assombrit avec la prise de position du nouveau président du Conseil départemental.

Le département du Finistère misait jusqu’à présent sur la venue de 40 000 visiteurs par an au Musée des phares de Brest, quand son aîné d’Ouessant accueille en moyenne 17 000 visiteurs annuellement.
 

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