Ventes aux enchères

L’art impressionniste et moderne à deux vitesses

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 4 juillet 2018 - 704 mots

LONDRES / ROYAUME-UNI

Avec un total cumulé de 246,5 millions d’euros, Christie’s et Sotheby’s enregistrent un résultat inférieur de plus de 20 % à celui de l’an passé.

Londres. Pour leurs sessions de printemps d’art impressionniste et moderne, Sotheby’s et Christie’s, qui partaient avec des estimations globales à peu près équivalentes, n’ont pas connu le même sort. À vingt-quatre heures d’intervalle, l’atmosphère était bien différente : Sotheby’s a vécu une vente poussive tandis que chez Christie’s la soirée était vive. En cause, des œuvres moins désirables chez Sotheby’s. Ainsi, l’auctionneer américain a totalisé 87,5 millions de livres sterling (100 M€) pour sa vacation du 19 juin, soit un volume d’adjudications en deçà de son estimation basse fixée à 99 millions de livres. Ce résultat décevant est également inférieur de 30 % à celui de l’an passé alors même que Sotheby’s a cédé une dizaine de lots en plus, mais surtout, c’est son pire score depuis 2012 (75 M£). Dix œuvres se sont retrouvées sur le carreau, dont une toile importante ayant appartenu à Calder, Peinture (1933) de Miró, estimée 8 à 12 millions de livres, soit un gros manque à gagner.

Star de la vacation, Buste de femme de profil (Femme écrivant), un portrait de Marie-Thérèse par Picasso en 1932, a été adjugé 27,3 millions de livres (31 M€), en dessous de son estimation (33 M£). « C’était un tableau un peu raide, sans relief. Il a certainement été vendu au garant et Sotheby’s n’a pas gagné grand-chose. D’ailleurs, son prix au marteau est de 27 millions de livres », a commenté Christian Ogier, marchand à Paris. Cependant, le tableau a obtenu un prix plus de dix fois supérieur à celui récolté en 1997 (2,2 M£). Le Chat d’Alberto Giacometti, un bronze conçu en 1951 et fondu en 1955, a quant à lui été emporté à 12,6 millions de livres (14,3 M€, estimé autour de 10 M£). Il avait été retiré de la vente de New York en mai 2017.

Le lendemain, la maison de ventes de François Pinault s’en est mieux sortie, même si son total de 128 millions de livres (146,4 M€) est resté dans la fourchette de son estimation (97 à 135 M£) et qu’il est inférieur au produit de l’an passé (149,5 M£). La vacation a été dominée par La Gare Saint-Lazare, vue extérieure, 1877, de Monet, un tableau issu d’une série de 12. Estimé 22 à 28 millions de livres, il a été adjugé 24,9 millions de livres (28,3 M€), un poil au-dessus d’une autre version de la gare provenant de la collection Rockefeller et cédée en mai dernier à New York (24,3 M£).

Franz Marc crée la surprise

Autre pièce phare, un portrait de Dora Maar peint par Picasso en 1942, Femme dans un fauteuil, parti à 17 millions de livres (19,3 M€) au marteau, en dessous de son estimation basse (18 M£). « Ce tableau de Picasso, plus désirable que celui de Sotheby’s, aurait pu faire beaucoup plus s’il n’avait pas été plombé par le mauvais résultat de la veille. Quand il y a deux tableaux importants, si l’un ne se vend pas très bien, cela a une répercussion sur l’autre », a expliqué Christian Ogier. En revanche, une œuvre du peintre allemand Franz Marc, Drei Pferde, 1912, a créé la surprise : estimée 2,5 à 3,5 millions de livres, elle s’est envolée à 15,4 millions (17,5 M€). Un record pour l’artiste.

Si la vente de Christie’s ne recensait que deux œuvres couvertes par des garanties, celle de Sotheby’s en dénombrait 14 sur les 36 lots proposés, dont trois par une tierce partie. « Onze étaient donc garanties par la maison de ventes. Je ne crois pas à un choix stratégique de sa part, cela reflète plutôt une difficulté à revendre le risque à des garants externes, analysait l’expert Thomas Seydoux. Ce n’est pas étonnant que ces financiers se soient montrés plus prudents après les ventes de mai où de nombreux lots n’ont suscité qu’une seule enchère, celle du garant, mais ce retrait conservateur de leur part est nouveau. » Par ailleurs, trois œuvres garanties par Christie’s sont restées invendues, avec des répercussions importantes sur la rentabilité totale de la vente. « L’arroseur arrosé ? L’avenir nous le dira », lance Thomas Seydoux.

Tous les résultats sont indiqués frais compris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : L’art impressionniste et moderne à deux vitesses

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