Art moderne

Roussel, le Nabi oublié

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 5 juillet 2011 - 733 mots

PONT-AVEN

Proche de Bonnard et de Vuillard, Ker-Xavier Roussel a navigué entre synthétisme et classicisme. Le Musée des beaux-arts de Pont-Aven réhabilite ce peintre qui avait sombré dans l’oubli.

Comme chaque été, le petit Musée des beaux-arts de Pont-Aven (Finistère) consacre ses cimaises aux artistes « nabis », les « prophètes » de la modernité, qui ont fait la notoriété de la ville. Cette année, c’est Ker-Xavier Roussel (1867-1944) qui en a les honneurs. Depuis 1994, aucune exposition n’avait été consacrée à ce peintre encore largement méconnu. Camarade d’Édouard Vuillard et de Pierre Bonnard, Roussel n’a jamais véritablement fréquenté Pont-Aven. Mais il a adhéré au mouvement né de la rencontre, sur le site du Bois d’amour, de Paul Sérusier et Paul Gauguin autour d’un concept pictural associant couleurs et aplats : le « synthétisme ».

S’il a exposé dès 1891 avec les Nabis, Roussel n’est pourtant pas celui qui a le plus séduit les musées. Preuve en est : la plupart des œuvres réunies dans l’exposition sont encore en mains privées. L’exposition de Pont-Aven retrace donc le parcours pictural de ce fils de médecin, formé à l’école des beaux-arts de Paris, chez William Bouguereau, et à l’Académie Julian. Quelques natures mortes classiques illustrent ce qui reste de ses œuvres de jeunesse, dont la plupart pourraient avoir été détruites par l’artiste. S’en suit une fulgurance synthétique, notamment dans le registre des petits formats, comme en témoignent Le Pêcheur (vers 1890-91, collection particulière), Les Deux Âges de la vie (vers 1892, collection Winter) ou encore des sujets originaux, tel La Traite de la chèvre (1893, collection particulière). Mais, comme tous ses camarades de l’aventure de cette brève avant-garde, Roussel a vécu un « après » difficile. Quand Maurice Denis a versé dans les bondieuseries et Paul Ranson dans le mysticisme, lui s’est attaché à figurer une nature élégiaque emplie de faunes et de nymphes aux canons rubéniens, dans une palette aux couleurs souvent criardes. Au cours de cette période où il privilégie les décors mythologiques, conçus souvent dans le cadre de grandes commandes pour les théâtres parisiens, Roussel n’hésite pas à puiser ses références dans l’œuvre de Poussin. Le tout mâtiné d’une exubérance qui semble aussi constituer un reniement de la leçon du synthétisme. 

Cette exposition monographique du Musée de Pont-Aven – avant le Musée d’Orsay qui lui consacrera prochainement ses salles –, constitue donc un pari. Car en tentant de réhabiliter le peintre, elle présente aussi toute la diversité de son travail. Quitte à ne pas plaire. « Roussel est un artiste inqualifiable, ce qui lui a fait du tort. Il est un anti-pompier », reconnaît Jacques Roussel, l’un de ses arrière-petits-fils, qui œuvre aujourd’hui, avec d’autres membres de la famille, à la reconnaissance de son travail. Car le déficit de notoriété du peintre est aussi lié à son histoire et à sa proximité avec Vuillard, qui devint son beau-frère – leurs archives sont encore mêlées –, auquel la famille s’est d’abord consacrée. Aux dépens de Roussel, dont l’heure semble désormais venue. 

Un trop grand musée pour un petite ville ?

Objectif : collecter 2 millions d’euros de mécénat pour boucler le tour de table du financement, sur un total de 8 millions d’euros (hors taxes). Éligible au plan « musées en région » – ce qui signifie que l’État assumera 30 % du coût global de l’opération –, le projet de recréation du musée de Pont-Aven, prévu pour 2014, est désormais entré dans une phase active. Début juin, les architectes de l’Atelier de l’île, à Brest, ont été sélectionnés pour transformer l’ancien hôtel de Ville, qui a un temps accueilli une annexe de l’Hôtel Julia où étaient logés les peintres en villégiature, en un nouveau musée. Si les façades sont conservées, les volumes intérieurs seront intégralement retravaillés. Une interrogation demeure toutefois sur le coût du fonctionnement de l’établissement qui, après rénovation, avoisinera 1 million d’euros. Une somme trop importante pour une commune de 3 000 habitants, comme le reconnaît sa maire, Isabelle Biseau. Qui espère une prise en charge par la Communauté de communes de Concarneau, en associant le Musée des beaux-arts de Pont-Aven avec le Musée de la pêche au sein d’une structure commune.

Ker Xavier Roussel (1867-1944), Le « Nabi Bucolique »

Jusqu’au 2 octobre, Musée des beaux-arts, place de l’Hôtel de Ville, 29930 Pont-Aven, tél. 02 98 06 14 43, tlj 10h-19h, www.museepontaven.fr. Catalogue, éd. Somogy, 175 p, 29 euros., ISBN 978-2-7572-0466-5.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°351 du 8 juillet 2011, avec le titre suivant : Roussel, le Nabi oublié

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