Pour une biennale des pays arabes

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2017 - 426 mots

POLITIQUE CULTURELLE. En ne soutenant pas plus activement la scène artistique des pays arabes, la France passe à côté d’une opportunité historique qui ne réside pas uniquement dans le registre de la création. Il en va aussi d’un enjeu géopolitique. C’est en préparant une grande enquête sur les rapports entre la France et les artistes arabes que nous publions dans ce numéro, que cette évidence s’est imposée. Commençons par le diagnostic initial. En dehors de quelques initiatives dispersées dans l’Hexagone, il n’y a pas de foire sur l’art des pays arabes comme il y en a une pour les artistes africains, aucune institution n’a organisé d’expositions sur cette scène comme la Fondation Vuitton avec les artistes chinois, et il n’y a bien entendu pas de biennale.

Il ne faut pas être grand expert pour deviner les raisons de cette apparente indifférence. Le mot « arabe » a malheureusement auprès de beaucoup de nos concitoyens une connotation négative qui freine toute initiative en rapport avec le sud de la Méditerranée, même parmi les mieux intentionnés. Il est associé à l’immigration, au terrorisme, et renvoie au passé colonial de la France.

Or il nous semble que c’est en étant volontaire et ambitieux que l’on peut combattre ces préjugés imbéciles. Par exemple, en organisant une grande biennale sur la scène arabe, dans un lieu prestigieux comme le Grand Palais. Un événement de ce type, si on s’en donne les moyens, suscite des effets d’entraînement : colloques, recherche universitaire, expositions commerciales, publications.

L’art est une valeur positive pour la plupart des gens, si bien qu’en l’associant avec le monde arabe on envoie un signal positif à l’opinion publique intérieure. Le bénéfice est tout aussi appréciable à l’extérieur, dans les pays arabes, et c’est ici que se situe la dimension géopolitique. Une promotion plus active des artistes du Maroc aux Émirats arabes unis serait un atout de plus dans le soft power français, à côté de son réseau culturel, de ses collaborations muséales et universitaires. Mis à part la Biennale de Sharjah, peu médiatisée et encore moins visitée, il n’y a pas de grand rendez-vous pour les créateurs arabes au Maghreb ni au Proche-Orient. La France, par son passé, par sa diplomatie, par le succès de ses artistes d’origine arabe est la mieux placée pour porter cet étendard. Quant au reproche de catégorisation, de renvoi d’un artiste à sa nationalité, qui est souvent formulé à l’encontre de ce type d’initiatives, il sera répondu que la Biennale du Whitney ne s’embarrasse pas de tels scrupules. Alors, qui veut relever le défi ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Pour une biennale des pays arabes

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