Archéologie

Inrap

L’archéologie, c’est maintenant

La ministre de la Culture a annoncé une série de mesures de première importance pour la discipline

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2012 - 933 mots

SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE - À l’occasion des Journées nationales de l’archéologie, organisées le week-end du 22 juin, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, avait choisi de visiter un chantier de fouilles des Bouches-du-Rhône, à Saint-Rémy-de-Provence.

Pour l’un de ses premiers déplacements officiels après les législatives, la ministre adressait ainsi un geste significatif à la communauté des archéologues, dont elle a salué la mission fondamentale de service public. Elle a ensuite fait une série d’annonces de première importance concernant l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui vient de souffler ses dix bougies (lire le JdA no 368, 27 avril 2012). La première mesure concerne la redevance d’archéologie préventive (RAP). Rattachée à la taxe d’aménagement, la RAP est destinée à financer les diagnostics, la recherche archéologique et certaines fouilles pour des aménageurs exonérés ou qui n’en ont pas les moyens (par le biais du Fnap, le fonds national pour l’archéologie préventive).

La réforme de la RAP, lancée en 2010 à la suite d’un rapport de l’Inspection générale des finances, avait fini par passer, à la fin de l’année 2011, mais dans une version atrophiée (lire le JdA no 360, 6 janvier 2012). Dès 2013, son rendement devrait être augmenté de 17 millions d’euros et, ainsi, ramené aux 122 millions initialement prévus par l’article 22 du PLFR (projet de loi de finances rectificative) 2011 – somme arbitrée à l’époque par Matignon mais revue à la baisse à la suite de la fronde de quelques élus locaux. À cet effet, les maisons individuelles (résidences principales et secondaires) seront incluses dans l’assiette de la RAP. Le Fnap devrait également être aménagé de manière à obtenir une répartition plus équitable des subventions. Certaines catégories d’aménageurs pourraient ainsi en être exclues à la faveur d’autres plus nécessiteuses, telles les petites communes, qui ne peuvent assumer un riche patrimoine archéologique. Ces mesures sont destinées, comme l’a souligné la ministre, à « soulager » l’institution qui s’autofinance déjà à hauteur de 60 % grâce au principe de l’aménageur-payeur, et dont le budget annuel s’élève à 168,8 millions d’euros. S’il n’a pas été prévu d’augmenter les effectifs de l’Inrap (l’institution compte à ce jour à peine plus de 2 000 équivalents temps-plein), la Rue de Valois doit se pencher sur la délicate question des CDD, qui pourraient être transformés en CDI au terme d’une étude portant sur les besoins de chaque région.

Onde de choc
Mais c’est en remettant sur le tapis la question du monopole de l’Inrap pour réaliser les fouilles de sauvetage – monopole prévu par la loi de 2001 puis enterré par celle de 2003 –, que la ministre a provoqué une véritable onde de choc, rompant définitivement avec ses prédécesseurs de la Rue de Valois. La loi de 2003 ouvrait la discipline aux services des collectivités territoriales mais aussi aux opérateurs privés – rappelons que les opérations préventives représentent plus de 90 % des fouilles réalisées en France. S’il paraissait logique d’inclure les archéologues des collectivités dans les missions de sauvetage, l’ouverture au privé entraînait le risque que les opérations soient réalisées dans le seul but de libérer les terrains, faisant fi des préoccupations scientifiques. La réalité est venu confirmer ces craintes et, si, parmi la quinzaine d’entreprises privées aujourd’hui habilitée à réaliser des fouilles, certaines, comme Archeodunum, sont reconnues pour leur savoir-faire, d’autres se sont illustrées par leur incompétence. On se souvient ainsi de la villa gallo-romaine de La Garanne (Bouches-du-Rhône), massacrée par un opérateur privé mandaté par le SRA de Provence-Alpes-Côte d’Azur (lire le JdA no 325, 14 mai 2010).

Le monopole, la question du système d’évaluation des services, feront partie des nombreuses questions abordées à partir de l’automne par une commission prochainement nommée par la ministre. Composée de tous les acteurs concernés, celle-ci sera chargée de plancher sur « l’évaluation scientifique, économique et sociale » de la discipline afin de remettre, au printemps prochain, un « livre blanc de l’archéologie préventive ». Un document sur lequel s’appuiera le ministère pour d’éventuelles modifications de la loi 2003. Soulignant le caractère éminemment scientifique de l’archéologie, la ministre a, enfin, annoncé, pour les 21 et 22 novembre prochains, la tenue des premières « rencontres de l’archéologie préventive », permettant de faire un bilan des découvertes réalisées depuis 2007 et de diffuser les connaissances acquises. Ces initiatives confortent l’Inrap dans ses missions premières et rappellent que la Rue de Valois est aussi le ministère de l’Archéologie. Le prochain directeur général des Patrimoines, dont la nomination est imminente, devra y porter un regard attentif.

Les moissons archéologiques de l’été

Menée sur près de deux hectares par une vingtaine d’archéologues de l’Inrap, la fouille préventive en cours à Saint-Rémy-de-Provence, dans le cadre de l’aménagement de la ZAC d’Ussol, a révélé le plan de bâtiments d’une grande villa gallo-romaine, datée entre le IIe et le IVe siècle. Les archéologues ont mis au jour, comme l’a expliqué le responsable scientifique du chantier, Philippe Mellinand, les restes d’un « exceptionnel » système de chauffage par le sol, des bassins et espaces témoignant par ailleurs de l’existence d’anciens thermes ainsi que les traces d’un vignoble. Divers éléments de décors, enduits peints et placages de marbre, confirment le caractère luxueux du domaine où a également été découvert un mausolée, arasé au VIe siècle, peut-être celui dédié au propriétaire des lieux. Les fouilles doivent s’achever en octobre. Autre chantier en cours : la fouille du port antique d’Antibes (Alpes-Maritimes), menée à l’occasion de la construction d’un parking sous-terrain, a révélé l’épave d’un navire romain conservé sur près de 14 mètres de long. En cours de dégagement, il s’agit probablement d’un navire marchand datant du IIe ou IIIe siècle.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : L’archéologie, c’est maintenant

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