Ventes aux enchères

Drouot réduit le nombre de ses opérateurs

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 9 juillet 2018 - 989 mots

La détention obligatoire de 7 000 actions pour vendre en ses murs et les tarifs élevés de location de salle ont fait perdre une dizaine d’opérateurs à l’hôtel des ventes parisien.

L'Hôtel des ventes de Drouot, rue de Richelieu.
L'Hôtel des ventes de Drouot, rue de Richelieu.
Photo Milan Poyet
Courtesy Vigie Production

Paris. Ce n’est un secret pour personne : Drouot, l’hôtel des ventes aux enchères parisien, cherche à monter en standing. Le départ d’acteurs majeurs tels que Piasa ou Tajan ces dernières années et la concurrence féroce des maisons de ventes anglo-saxonnes l’y poussent inéluctablement. Et quoi de mieux pour remédier à une marchandise mineure, quitte à organiser moins de ventes dans ce lieu unique au monde ? En réglementer l’accès bien sûr ! Aussi, depuis le 31 décembre, il faut être actionnaire de l’entreprise et détenir 7 000 actions pour louer et vendre dans l’une des seize salles de l’hôtel. Sachant qu’une action se négocie de 50 à 80 euros, l’impact financier n’est pas sans conséquence pour les plus petites structures. Olivier Lange, directeur général du groupe Drouot, indiquait en début d’année que « mis à part Artcurial, qui n’a pas souhaité devenir actionnaire, il n’y a eu aucun autre départ ». Pourtant la réalité est tout autre.

Dans son bilan 2017 dévoilé le 21 décembre, Drouot fait état de « 74 sociétés de ventes » y opérant. Or, la liste officielle divulguée récemment n’en compte désormais plus que 62 – celles détenant bien les 7 000 actions. Qu’est devenue alors la dizaine d’autres qui n’y figurent plus, mis à part deux maisons qui ont cessé leur activité (Vincent Wapler et Jean-Claude Renard) ? Trois opérateurs ont été absorbés par deux autres : d’une part, les opérateurs de ventes (OVV) Catherine Kalck et Guillaume Le Floc’h se sont regroupés et, d’autre part, l’OVV Deburaux et l’OVV Castor-Hara ont tous deux rejoint Art Richelieu. Est-ce une volonté d’unir leur force pour mettre en commun leurs actions ? Selon eux, il n’en serait rien. « Ce regroupement est une réunion qui est effective depuis fin décembre, mais elle était déjà en pourparlers avant l’histoire des 7 000 actions », précise Maître Castor.

Concernant les autres opérateurs, ils ont bel et bien quitté le navire, faute d’avoir pu rassembler le nombre d’actions requises. « Je n’exerce plus à Drouot et organise mes ventes à l’extérieur dans les salles annexes à cause de cette injonction des 7 000 actions qu’il fallait détenir », confirme le commissaire-priseur Pierre-Alain Le Brech (SVV Le Brech). Sont dans une situation analogue Chayette & Cheval, Eve, Artus Enchères, Aponem, Cornette de Saint-Cyr, Siboni ou encore Poette. « Nous sommes une dizaine à ne pas avoir encore eu le temps ou la possibilité matérielle ou financière de régulariser ces détentions de parts. Donc nous sommes mis entre parenthèses pendant un certain temps », commente Maître Jean-Jacques Poette avant de confier que peut-être, les textes pourraient être réétudiés dans un avenir proche ; « mais rien n’est arrêté », conclut-il.

Il se murmure en effet que Drouot aurait mal anticipé le manque à gagner causé par ces départs. « J’ai entendu dire que cela crée une perte importante pour Drouot », avance le commissaire-priseur Nathalie Vermot (Vermot et associés), fondatrice de « La Salle », un espace de vente situé au 20, rue Drouot, quasiment en face. Ce point aurait d’ailleurs été évoqué lors d’une réunion ponctuelle d’informations au premier semestre, notamment par les jeunes commissaires-priseurs qui auraient émis le souhait de voir s’abaisser le niveau minimum pour intervenir à Drouot.

Pour Olivier Lange, il n’y a pas de problème dans la mesure où « des actionnaires achètent encore des actions, ainsi que des commissaires-priseurs qui n’en avaient pas ». Tel est le cas des OVV Elsa Marie-Saint Germain (déclaré auprès du Conseil des ventes le 28 décembre 2017) et Lynda Trouvé (depuis le 20 avril dernier) qui ont intégré l’hôtel des ventes parisien. D’ailleurs, pour certains commissaires-priseurs, l’exigence des actions pourrait être contournée. François-Léopold Touati (Touati-Duffaud), établi au Raincy, s’est dessaisi récemment d’un certain nombre d’actions. Théoriquement, il n’a plus le droit d’exercer à Drouot, mais selon lui, « si demain [il a] une vente exceptionnelle comme celle du mois de décembre (une aquarelle de Cézanne vendue à Drouot pour 6,8 millions d’euros, ndlr), [il] pense que Drouot ne [lui] fermera pas ses portes ».

Les salles annexes

Ces maisons de ventes « écartées » de Drouot disposent d’autres options. Tandis que certaines ont rapatrié leurs ventes dans leurs locaux, comme Eve, rue Milton (salle Milton), la majorité des autres loue des salles dans des espaces qui jouxtent Drouot. Il en existe trois : la salle Rossini, la salle VV et La Salle (implantée en février 2017), déjà fréquentées par des opérateurs qui n’ont jamais vendu à Drouot, comme Cazo, Alde, Metayer ou Bayeux.

Mais ces salles annexes ont-elles « récupéré » des ventes ? Rien n’est moins sûr, ainsi que le confirme Maître Pascale Marchandet (de l’OVV Rossini) : « Rien n’a changé pour la salle Rossini, qui fait toujours autant le plein. Nous avons un nombre limité de jours de location étant donné que nous-mêmes y organisons un grand nombre de nos ventes. Selon moi, il n’y a pas eu de report sur les autres salles. » Même constat pour Nathalie Vermot : « Non, il n’y a pas eu de répercussions. Par ailleurs, notre calendrier est bien rempli, donc nous ne pourrions pas absorber tous ces opérateurs sortis de Drouot. »

Pas de vases communicants donc. « Ce sont simplement des ventes en plus, qui n’auraient pas existé avant le développement des salles annexes, faute d’être suffisamment rentables », analyse Pascale Marchandet. En y regardant de plus près, en effet, ces salles sont essentiellement louées pour de petites vacations, qui, de toute évidence, n’auraient jamais pu être organisées à Drouot pour des raisons de tarifs. D’ailleurs, « à Drouot, lance Pascale Marchandet, je ne crois pas que ce soit la question des actions qui soit prégnante et qui ait fait diminuer le nombre de maisons de ventes y exerçant. Je pense surtout que ce sont les tarifs de location qui y sont pratiqués qui ont un impact et ce, antérieurement à la possession des actions ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : Drouot réduit le nombre de Ses opérateurs

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