Ventes aux enchères

Les maisons de ventes françaises semblent tirer leur épingle du jeu

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2020 - 1012 mots

FRANCE

Les acheteurs ont été au rendez-vous des vacations organisées durant l’été tandis que le calendrier des ventes d’automne s’annonce fourni.

Deux albums Yongle Dadian (Le Grand Canon de l’ère Yongle), XVIe s., encre noire et rouge sur papier, un volume dédié à la géographie des lacs de la Chine, l’autre décrit les rites funéraires, 50 x 30 cm. © Beaussant Lefèvre
Deux albums Yongle Dadian (Le Grand Canon de l’ère Yongle), XVIe s., encre noire et rouge sur papier, un volume dédié à la géographie des lacs de la Chine, l’autre décrit les rites funéraires, 50 x 30 cm.
© Beaussant Lefèvre

Alors que les ventes en ligne se sont envolées dès le début du confinement en mars, depuis qu’a eu lieu le déconfinement, à la mi-mai, les ventes aux enchères « physiques » ont enregistré des résultats très satisfaisants relativement au contexte. Prix conformes au marché d’avant la crise ; records ; vendeurs qui ne se sont pas contentés de faire le dos rond en attendant des jours meilleurs ; appétit des acheteurs… sont autant de bonnes nouvelles pour le secteur.

Et la période estivale n’a pas entamé l’enthousiasme des maisons de ventes, bien au contraire. À Drouot, les vacations de juillet ont atteint des sommets. Selon l’hôtel des ventes parisien, « un mois de juillet habituel rapporte en moyenne 7,4 millions d’euros pour une cinquantaine de ventes. Or cette année les 54 ventes ont totalisé 28,3 millions. Du jamais-vu ! » Des coups de marteau multimillionnaires ont même été donnés, comme pour ces deux albums issus du Yongle Dadian (1404-1408), copies de l’encyclopédie créées sous la direction de l’empereur Jiajing (à partir de 1562) ; des albums vendus 8,1 millions d’euros par Beaussant-Lefèvre. Chez Artcurial, les traditionnelles ventes monégasques de juillet consacrées à la joaillerie et à l’horlogerie ont réalisé un total avoisinant 7 millions d’euros, comme l’an passé. Et les quatre sièges commandés par le comte d’Artois en 1778 pour sa chambre à Bagatelle ont été adjugés 1,2 million d’euros, soit plus du triple de leur estimation.

Chez Biarritz Enchères, Me Marie-Françoise Carayol s’est dit satisfaite des résultats de l’été – « une période très importante pour nous qui vivons dans une station balnéaire ». Même constat pour Jean-Pierre Besch (Cannes Auction) concernant les ventes d’août. Pour Ader, cette première période de l’année affiche le même chiffre qu’en 2019 (19 M€), tout comme pour Millon, à 1 million d’euros près (25,3 M€). Certaines maisons ont même constaté une augmentation de leur produit, comme le confirme Dominique Le Coënt (Senlis et Chantilly), fondateur du groupe Actéon : « La situation économique est bonne avec un chiffre d’affaires en augmentation de 17,2 % tandis que le décalage est quasiment résorbé. »

Chez Christie’s Paris, 87 millions d’euros (contre 84 en 2019) ont été engrangés au premier semestre, et le produit des ventes d’Osenat est en hausse de 15 % (12 M€).

Un optimisme de rigueur

Quelques maisons de ventes ont néanmoins pris du retard par rapport aux objectifs fixés en début d’année, évoquant pour l’un 800 000 euros de produit d’adjudication en moins, pour l’autre une baisse de 10 à 20 %. Mais elles restent optimistes et misent sur la fin de l’année, qui sera décisive. « Nous allons rattraper notre retard cet automne grâce à un calendrier plus chargé que d’habitude, peut-être pas à 100 % mais au moins aux deux tiers. Et paradoxalement ce ne sera pas ma plus mauvaise année ! », a confié Marc Labarbe (Toulouse). Un grand nombre de commissaires-priseurs – à l’instar de Bertrand Couton (Nantes) ou d’Étienne de Baecque (Lyon, Paris, Marseille) – estiment pouvoir atteindre le même résultat que l’an passé à la fin 2020, « malgré les mois de fermeture ».

À chaque crise ses opportunités. « Les habitudes des Français ont été bouleversées : ils ne sont pas partis en vacances, ou moins loin, ce qui leur a permis de faire un “grand nettoyage”. Aussi, nous avons été contactés durant tout l’été pour vendre un nombre considérable de collections et d’objets au dernier trimestre. Jamais dans le passé nous n’avions constaté une telle hausse du rythme d’activité à cette période », s’est réjoui Léonard Pomez (Ivoire Troyes). « Au final, la crise ne nous a pas vraiment “impactés”. Les vendeurs n’ont pas été freinés par la situation, et les acheteurs, même si nous avons perdu des étrangers, ont été remplacés par de nouveaux clients venus grâce aux ventes en ligne », a rapporté Jean-Pierre Osenat, président du Symev (Syndicat national des maisons de ventes volontaires), qui a confié « ne pas avoir eu de mauvais échos de la part [de ses] confrères ».

La grande majorité des maisons de ventes consultées annoncent donc un calendrier d’automne au moins aussi fourni que l’an passé, si ce n’est davantage. À titre d’exemple, un représentant de Christie’s indique que 27 ventes seront organisées au second semestre contre 18 en 2019 ; Sotheby’s, elle, en a programmé 23 comme l’an passé ; Tajan devrait avoir réalisé 69 ventes en tout à la fin 2020 (contre 66 en 2019) tandis que Drouot confirme « un second semestre très chargé ».

Les temps forts de l’automne

Parmi les temps forts de cet automne figurent notamment la dispersion de la collection Catherine et Alain Bernard (dont un miroir de Claude Lalanne estimé 400 000 à 600 000 €) le 23 septembre chez Sotheby’s ; la vente d’un vase impérial Qianlong, XVIIIe siècle, chez AuctionArt le 25 septembre (estimation 800 000 € à 1,2 M€) ; la vente « Garden party » de la maison Rouillac qui comporte un vase Qianlong (est. 400 000 €), les 4 et 5 octobre ; la dispersion de la collection Paul Haim le 22 octobre chez Christie’s, renfermant notamment une sculpture en bronze peint de Miró intitulée La Caresse d’un oiseau, 1967 (4 à 6 M€) ; la dispersion de la deuxième partie de la collection Colette Creuzevault chez De Baecque et associés le 20 novembre à Drouot qui comprend la toile Forêt, 1927, de Max Ernst (300 000 à 500 000 €) ; ou le dessin de la couverture originale du Lotus bleu par Hergé chez Artcurial le 21 novembre (2 à 3 M€).

Globalement, les maisons de ventes estiment avoir été plus épargnées que d’autres domaines par la crise sanitaire, et aucun licenciement n’y a été recensé. « Notre secteur est finalement le moins touché, au regard de celui du luxe ou de la restauration. Par ailleurs, les prix n’ont jamais été aussi bons par rapport à il y a deux ans. C’est le moment de vendre ! », conclut Alexandre Giquello, président de Drouot.

Toutes les estimations sont indiquées hors frais acheteur tandis que les résultats sont indiqués frais compris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°551 du 18 septembre 2020, avec le titre suivant : Les maisons de ventes françaises semblent tirer leur épingle du jeu

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque