Ventes aux enchères

Arts d’Asie, le marché se tasse

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 11 janvier 2019 - 1027 mots

PARIS

Alors même que certaines pièces d’art d’Asie continuent de faire de beaux prix et de pulvériser leurs estimations désormais raisonnables, la semaine asiatique n’a enregistré qu’une seule adjudication millionnaire.

Art Asie Tête de Dragon
Tête de dragon en bronze à patine brune, le cou arrondi orné d'écailles ciselées, Indochine, XIXe siècle, 40 x 45 cm.
© TessierSarrou / Drouot

Paris. C’est désormais devenu un rendez-vous incontournable : mi-décembre, à Paris, les ventes d’art asiatique battent leur plein. Cette année, la session cumule un chiffre d’affaires de 23 millions d’euros (1), soit une baisse de 15 % par rapport à l’an passé (27,2 millions d’euros [2]). La présence d’une seule enchère millionnaire – remportée à Drouot – contre quatre l’an passé, a changé la donne. « Le marché chinois est tout simplement en train d’atterrir et se montre plus sélectif », remarque Frédéric Rond, marchand à Paris. Depuis quelque temps, les catalogues ont tendance à s’amincir. La raison ? D’une part, Christie’s et Sotheby’s misent sur des pièces plus qualitatives, évitant de proposer trop d’objets de « milieu de marché » qui ne se vendent plus autant sauf si les estimations sont dérisoires. « Le marché fonctionne très bien pour tous les chefs-d’œuvre estimés raisonnablement. Et sur un marché ponctué de faux, la provenance (des factures d’époque, des documents, une vraie histoire) fait toute la différence. À l’inverse, tout ce qui est moyen, cassé, restauré, se vend mal », confirme Olivier Valmier, spécialiste en arts d’Asie et commissaire-priseur chez Sotheby’s. Par ailleurs, depuis l’ouverture de la Chine, les acheteurs chinois ont rapatrié nombre de trésors dans leur pays. Il y a donc de moins en moins de pièces phares à vendre. Christie’s a dominé la semaine avec un total de 7,1 millions d’euros récoltés, au-delà de son estimation haute (6 M€), mais son score est inférieur à celui de décembre 2017 (9,5 M€), où elle avait vendu un vase « Cent daims » en porcelaine 4,1 millions d’euros. En tout, la maison de ventes a adjugé 141 lots sur les 204 proposés (69 %) avec pour clou de la vacation, un Thangka tibétain représentant le mandala de Vajravarahi, XIIIe siècle, adjugé 607 500 euros. Issue de la collection Lionel et Danielle Fournier, celle-ci a totalisé 3,5 millions d’euros en 74 lots. Tendance générale, de nombreux lots ont pulvérisé leurs prix de départ grâce à des estimations très raisonnables dans la plupart des cas chez les uns et les autres. Chez Christie’s, un repose pinceaux chinois en jade, dynastie Qing, s’est envolé à 487 500 euros contre une estimation de 80 000 à 120 000 euros. Même constat pour une statue de Hevajra en argent incrusté d’or, Tibet, XVe siècle, adjugée 439 500 euros, avec la même estimation de départ.

Sotheby’s en petite forme

Chez Sotheby’s, c’est également un Thangka tibétain représentant l’abbé du temple de Ngor, vers 1704, qui a remporté la plus forte enchère. Estimé 30 000 à 50 000 euros, il est parti à 525 000 euros, en raison notamment de son histoire : le monastère de Ngor, fondé en 1429, est l’un de ceux qui ont propagé le bouddhisme au Tibet. Cet immense complexe a été détruit dans les années 1960 par les Chinois. En tout, la maison de ventes a récolté 3,2 millions d’euros, dans la fourchette de son estimation (2,3 à 3,30 M€), soit un résultat en baisse de plus de 30 % par rapport à l’an passé. Pas étrangère à ce fléchissement, une paire de bols impériaux en porcelaine à décor aux émaux de la famille verte, époque Kangxi, est restée sur le carreau (est. 450 000 à 550000 €). « Le vendeur a été trop gourmand. Nous voulions les estimer à 150 000 euros, mais il ne nous a pas écoutés. C’est important de savoir appâter les collectionneurs », a commenté Olivier Valmier. En revanche, grâce au vase chinois vendu en juin dernier 16 millions d’euros, la maison de ventes atteint le résultat historique de 35 millions pour la spécialité en 2018. Du côté d’Artcurial, 1,3 million d’euros ont été récoltés (est. 625 700 €), contre 1,2 million l’an passé. Plus haute enchère de la vacation, un vase en forme de buffle en pierre dure, Chine, début XXe, a multiplié près de 300 fois son estimation haute (400 €) pour atteindre 117 000 euros. Quant à Tajan, l’opérateur a totalisé 888 507 euros, plus du double de l’an passé avec entre autres, la vente d’une statuette de Tara en bronze doré, Chine, période Qianlong, à 65 000 euros (est. 12 000 à 18 000 €).

(1) Hormis les estimations, tous les prix sont indiqués frais acheteurs inclus. (2) Hors Pot de fleurs ou Pivoines, vers 1930, de Sanyu adjugé 8,8 millions d’euros chez Aguttes le 18 décembre 2017.

L’art asiatique se maintient à Drouot  

Ventes. En décembre dernier dans l’hôtel des ventes parisien, pas moins de dix vacations spécialisées et cinq sections consacrées à l’Asie inclues dans des ventes généralistes, étaient organisées. En tout, ce sont 10,5 millions d’euros qui ont été récoltés, légèrement en deçà de l’an passé qui avait totalisé 11,2 millions d’euros (20 millions si l’on inclut le Sanyu). En décembre 2017, c’est une statue de Guanyin, Chine, dynastie Song, (2,4 M€) vendue chez Leclère qui avait marqué la saison cette année, la plus forte enchère enregistrée au cours de cette session revient à une Tête de dragon en bronze à patine brune, Indochine, XIXe siècle, adjugée 3 millions d’euros chez Tessier Sarrou (est. 20 000 €) [voir illustration]. Ce lot est également le deuxième plus cher vendu dans l’enceinte de l’hôtel parisien en 2018. « Les ventes à Drouot ce sont très bien passées, avec plusieurs surprises. Les objets phares se sont très bien vendus, dépassant leurs estimations », souligne Pierre Ansas, expert, avant d’ajouter « que les acheteurs chinois sélectionnent davantage, d’autant plus qu’ils ont moins de liquidités du fait de la difficulté des sorties de capitaux en Chine. Forcément, ces contraintes financières pèsent sur le marché ». Malheureusement, un problème persiste à Drouot : « Beaucoup de faux y circulent et les sélections laissent parfois à désirer. Tout le monde voulait sa part du gâteau, pensant que c’était le nouvel eldorado et cela a abouti à des abus, avec trop de pièces », a pointé du doigt un connaisseur du marché. « Mais cela concerne les petits prix. De plus, ce marché des faux commence à être dissuasif», a rétorqué Pierre Ansas.

Marie Potard

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°514 du 4 janvier 2019, avec le titre suivant : Arts d’Asie, le marché se tasse

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