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YourArt va lancer une nouvelle levée de fonds

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 février 2024 - 926 mots

PARIS

La plate-forme de vente d’œuvres d’art créée par Maurice Lévy a besoin de liquidités pour continuer à développer ses contenus et attirer artistes et acheteurs.

Capture d'écran du site YourArt, section consacrée à la peinture. © YourArt
Capture d'écran du site YourArt, section consacrée à la peinture.
© YourArt

Paris. Huit mois après son lancement très professionnel et médiatisé, au Palais de Tokyo, de la plate-forme numérique YourArt, Maurice Lévy, son président, va réaliser une nouvelle levée de fonds en « série A » (c’est-à-dire adaptée à des start-up qui commencent à gagner de l’argent), sans doute cette année. La mise de départ – 9 millions d’euros – était déjà conséquente, mais insuffisante compte tenu de son « cash burn » [indicateur du rythme de dépense des liquidités d’une entreprise, NDLR]. « Il faut lever de l’argent quand vous avez de quoi voir venir, sinon vous levez “peanuts” ou à des conditions inacceptables », explique l’homme d’affaires. Car YourArt dépense beaucoup d’argent. Si Maurice Lévy ne veut pas donner de chiffres, on comprend que la start-up « brûle » plus de 3 millions d’euros par an avec un chiffre d’affaires proche de zéro.

Cela tient à son modèle économique. YourArt arrive dans un marché déjà encombré – Artsy, Artsper, Singulart, Artfinder, Artnet… – et a choisi de se distinguer de ses concurrents en adoptant un positionnement large et ouvert. Des galeries peuvent mettre en vente sur le site, mais aussi des artistes, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Le prix des œuvres proposées va de 120 euros à 130 000 euros. Un positionnement qui a fait « tiquer » le marché mais qu’assument Maurice Lévy et son bras droit, Laurence Bonicalzi Bridier. En bons stratèges marketing, tous deux pensent que le site doit viser une large audience plutôt que se battre sur un créneau étroit. Mais pour attirer les curieux, encore faut-il qu’il y ait des œuvres à voir. YourArt revendique l’adhésion de 1 730 artistes et 64 galeries qui exposent au total 11 000 œuvres. En théorie, les premiers sont supposés s’acquitter d’un abonnement proposé entre 10 et 30 euros par mois, les secondes, de 90 euros mensuels. Mais aujourd’hui les six premiers mois sont gratuits. En théorie encore, la plate-forme prélève une commission de respectivement 10 et 5 % sur les ventes, mais dans la pratique, elle autorise les vendeurs à opérer hors de la plateforme. Côté visiteurs, il n’est pas nécessaire de s’inscrire pour profiter pleinement du site, sauf pour acheter bien sûr.

« Pas une simple “marketplace” »

Si le chiffre d’affaires est proche de zéro, les dépenses, elles, explosent. YourArt a fait le choix de tout internaliser, développeurs compris, entraînant une masse salariale de 2 millions d’euros au minimum en rythme annuel. La plate-forme tient à offrir à ses visiteurs un design très soigné et des contenus attrayants tout en gardant son cap, qui est d’aider à l’achat en guidant et confortant les internautes. « Nous ne sommes pas une simple “marketplace”, nous voulons être un média », revendique Maurice Lévy. Il est vrai que le site propose de nombreuses vidéos (les « Musées imaginaires » des artistes), un média cher à produire. Pour autant, le contenu éditorial reste à ce jour limité. Sa société a développé « Iris », un assistant basé sur l’intelligence artificielle qui suggère des œuvres à acheter en fonction des goûts personnels de chacun et tente de démêler les influences des maîtres anciens dans les œuvres mises en vente. Des commissaires sont également invités à opérer une sélection parmi les œuvres du catalogue. Deux logiques s’opposent : il faut offrir un large catalogue, donner du choix, mais ne pas noyer l’internaute. Un problème que connaît Artsper qui met en ligne 215 000 œuvres ou, plus encore, Artsy avec 2 millions d’œuvres. Des chiffres qui ne reflètent pas nécessairement la réalité.

La course contre la montre est lancée avant la recherche de nouveaux investisseurs « en série A ». Il faut accélérer le cercle vertueux (les visiteurs croissent à mesure que l’offre augmente, et inversement) pour faire décoller les transactions et ainsi convaincre suffisamment d’artistes et de galeries de souscrire un abonnement. À moins de racheter un des ses concurrents, une option considérée un temps par le président mais plus à l’ordre du jour.

La plate-forme « cool » du marché de l’art  

L’homme qui a réussi à hisser Publicis dans le top 3 des agences de communication dans le monde maîtrise évidemment parfaitement les codes de la communication empathique. Pour Maurice Lévy (82 ans), « YourArt sera définitivement un leader au plan mondial parce que les huit premiers mois sont un véritable succès et que la plate-forme est déjà un leader en termes d’innovation dans le secteur ». « Nous sommes en avance de phase », ajoute la directrice générale, Laurence Bonicalzi Bridier. Maurice Lévy, dont nombre de ses salariés ont travaillé dans les cabinets ministériels, brandit fièrement l’étendard de la démocratisation de l’art : « Nous voulons rendre l’accès à l’art le plus ouvert, le plus facile. Nous avons voulu faire un cadeau aux amoureux de l’art avec une dimension cool. » Passage obligé, il raconte avec gourmandise l’histoire de cette peintre amateure dont les enfants ont mis les œuvres sur le site sans lui dire, œuvres qui ont été achetées par une galerie new-yorkaise renommée. Ou de citer – sans révéler son nom – un député écologiste qui propose des œuvres sur le site : des « fruits et légumes sur une planche en bois ». YourArt (« Le rendez-vous de tous les amoureux de l’art ») est presque un service public, car les galeries, en nombre limité, ne peuvent exposer les milliers d’artistes qui cherchaient un lieu de diffusion avant de le trouver dans la plate-forme. Nul ne sait si YourArt parviendra à s’imposer, mais il a déjà gagné le César de la plus belle campagne publicitaire dans ce domaine.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : YourArt va lancer une nouvelle levée de fonds

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