Vandalisme

Irak, les sites archéologiques pillés

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2003 - 560 mots

Malgré un accès difficile, une première estimation des dommages causés sur les sites archéologiques irakiens vient d’être établie par une équipe de spécialistes de la US National Geographic Society. Le JdA a pu se procurer une copie de ce rapport, que publiera en octobre National Geographic.

LONDRES - Si le pillage du Musée national archéologique de Bagdad a bénéficié d’une couverture médiatique internationale, il en est tout autrement des exactions perpétrées sur les sites archéologiques d’Irak. Le 21 mai, après avoir survolé plusieurs sites cruciaux en hélicoptère sous protection américaine, le professeur McGuire Gibson – membre de l’équipe de spécialistes de la US National Geographic Society, menée par Henry Wright, de l’université de Michigan –, a pu constater que d’importants pillages avaient eu lieu au sud du pays. D’après l’archéologue, les villages sumériens du IIIe millénaire avant J.-C., Umma, Isin et Adab, situés au nord-est de Nassiriya, ont subi l’assaut de plusieurs centaines de pillards, et ce dans l’indifférence générale.
À Umma, il a pu observer deux cents pillards à l’ouvrage : “Les soldats de l’hélicoptère se sont dirigés vers les malfrats, tirant en l’air. Ces derniers se sont mis à courir.”
“Nous faisions face à un paysage dévasté, a poursuivi le professeur Gibson. Dans chaque direction, il y avait des traces d’excavations récentes. Les pillards sont réapparus et, beaucoup d’entre eux étant armés, nous sommes retournés à l’hélicoptère et sommes partis.” À Isin, il a vu entre deux cents et trois cents pillards : “Nous leur avons dit que c’était interdit, et les soldats ont tiré au-dessus de leurs têtes pour presser leur départ.” Bien que l’hélicoptère n’ait pas atterri à Adab, un survol a permis à l’équipe d’observer plus de deux cents hommes, avec quatre véhicules, s’activant autour du village antique.
Si ces observations alarmantes témoignent de l’absence d’équipes de surveillance, nombre de sites d’importance ne semblent pas avoir souffert de pillages systématiques, en dépit de quelques incidents isolés. Ashur serait intact, et le site actuel de Babylone ne présente que des dommages minimes, malgré les pertes sérieuses entraînées par le pillage et l’incendie du musée. Hatra déplore la perte d’une importante tête sculptée d’une femme ; deux bas-reliefs de grande valeur ont été subtilisés de Nimroud, tandis qu’Ur aurait été relativement épargnée.
D’après le rapport de la National Geographic Society, il apparaît que, si les sites ont relativement peu souffert des combats récents, les années de négligences et de pillages ne les ont pas ménagés. Il est cependant important de rappeler la brièveté des visites de l’équipe américaine et la nécessité d’un rapport plus détaillé, ce avec la participation des experts en antiquités irakiennes.
Aussi longtemps que l’ordre ne sera pas rétabli dans le pays, le problème des pillages se poursuivra. Pietro Cordone, le conseiller officiel de la culture pour l’administration de la coalition, admet que “beaucoup de sites archéologiques à travers le pays ont été pillés”, ce que corroborent les officiels irakiens. “Presque tous les sites sont touchés”, nous a confié Tofiq Abed Muhammad, directeur des Antiquités pour la province de Samawa, dans le sud du pays. La National Geographic Society demande un nombre plus élevé de patrouilles, la présence permanente de gardes américains sur les sites les plus importants, ainsi que le soutien au système irakien de protection par son armement et un renforcement de ses équipes.

Pour une liste complète des sites : www.nationalgeographic.com/iraq

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°174 du 27 juin 2003, avec le titre suivant : Irak, les sites archéologiques pillés

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque