Ventes aux enchères

ENTRETIEN

Le directeur d’Interencheres a le sourire

Frédéric Lapeyre, directeur général délégué d’Interencheres : « Le bond en mai nous a permis de rattraper le manque à gagner du confinement »

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 3 juillet 2020 - 1209 mots

Interencheres est particulièrement actif dans la catégorie mobilier et objets d’art. Frédéric Lapeyre, son directeur général délégué, dresse un bilan en croissance constante, malgré les perturbations de la crise sanitaire et économique.

Frédéric Lapeyre, directeur général délégué d'Interencheres © Photo Abel Laval Ubach
Frédéric Lapeyre, directeur général délégué d'Interencheres.
© Photo Abel Laval Ubach

Après un passage chez Mondadori et NRJ, Frédéric Lapeyre dirige depuis janvier 2019, la plate-forme de ventes aux enchères Interencheres qui appartient à un regroupement de commissaires-priseurs.

Quand a été créé Interencheres ?

Peu avant l’an 2000, à l’initiative de plusieurs commissaires-priseurs de la région du Sud-Est. À l’origine, c’est une plateforme d’annonces de ventes, à laquelle est venu s’ajouter début 2010 le live, un service de retransmission des vacations par Internet, avec la possibilité pour les internautes d’enchérir. Pour être adhérent, le commissaire-priseur doit avoir la double casquette judiciaire et volontaire, afin d’apporter la plus haute garantie à l’égard du consommateur.

Comment se rémunère Interencheres ?

Il y a trois sources de revenus : la cotisation des adhérents, du fait de la vitrine que nous leur offrons (entre 700 et 3 000 €/an (1), indexé sur le produit vendu de l’opérateur) ; le « forfait de vente » (assistance technique avant, pendant et après la vente live, avec une équipe support de sept personnes) et enfin, une commission de l’ordre de 3 % pour les ventes volontaires lorsque c’est un internaute d’Interencheres qui remporte le lot.

Quels sont vos principaux concurrents ?

C’est un marché concurrentiel en plein essor. À nos côtés, il y a Drouot Digital, Auction, Invaluable, The-saleroom ou encore Lot-tissimo, mais nous restons leaders en France sur le secteur Mobilier Objets d’Art (MOA). En 2019, Interencheres a totalisé 79 millions d’euros – hors frais –, contre 60 millions pour Drouot Digital.

Quel est votre bilan pour 2019 ?

Le produit vendu des adhérents d’Interencheres s’élève à 1,8 milliard d’euros (2), toutes catégories confondues, contre 1,5 milliard en 2018 (+22 %) – 1,081 Mrd pour la catégorie MOA. 2,6 millions de lots ont été publiés sur le site, dont 1,8 en MOA, et 33 millions de visites (+18 %) ont été enregistrées, soit près de 3 millions en moyenne par mois. Quant à notre chiffre d’affaires, il s’élève à près de 5,5 millions d’euros, en constante croissance. Le nombre d’adhérents étant assez stable d’année en année, les cotisations restent relativement équilibrées. Aussi, tout se joue sur le commissionnement et le volume de ventes.

Et pour Interencheres live ?

En 2019, le produit vendu toutes catégories atteint 219 millions d’euros (dont 111 M€ pour MOA), contre 157 en 2018 (+39 %). Pour 2020, il y a eu une chute vertigineuse du nombre de ventes (-89 %) entre le 17 mars et le 15 avril suite à la crise sanitaire, puis ce nombre est reparti à la hausse, pour exploser en mai. Avec ce bond spectaculaire, nous avons rattrapé tout le manque à gagner de la période de confinement jusqu’à revenir au même niveau que l’an dernier à la même époque. Fin mai, nous en sommes même à +20 % en cumulé depuis le début de l’année par rapport à l’an dernier, soit 109 millions d’euros (contre 89 M€ en 2019 pour la même période). Quant à notre chiffre d’affaires, il sera probablement en progression malgré le contexte particulier de cette année. Par ailleurs, il y a actuellement plus de 750 000 inscrits dont 12 % d’étrangers.

Vous avez donc enregistré un mois de mai historique !

Oui. 38,5 millions d’euros de produits vendus toutes catégories, soit +126,4 % par rapport à mai 2019, avec 301 inscrits en moyenne par vente MOA (+79 %) pour les 395 ventes de cette catégorie. Pur hasard, la journée du 28 mai a été celle de tous les records avec 4,2 millions d’euros de produit vendu sur le live (6 416 lots vendus en live, dont 4 596 en MOA), près de 100 000 internautes connectés et plus de 37 000 enchères soit près d’une enchère par seconde. Il y a eu un engouement extraordinaire car les acheteurs ont été « frustrés » pendant le confinement.

Quels sont les projets pour l’avenir ?

Nous avons déjà 307 maisons de ventes adhérentes – exclusivement françaises (dont 37 parisiennes) –, nous n’avons donc pas un terrain de conquête énorme. En revanche, nous accentuons le travail sur la conversion des ventes en live (91 % des adhérents l’utilisent). Côté internautes, le terrain de chasse est immense. Notre rôle est de « draguer » de nouvelles communautés d’acheteurs – tout en rajeunissant la cible – par des campagnes de communication et de publicité.

Nous ne proposons pas encore de ventes online only, mais nous y travaillons car une partie de la concurrence les propose déjà ; c’est un vivier de nouveaux acheteurs ; et enfin – le confinement l’a montré –, c’est un mode « désintermédié » qui offre un canal de vente supplémentaire.

Nous ne sommes pas présents physiquement à l’international, même si 13 % de nos transactions sont effectuées par des acheteurs étrangers. Avoir un pied à l’étranger n’est pas une volonté immédiate, mais on ne se l’interdit pas à l’avenir. Pas forcément en implantant des bureaux, mais peut-être avec des adhérents qui seraient des maisons de vente internationales.

NOTES

(1) Frédéric Lapeyre a mentionné un montant compris « entre 700 et 3 000 euros/an » pour les cotisations, alors que celui-ci se situe plutôt entre « 500 et 5 000 euros ».

 

(2) Frais inclus, dans tout le texte, sauf précision contraire.

baisse d’activité record pour les maisons de ventes

Ventes publiques. Mi-mai, alors qu’il dévoilait le bilan 2019 des ventes aux enchères, le Conseil des ventes volontaires (CVV), l’autorité de régulation du secteur, a publié une étude sur l’activité des maisons de ventes pendant la période du confinement (du 17 mars au 30 avril). Contraintes d’arrêter leurs ventes aux enchères publiques, à l’exception des ventes dématérialisées (online) et des ventes en « huis clos live », elles ont accusé une baisse vertigineuse de leur activité, soit plus de 80 %. Un coup dur pour les opérateurs alors que le printemps (mars à juin) constitue avec l’automne l’une des périodes les plus dynamiques du marché. Après un arrêt quasi-total du 17 au 28 mars, certaines maisons de ventes ont choisi de maintenir une activité de ventes en ligne. 175 ventes aux enchères ont ainsi été recensées sur la période, avec 56 % de ventes en « huis clos live » – le commissaire-priseur opérant seul en salle devant un écran – et 44 % de ventes exclusivement en ligne. Parmi ces ventes, 52 ont été organisées par 8 des 20 premières maisons de ventes françaises, telles que Millon, Tajan, Ader, Aguttes, Piasa, Pierre Bergé… Une quinzaine d’autres maisons déjà présentes online ont maintenu ou développé ce type de ventes. Selon le CVV, « il n’y a donc pratiquement pas eu de nouvelles maisons de ventes expérimentant des ventes online pendant cette période de confinement ». Par ailleurs, l’autorité de régulation a noté que seules deux vacations – excepté les ventes caritatives – ont totalisé un montant d’adjudications dépassant les 500 000 euros, la vente « or, lingots et pièces » d’Ader et la vente « Indochine » chez Lynda Trouvé. En conclusion, le CVV indique qu’à ce stade « rien ne permet de dire que les ventes online d’art et d’objets de collection, qui s’élevaient à 35 millions d’euros en 2019 (hors frais) en France (dont, à 48 %, des ventes de vins d’I.W.Auction) ont “décollé” à l’occasion de cette phase contrainte de confinement. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°548 du 19 juin 2020, avec le titre suivant : Frédéric Lapeyre, Directeur général délégué d’Interencheres : « Le bond en mai nous a permis de rattraper le manque à gagner du confinement »

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