États-Unis

Au secours du MoCA

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 6 janvier 2009 - 892 mots

Après des mois d’incertitudes, le Museum of Contemporary Art (MOCA) de Los Angeles accepte l’aide du collectionneur Eli Broad. En parvenant à lever 15 millions de dollars (11 millions d’euros) par ses propres moyens, le musée californien a décroché les 30 millions promis par le mécène. Un sauvetage providentiel qui s’est soldé par la démission du directeur Jeremy Strick.

LOS ANGELES - Le philanthrope milliardaire et collectionneur d’art contemporain Eli Broad vient de voler au secours du Musée d’art contemporain de Los Angeles (MOCA), actuellement en pleine débâcle financière. Le 23 décembre 2008, le conseil d’administration du musée californien a annoncé son intention d’accepter la proposition du mécène pour renflouer ses caisses désespérément vides, écartant par la même occasion l’offre de fusion avec le Los Angeles County Museum of Art (Lacma). Célébré pour la qualité de sa programmation et la pertinence de sa politique d’acquisition, le directeur du MOCA, Jeremy Strick, a donné sa démission.

Le 21 novembre, Eli Broad signait un article dans le quotidien Los Angeles Times dans lequel il proposait un plan de sauvetage au musée dont les déboires étaient un secret de polichinelle. Depuis plusieurs années, devant l’insuffisance des fonds récoltés auprès de mécènes, le MOCA s’était vu forcé de puiser dans son endowment [fonds de dotation] pour couvrir ses coûts de fonctionnement, provoquant la chute de son portefeuille de 20 millions de dollars en juin 2007 à environ 7 millions aujourd’hui. Jeremy Strick avait annoncé qu’il réduirait de 10 % les 21 millions de dollars du budget 2008, et qu’il fermerait de janvier à juin 2009 le Geffen Contemporary, l’un des deux principaux édifices du musée. Mais ces mesures, aussi drastiques fussent-elles, n’étaient que des pis-aller, et le musée avait commencé à prospecter au niveau local.

Le coprésident du conseil d’administration, Tom Unterman, et l’un de ses administrateurs, Jane Nathanson, avaient même confié qu’ils n’excluraient pas la possibilité de vendre certaines œuvres de la collection, si la situation empirait.

Car, en dépit de ce naufrage financier, le MOCA possède la plus prestigieuse collection d’art contemporain de la Côte ouest. Un fonds qui, sous l’impulsion de Jeremy Strick, a été augmenté de 50 % ces dix dernières années et à côté duquel la collection d’Eli Broad fait presque pâle figure. Alors que le conseil d’administration du musée étudiait la proposition du mécène, qui n’était pas sans inspirer une grande méfiance à certains, surgissait une offre concurrente provenant du Lacma.

À la mi-décembre, le musée du comté de Los Angeles proposait publiquement au MOCA de fusionner, dans des termes si flous que l’indépendance du musée en difficulté n’était pas assurée : un seul conseil d’administration, la mise à disposition de deux pavillons du Lacma (dont le Broad Contemporary Art Museum !) pour y présenter la collection permanente et des expositions temporaires, et enfin, l’instauration d’une « puissante équipe de direction et de gestion déjà en place ». Le directeur du Lacma, Michael Govan, a beau s’être défendu de vouloir phagocyter le MOCA, l’inféodation du jeune musée d’art contemporain, apprécié pour son énergie et son esprit singulier, au mastodonte académique et généraliste en a effrayé plus d’un.

Défi
C’est donc sans surprise que le conseil d’administration du MOCA s’est largement déterminé en faveur de la proposition d’Eli Broad, l’un des administrateurs fondateurs de l’institution dont il est demeuré un membre émérite, sans pour autant détenir de droit de vote. Une offre sous forme de défi : si le musée parvient à lever 15 millions de dollars par ses propres moyens, Eli Broad s’engage à lui verser les 15 millions correspondant au profit de son endowment, un cadeau auquel s’ajoute le versement annuel de 3 millions de dollars pendant cinq ans, soit 15 autres millions supplémentaires destinés à financer le programme d’expositions.

À ce jour, le conseil du MOCA a déjà réuni près de 23 millions de dollars en promesses de dons. Une vaste campagne de levée de fonds baptisée « MOCA NOW » entend récolter le différentiel pour atteindre un total de 75 millions de dollars. Les administrateurs ont également accepté la démission de Jeremy Strick, et nommé Charles Young au poste de directeur général pour une période indéterminée, le temps de consolider la santé financière du musée avant de passer le relais à un directeur de profil muséal. Charles Young est secondé par un comité de conseillers constitué de : John R. Lane, directeur émérite du Dallas Museum of Art ; Joel Wachs, président de la Warhol Foundation ; John Walsh, directeur émérite du Musée Getty, et du conseiller financier Gary Cypress, époux de l’administratrice Kathi Cypress.

Le conservateur en chef, Paul Schimmel, assurera la programmation. Le musée doit par ailleurs s’engager à fonctionner avec un budget annuel compris entre 13 et 16 millions de dollars, se conformer à l’inaliénabilité de ses œuvres, et accepter d’exposer à grande échelle ses collections.
Le départ de Jeremy Strick est d’autant plus regrettable qu’il est le seul à subir le couperet de Broad – Tom Unterman, coprésident du conseil d’administration et premier responsable du comité des finances, reste en place.

On sait aujourd’hui que le directeur s’est mordu les doigts d’avoir recruté un contingent aussi élevé d’administrateurs, à l’origine d’une paralysie sur les plans décisionnaire et gestionnaire. Déjà fort de trente et un membres, le conseil d’administration doit pourtant accueillir de nouvelles recrues. L’arrivée du maire de Los Angeles est largement pressentie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : Au secours du MoCA

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