Foire & Salon - Frac

PARIS ART WEEK 2025 | La semaine de l'art contemporain : enquête

Les foires d’art contemporain, viviers d’œuvres pour les Frac ?

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2025 - 899 mots

Nombreux sont les responsables de Frac à fréquenter Art Basel Paris ou d’autres foires de renom à l’international. Leur déplacement est avant tout motivé par la découverte de nouveaux artistes ; il l’est moins par la perspective d’une acquisition.

France et au-delà. Le Tout-Paris culturel s’apprête à vibrer au rythme de la semaine de l’art contemporain. du 22 au 26 octobre. Les collectionneurs privés ne sont pas les seuls dénicheurs de talents à arpenter les allées des foires cette semaine-là : la plupart des directeurs et directrices de Fonds régionaux d’art contemporain (Frac) sont, comme chaque année, au rendez-vous. « Ces foires permettent de prendre le pouls d’une année et de découvrir des artistes », argue Fabien Danesi, le directeur du Frac Corsica. Art Basel Paris est, de loin, la foire la plus fréquentée par les responsables de Frac. Mais ils sont nombreux à se rendre à Marseille pour visiter Art-o-rama à et à franchir la frontière de manière parfois régulière pour les rendez-vous que sont Art Basel à Bâle, Artissima à Turin, Arco à Madrid, Art Brussels et Frieze à Londres. Si la visite d’une foire favorise la prospection et l’échange entre professionnels du monde de l’art, elle est, en revanche, loin d’être le lieu privilégié des acquisitions d’œuvres pour les Fonds régionaux d’art contemporain.

Des temporalités incompatibles

« Nous n’avons pas la même temporalité que les foires, explique Claire Staebler, la directrice du Frac Pays de la Loire. Les acquisitions des Frac sont des processus très longs. » Ces Fonds ne peuvent, en effet, acheter d’œuvre pendant les foires : les pistes d’acquisition sont évoquées et débattues par les membres des comités techniques, lesquels se réunissent une à deux fois par an, en général en mai et en octobre. Leurs décisions doivent ensuite être validées par les conseils d’administration. Les réunions des comités techniques n’ont jamais lieu pendant les foires ou à leur issue, de sorte que plusieurs mois peuvent s’écouler entre les deux – une demi-année dans le cas d’Art Basel Paris. « Les galeries ne bloquent pas une pièce pour une durée aussi longue », précise Étienne Bernard, le directeur du Frac Bretagne.

De cette non-simultanéité découle le premier frein au repérage d’œuvres que les directeurs de Frac et les membres des comités techniques pourraient réaliser lors des foires, en vue d’une éventuelle acquisition quelques mois plus tard. « Nous ne connaissons pas encore notre budget d’acquisition pour l’année suivante lorsque nous visitons les foires », souligne Fabien Danesi. Cette absence de visibilité budgétaire pose problème car certaines œuvres peuvent afficher des prix trop élevés pour les Frac, ce qui rend la projection particulièrement difficile : « Les œuvres exposées sur les stands sont souvent proposées à des prix au-delà des budgets d’acquisition du Frac Lorraine », estime Fanny Gonella, sa directrice. Outre cette problématique financière, le caractère ultra-éphémère de la foire d’art contemporain peut difficilement concorder avec un processus qui repose sur un travail au long cours. « La foire, c’est l’espace de la saturation, ce n’est pas l’endroit où les idées se fixent de la manière la plus évidente, considère le directeur du Frac Corsica. L’instantanéité de la foire fait que l’on s’en souvient moins bien. »

En dépit de ces contraintes, il arrive cependant que les Frac acquièrent des œuvres repérées par un membre du comité technique d’acquisition lors d’une foire. Mais cette occurrence est très variable selon leurs directions. Aucune œuvre exposée lors d’une foire n’a été proposée à l’acquisition au Frac Lorraine et au Frac Corsica depuis l’arrivée de Fanny Gonella en 2018 et de Fabien Danesi en 2021, tandis qu’en 2023 le Frac Pays de la Loire et le Frac Grand Large – Hauts-de-France ont tous deux acquis des œuvres d’artistes découverts lors de l’édition 2022 Paris+ parArt Basel.

Des politiques d’acquisition liées aux projets artistiques

« Tout réside dans la composition du comité technique d’acquisition qui s’appuie sur l’expertise et les habitudes de travail de ses membres », explique Keren Detton, la directrice du Frac Grand Large. C’est le directeur de l’établissement qui détermine la composition de son comité technique, peu de temps après son arrivée. Il peut s’entourer de chercheurs, de galeristes, d’artistes, de curateurs, de critiques d’art ou encore de professionnels d’institutions d’art contemporain, qui « ont chacun leur manière de découvrir des artistes », ajoute Keren Detton. Mais l’acquisition d’œuvres repérées sur les stands des foires dépend avant tout du projet propre à chaque Frac. « Contrairement à des collectionneurs privés qui peuvent acheter au coup de cœur, nous fonctionnons essentiellement au suivi des carrières et des artistes », explique le directeur du Frac Corsica. Une orientation opposée à celle du Frac Picardie : « On essaie d’arriver avec un œil curieux et de ne pas aller vers des artistes déjà présents dans la collection », souligne Pascal Neveux, son directeur. Les membres du comité technique de ce Frac se rendent chaque année à Drawing Now Art Fair à Paris et à Paréidolie à Marseille : « La fréquentation [de ces salons] participe du projet artistique et culturel du Frac, dont l’objectif est de défendre l’écosystème du dessin contemporain. » Sur les quinze artistes qui entrent dans sa collection chaque année, deux ou trois sont repérés sur les foires.

Quel que soit le Frac, le travail d’acquisition ne saurait se réduire à la seule fréquentation des foires d’art contemporain. Visite d’ateliers et d’expositions, séjour de prospection, veille sur Instagram… Ce processus repose sur un « entremêlement de différentes couches de sédimentation », pour reprendre les mots de Fabien Danesi.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : Les foires d’art contemporain, viviers d’œuvres pour les Frac ?

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