Italie - Russie - Ukraine

La Russie exige le retour de ses œuvres prêtées à l’Italie

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · lejournaldesarts.fr

Le 14 mars 2022 - 632 mots

L’Ermitage demande le rapatriement d’œuvres de Titien, Canova ou Picasso actuellement prêtées à des musées transalpins.

Titien, Jeune femme au chapeau à plumes, c. 1536, huile sur toile, 97 x 75 cm, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg - Public domain
Titien, Jeune femme au chapeau à plumes (détail), c. 1536, huile sur toile, 97 x 75 cm, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Courtesy Wikipédia

Son regard fixe et son air dubitatif incarnent désormais ce que la presse italienne appelle « la guerre des œuvres d’art ».  Il s’agit de ceux de La Jeune femme au chapeau à plumes du Titien. Elle fait partie de la cinquantaine d’œuvres de l’exposition inaugurée le 23 février dernier au Palazzo Reale de Milan sur l’image de la femme à Venise au XVIe siècle. La toile appartient aux collections de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg qui a également prêté pour cette exposition Jeune femme avec vieil homme de profil de Giovanni Cariani. Ils feront au plus vite leur retour dans leur musée d’origine. 

« Tous les prêts à l'étranger doivent retourner en Russie. Comme vous le savez, l'Ermitage est un musée d'État dépendant du ministère de la Culture, nous sommes donc contraints de demander le retour des œuvres exposées » a écrit dans une lettre son directeur Mikhail Piotrovsky. « I’m sorry » ajoute-t-il dans sa missive pour bien insister sur le fait que cette décision ne lui incombe pas. « Quand je l’ai lue j’ai ressenti de l’amertume parce que la culture devrait être protégée de la guerre, mais ce sont des temps difficiles, a réagi Domenico Piraina le directeur du Palazzo Reale. Le tableau du Titien est certes important, mais l’exposition peut bien continuer sans lui ». Elle se poursuivra donc jusqu’au 5 juin prochain mais d’autres évènements culturels vont pâtir des tensions internationales provoquées par le conflit en Ukraine. 

L’Ermitage ainsi que quatre musées russes ont demandé le retour de 23 pièces qui sont actuellement exposées à la Gallerie d’Italia à Milan dans le cadre de l’exposition « Grand Tour » qui s’achève le 27 mars. Les œuvres quitteront l’Italie à ce moment là. « Le ministère n'a aucune compétence en la matière, il s'agit de deux expositions organisées par la municipalité de Milan et la Galerie de la Piazza Scala, explique le ministre de la culture Dario Franceschini. Lorsqu’un propriétaire demande la restitution de ses œuvres, ces dernières doivent lui être rendues »

La saison en cours « Année croisée des musées Italie-Russie » est par ailleurs suspendue avec l’arrêt de toute collaboration culturelle. Le ministère de la Culture a établi une liste des œuvres italiennes exposées actuellement en Russie dont il pourrait à son tour exiger le rapatriement suivant l’exemple d’autres pays.

L’Ermitage a également bloqué l’envoi de quatre œuvres du Dominiquin, de Canova, de Jules Lefebvre et de Pietro da Cortona destinées à une exposition qui sera inaugurée le 26 mars prochain à Forli. « L’invasion de l’Ukraine risque d’entraîner la culture dans un conflit inutile en fermant la dernière porte de dialogue, commente dans une note Gianfranco Brunelli, directeur des expositions de Forli. Cette nouvelle dérive déshumanisante doit être évitée. Nous savons que cette décision a été imposée à l’Ermitage. Rouvrir la porte de la culture, c'est garder ouvertes celles de l'esprit et de la dignité humaine. »
 
Elle reste pour l’instant fermée. Le célèbre musée pétersbourgeois demande enfin le retour du chef-d’œuvre cubiste de Picasso la Jeune femme peint en 1909 et qui a été prêté à la Fondazione Fendi à Rome. Il devait rester dans la capitale italienne jusqu’au 15 mai prochain mais prendra le chemin de la Russie le 29 mars. Il fera certainement la route avec des œuvres de Kandinsky qui sont actuellement accrochées aux murs du Palazzo Roverella de Rovigo pour une grande exposition dédiée depuis le 26 février dernier à Kandinsky. La plupart des 80 toiles appartiennent à des musées ou des collections privées russes. « La culture devrait rester en dehors des questions politiques, s’attriste le directeur du Palazzo Reale de Milan. Quand la guerre s’achèvera, c’est la culture qui permettra une reprise la plus efficace possible des relations. Ça a toujours été comme ça et ça le sera aussi cette fois-ci »

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