Politique culturelle

Budget 2013

La Culture du résultat

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2012 - 808 mots

Les objectifs et indicateurs de performances qui accompagnent le budget révèlent une lecture différente des priorités réelles de la nouvelle équipe.

PARIS - On ne le sait pas toujours : depuis la mise en place en 2006 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), chaque ministère doit accompagner son projet de budget d’une batterie d’objectifs et d’indicateurs. Il s’agit de permettre aux parlementaires qui vont voter les textes de mieux comprendre les priorités budgétaires du gouvernement. Il s’agit aussi de substituer une logique de résultat à une logique de dépense. « Objectifs », « résultats », « indicateurs »…, autant de termes qui hérissent le poil des acteurs culturels, raison pour laquelle le ministère de la Culture, moins que les autres, aime à communiquer sur ses engagements.

La Culture dans le projet de loi de finances 2013 n’a pas échappé à cette règle. Première constatation : sur les 16 objectifs et 47 indicateurs qui encadrent les trois programmes de la Culture, seuls deux objectifs sont nouveaux (en réalité un seul, car le second, très technique, s’impose à tous les ministères). Bien que la nouvelle équipe n’ait disposé que de très peu de temps pour bâtir son budget, un seul nouvel objectif, c’est un peu court quand on revendique le changement. Ce nouvel objectif concerne l’archéologie préventive, pour laquelle le ministère « s’engage à maintenir un taux de prescription de diagnostics et de fouille préventives adéquat qui permette de garantir une réduction très significative du risque de découvertes fortuites ». Mais curieusement, alors qu’en 2011 la proportion des dossiers d’aménagement reçus faisant l’objet d’un arrêté de prescription de diagnostic était de 8,39 %, le ministère s’engage à ce que ce taux… baisse de 6 % à 8 %. Comprenne qui peut. Pour mémoire, les crédits de paiement du patrimoine archéologique baissent de 24 % par rapport la loi de finances initiale pour l’année 2012.

En réalité, si seul un petit nombre d’objectifs ont été modifiés, c’est en raison d’un consensus droite-gauche sur les priorités. Qui peut contester l’objectif no 2 du programme « Patrimoines » : « accroître l’accès du public au patrimoine national » ? Frédéric Mitterrand et Aurélie Filippetti, l’ancien et le nouveau ministre de la Culture, se retrouvent ainsi pour maintenir le taux d’ouverture de salles des musées (95 %), ou augmenter la part des visiteurs âgés de moins de 18 ans (17,5 %). C’est à peine si l’on remarque que lorsque le premier voulait diminuer le coût au mètre carré de la surveillance des salles des musées nationaux pour le porter à 275 euros, la seconde veut le maintenir à son niveau actuel de 280 euros. La ministre a tenu aussi à introduire le Web 2.0 dans les archives publiques et à doubler le pourcentage de services offrant des services de Web collaboratif.

Score de recommandation
Si les objectifs et indicateurs du programme « Patrimoines » permettent de mesurer assez bien l’efficacité des programmes, à l’instar du « score de recommandation » des musées, un indicateur de satisfaction client utilisé par les grandes entreprises, la culture du résultat imprègne encore peu le programme « Création ». Il existe bien un indicateur sur la « part des artistes bénéficiant pour la première fois de commandes ou d’acquisition », un taux fixé à 45 % (ce qui veut dire que 55 % des artistes vont bénéficier en 2013 d’une deuxième voire d’une troisième commande), mais aucun indicateur ne mesure par exemple le rayonnement des artistes français à l’étranger. Pour prendre une analogie mécanique, le tableau de bord de la Création indique le carburant dans le réservoir, non la vitesse du véhicule ou les kilomètres parcourus.

Cette logique du résultat traverse à l’inverse fortement le programme un peu fourre-tout « 224 », ceci du taux d’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur relevant de la Culture (80 % pour les 60 % de répondants) au pourcentage de jeunes ayant bénéficié d’une action d’éducation artistique et culturelle (EAC). Considérée comme une priorité du candidat Hollande, l’EAC se voit pourtant assigner des objectifs limités par le ministère Filippetti. Alors que le taux de jeunes bénéficiaires est passé sous l’ère Mitterrand de 19,7 % en 2010 à 22,4 % en 2011, la Rue de Valois vise seulement un taux de 23 % en 2013. Il est vrai que, malgré la mise en place d’un plan spécifique EAC doté de 2,5 millions d’euros en 2013, le budget alloué à l’action no 2 « Soutien à la démocratisation et l’ECA » est en recul de 10 % par rapport à 2012.

Tous les services et programmes ne sont cependant pas logés à la même enseigne. Les budgets alloués à l’administration centrale étant « sanctuarisés », les coûts de fonctionnement par personnel vont rester stables à 9 500 euros, là où l’équipe précédente ciblait un coût unitaire de 9 000 euros.

Légende photo

Chantier de fouilles de l'INRAP (fév-jul.2008) dans le XVe arrondissement de Paris - © Photo Félix Potuit - 2008

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°377 du 19 octobre 2012, avec le titre suivant : La Culture du résultat

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