Russie - Ukraine

Éditorial

Ukraine : quelles conséquences pour la culture ?

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 18 mars 2022 - 421 mots

Pour l’éditorialiste du JdA, l’invasion russe en Ukraine va accélérer la réduction déjà engagée des prêts d’œuvres entre pays. 

Guerre. Tous les commentateurs avertis soulignent le tournant géopolitique que constitue l’invasion russe en Ukraine, mais bien peu sont capables de mesurer l’étendue de l’onde de choc en raison des nombreuses questions en suspens. Combien de temps va durer la guerre ? Poutine va-t-il rester au pouvoir ? L’Europe va-t-elle manquer de gaz ? Jusqu’où les prix de l’énergie vont-ils monter ? Les productions de blé de cet été, dans une région qui fournit un tiers des exportations mondiales de céréales, pourront-elles être livrées ? Risquons cependant quelques hypothèses sur les conséquences du conflit sur les industries culturelles en France, même si ces enjeux peuvent paraître dérisoires quand des populations civiles meurent tous les jours.

Les conséquences directes sont très limitées. Contrairement au confinement lié au Covid-19, les lieux culturels restent ouverts et, à moins de cyberattaques massives ou de sectionnement de câbles sous-marins par les militaires de Poutine, la diffusion numérique de la musique, du cinéma, des séries ou les commandes de livres ne sont pas affectées. Les effets directs sur le marché de l’art sont tout aussi circonscrits : le marché russe pèse peu et les oligarques achètent plus volontiers des chalets à Courchevel et des villas au Cap d’Antibes que des œuvres d’art dans les galeries du Marais.

Les conséquences économiques indirectes sont plus inquiétantes, sans être alarmantes cependant. L’érosion du pouvoir d’achat en raison de l’envolée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires va contraindre les ménages à arbitrer dans leurs dépenses, au détriment des sorties au cinéma, au théâtre, dans les expositions et sans doute plus encore dans les lieux patrimoniaux où l’on se rend en voiture (châteaux…). Le secteur risque également de recevoir moins d’argent de l’industrie du luxe (dont on a tendance à surestimer le mécénat culturel), affectée par la fermeture de ses magasins à Moscou et Saint-Pétersbourg ainsi que par la baisse des achats des oligarques.

À ce stade, ce sont surtout les prêts d’œuvres, et pas seulement avec la Russie, qui vont diminuer, amplifiant une dynamique déjà enclenchée avec le Covid et les préoccupations écologiques. On l’a vu avec l’annulation du prêt des Matisse à la Chine et on va l’observer encore au fur et à mesure de l’augmentation du coût des convoyages et des assurances. Le grand public ne le perçoit pas encore, mais il y a de moins en moins de grandes monographies de peintres anciens ou modernes, avec des prêts venant du monde entier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Ukraine : quelles conséquences pour la culture ?

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