Politique - Société

Les Verts et la culture : doivent mieux faire

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 25 juin 2021 - 574 mots

Le réchauffement climatique, la pollution, la dégradation de la biodiversité inquiètent à juste titre.

Les élections régionales diront si les Verts confirment la dynamique qui les avait portés l’an dernier à conquérir huit villes de plus de 100 000 habitants et à conserver la mairie de Grenoble. La culture a été absente de la campagne des régionales, car, notamment, ces collectivités territoriales ont une compétence limitée en la matière, sans comparaison avec celle des communes, premiers financeurs avant l’État. Tant mieux pour les candidats EELV qui n’ont pas eu à répondre aux critiques adressées à des édiles municipaux écologistes, dont la politique culturelle se caractérise par une ignorance et un dogmatisme consternants.

À Grenoble, le maire Éric Piolle, considérant que « le référentiel Malraux-Lang est dépassé » , promeut « une culture émancipatrice, “implicante”, que tout le monde pourrait s’approprier » . Il n’a pas d’adjointe à la culture mais « aux cultures » car sa démagogie le pousse à tout confondre, à mettre sur le même plan pratiques amateurs locales et pratiques artistiques professionnelles, à refuser de considérer l’art comme symbole d’exigence, comme fruit d’un talent et d’un savoir alliés à une courageuse prise de risques. Du reste, les deux adjointes qui se sont succédé brillent par leur absence de responsabilités culturelles antérieures. Des candides plutôt que des expérimentées. Si le maire se permet d’amalgamer Malraux et Lang, alors que leurs politiques étaient bien différentes, connaît-il Antoine Vitez qui voulait« un théâtre élitaire pour tous » ? Nous savons depuis que la résolution de cette équation est difficile, mais Vitez avait le mérite de la poser comme objectif. Les préjugés de Piolle ont fait tache d’huile à Bordeaux où, en avril, la mairie écologiste lançait un Forum de la culture pour que les habitants prennent part à la définition de la politique culturelle. Une vaste campagne de panneaux publicitaires a été déployée, deux d’entre eux se sont fait remarquer par les questions affichées : « Artiste, c’est un métier ? » , « La culture, ça coûte trop cher ? » Le débat citoyen et participatif partait sur de bonnes bases.

Le « street art », icône des arts visuels

À Grenoble, la culture à abattre, c’est la parisienne, l’élitiste, la « descendante » . D’emblée, un symbole de ce parisianisme a été éradiqué : l’orchestre réputé Les Musiciens du Louvre, en résidence dans la ville depuis 1996, perd sa subvention de 438 000 euros. Les crédits alloués à la maison de la culture MC2, inaugurée par Malraux en 1968, baissent. Le budget d’acquisition du musée, l’un des établissements les plus importants hors de la capitale, est asséché avant d’être ré-abondé. Une salle de concert est fermée, deux théâtres gérés par un collectif sont repris en main par la municipalité et plus surprenant encore deux bibliothèques de proximité sont supprimées. En revanche, le maire est intarissable sur sa promotion du street art . Pour lui, c’est l’icône des arts visuels, car il est populaire, surtout auprès des jeunes, spontané, émotif, anti-intellectuel. Sa simplicité formelle, son évidence appuyée, sa répétition mécanique ne lui posent pas de question.

Hormis ce volet, sa politique a été surtout de faire table rase du passé plutôt que de construire. Attendons des autres municipalités qu’elles définissent une politique culturelle écologique, une gestion éco-responsable des établissements qui pourrait servir d’exemple. Pourquoi opposer pratiques amateurs et professionnelles, alors qu’elles peuvent s’associer ? Pourquoi refuser l’exigence artistique et céder à la facilité ? Piolle a été réélu confortablement l’an dernier, mais en perdant près de 18 % des voix.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°570 du 25 juin 2021, avec le titre suivant : Les Verts et la culture : doivent mieux faire

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