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ENTRETIEN

Jean-Gabriel Mitterrand : « nous voulons travailler avec des artistes confirmés »

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 30 avril 2019 - 895 mots

PARIS

Jean-Gabriel Mitterrand fête les 30 ans de sa galerie. Une longue expérience qui lui permet d’aborder une nouvelle phase dans le choix des artistes avec qui il a envie de collaborer.

Jean-Gabriel Mitterrand © Photo Rebecca Fanuele
Jean-Gabriel Mitterrand
© Photo Rebecca Fanuele

C’est en 1988 que Jean-Gabriel Mitterrand a ouvert son premier espace, la JGM Galerie, dans le quartier Saint-Germain à Paris. Il déménage en 2004 pour s’installer à son actuelle adresse au 79, rue du Temple dans le Marais, et devient en 2014 la Galerie Mitterrand.

Quel bilan faites-vous au moment de ce 30e anniversaire ?

Ce sont trente ans de proximité avec de nombreux artistes passionnants ; trente ans d’expositions au rythme de six par an, ce qui est beaucoup ; trente ans pour parvenir à mettre en œuvre le parc de sculpture du Muy, dans le Var, qui est un immense projet ; trente ans pour fidéliser un certain nombre d’artistes importants qui sont avec nous depuis le début, comme Niki de Saint-Phalle, les Lalanne, Augustin Cardenas, les Poirier ; trente ans pour attirer des artistes nouveaux qui m’ont beaucoup intéressé, comme Allan Mc Collum, Keith Sonnier, Fred Wilson, Tony Oursler…, trente ans pour arriver non pas à une conclusion, mais à un point virgule et redémarrer pour trouver de nouveaux horizons et se développer d’une manière plus radicale dans un monde de l’art qui a considérablement changé.

Quels sont ces nouveaux horizons ?

Au bout de trente ans on a appris à connaître ses capacités, ses moyens, l’image qu’on a construite, le poids qu’on exerce sur le marché et sur les artistes, la crédibilité qu’on a auprès des foires qui sont très importantes aujourd’hui. Il faut donc marquer un changement, l’indiquer ouvertement, il faut évoluer, s’adapter. On a par exemple conscience qu’il est plus important de nous recentrer sur des artistes qui ont maintenant une place essentielle dans l’histoire de l’art contemporain et que nous accompagnons. Ceux que nous exposons régulièrement, comme ceux, tout aussi historiques, que nous programmons pour l’avenir, comme Mark di Suvero, Charlotte Posenenske, Vaclav Pozarek… mais tout cela est en gestation. En revanche, nous allons ralentir avec certains artistes qui nous ont suivis un moment, mais que nous avons du mal aujourd’hui à inscrire auprès des institutions. J’ai toujours le rêve d’accompagner un artiste plus jeune, de l’aider à réussir à entrer dans les musées. On l’a d’ailleurs fait au cours de toutes ces années, mais je m’aperçois que nous sommes moins organisés pour cela que pour créer et faire tourner dans le monde des expositions d’artistes confirmés, reconnus. Et parallèlement nous allons développer deux départements.

Pouvez-vous nous en parler ?

L’un sera consacré essentiellement au second marché, c’est-à-dire à des œuvres que nous trouvons sans relation avec l’atelier de l’artiste ou son estate, mais qui sont en harmonie avec notre programmation. Il est par exemple évident qu’avec Richard Pettibone on ne travaille que sur le second marché, on achète des œuvres en ventes publiques ou auprès de collectionneurs. Le deuxième département concerne la sculpture monumentale. Il est très important, car directement relié à notre désir de montrer des œuvres au Muy dans la nature [domaine dans le Var accueillant des œuvres].

Mais cette orientation n’est pas nouvelle, vous avez déjà fait des projets de ce type ?

J’ai toujours eu ce désir et nous avons effectivement gagné des concours, installé des œuvres, organisé et fait tourner des expositions comme celle de Niki de Saint-Phalle en Amérique latine il y a quelques années ou en ce moment en Chine. Mais nous le faisions de manière intuitive et cette activité-là n’a jamais été bien exploitée, parce que nous n’étions pas équipés pour cela et nous n’avions personne pour s’en occuper. Judith Souriau a rejoint l’équipe de la galerie, autour de Sébastien Carvalho, pour développer ce département. Car cela prend du temps et de l’énergie. La sculpture monumentale, ce n’est pas seulement vendre une œuvre, c’est démarcher, trouver des contacts, aller voir les architectes, les urbanistes, les municipalités, les promoteurs immobiliers, les pôles commerciaux, les sociétés qui construisent leurs sièges sociaux, etc. Il faut ensuite les convaincre, trouver l’artiste et l’œuvre adapter à leur projet et à leur budget, il faut savoir la produire lorsqu’elle n’existe pas, faire toutes les recherches d’ingénierie, il faut ensuite l’installer, puis promouvoir, entretenir… On aurait sans doute dû le faire depuis dix ans, mais dans une galerie, on marche au jour le jour : on court après une certaine forme de succès, c’est-à-dire après des artistes de renom, ensuite il faut s’en occuper, savoir les vendre, sinon ils vous quittent, les aider à monter des expositions importantes dans les musées…

Vous évoquez Le Muy, où en êtes-vous aujourd’hui ?

Nous avons inauguré le parc de sculptures l’été 2015 et nous le développons constamment depuis. Nous avons aujourd’hui trente-cinq sculptures visibles tout au long du parcours, certaines que nous avons produites ou coproduites avec les artistes, ce qui assure leur pérennité, d’autres qui sont de passage pendant trois à cinq ans. Nous recevons entre 500 et 1 000 visiteurs par an, sur invitation ou sur demande limitée. Nous n’avons pas d’objectif économique. Avec Edward, mon fils, avec qui j’ai monté ce projet, nous considérons Le Muy comme un lieu de promenade et de découverte de l’art contemporain, une sorte de vitrine de notre savoir-faire, un point d’ancrage pour développer nos projets de sculptures monumentales. Le Muy est un prolongement idéal de notre métier de galeriste.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°522 du 26 avril 2019, avec le titre suivant : Jean-Gabriel Mitterrand, galeriste : « nous voulons travailler avec des artistes confirmés »

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