Politique

La LCAP et l’archéologie préventive : l’art du compromis

Par Francine Guillou · lejournaldesarts.fr

Le 10 octobre 2016 - 813 mots

PARIS [10.10.16] – Lors des débats parlementaires, les deux chambres se sont longtemps opposées sur les périmètres d’action des différents acteurs de l’archéologie. Les articles 70 et 71 sont le résultat de compromis pour rééquilibrer le paysage de l’archéologie française.

Parmi les sujets de la loi Liberté de Création, Architecture et Patrimoine (LCAP), la réforme de l’archéologie préventive a représenté une des principales pommes de discorde entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Le texte final (articles 70 et 71) est une prouesse d’équilibrisme pour réguler et encadrer l’archéologie, tout en maintenant l’Etat dans son rôle de contrôle, et en comblant les failles introduites par le loi de 2003 et l’ouverture à la concurrence entre l’Inrap, les services territoriaux et les opérateurs privés.

La propriété de l’Etat renforcée
La LCAP modifie significativement la notion de propriété des biens archéologiques. Fini le partage des biens mobiliers archéologiques entre le propriétaire du sol et l’inventeur (le découvreur) qui datait de 1941 et relevait d’un droit multiple et d’une jurisprudence complexe. Dorénavant, l’Etat est présumé propriétaire des biens archéologiques mobiliers ou immobiliers dès le jour de leur découverte dans le cadre de fouilles préventives. Au cours d’une découverte fortuite, les biens mobiliers sont présumés appartenir à l’Etat à compter de la reconnaissance de « l’intérêt scientifique de leur conservation ». Dans cette hypothèse, les services de l’Etat ont 5 ans pour reconnaître la valeur des biens et procéder à leur appropriation publique. Un système d’indemnisation est prévu, à l’amiable ou par le truchement d’un juge.

Longuement débattu par les parlementaires, le risque de voir disparaître illégalement le résultat des fouilles au profit d’un marché illicite a été balayé par la volonté des professionnels de garantir la non-dispersion des ensembles mobiliers encore présents dans le sol.

Les archéologues territoriaux encadrés
Le périmètre des compétences des archéologues territoriaux a été délimité après une âpre bataille. Les députés voulaient limiter leurs interventions au niveau de leurs collectivités de référence, tandis que les sénateurs prônaient une logique de mutualisation des services et défendaient le principe préexistant de l’appel d’offres au niveau national.

Sur ce point, le compromis trouvé en commission mixte paritaire autorise dorénavant aux archéologues des services territoriaux à intervenir au niveau de leur région de rattachement, et permet des dérogations préfectorales pour les régions limitrophes.

Si les archéologues territoriaux se retrouvent limités au niveau géographique, la LCAP leur offre cependant une nouvelle légitimité en transformant leur régime sous « agrément » d’une durée de 5 ans en « habilitation » sans limitation de temps, tandis que les opérateurs privés restent sous le régime de l’agrément.

L’Etat chargé du contrôle scientifique des fouilles
Un temps évoqué, l’Etat ne sera pas chargé de la « maîtrise d’ouvrage scientifique » mais de la « maîtrise scientifique » des fouilles. La maîtrise d’ouvrage scientifique de l’Etat, voulue par les députés, avait été retoquée en deuxième lecture au Sénat, opposant les partisans d’une « recentralisation » à ceux d’une simple régulation.

L’aménageur seul reste maître d’ouvrage, dans la continuité de la loi de 2003. La LCAP introduit toutefois un contrôle par l’Etat, chargé de veiller « à la cohérence et au bon fonctionnement du service public de l’archéologie préventive dans sa dimension scientifique, ainsi que dans ses dimensions économique et financière ».

Concrètement, l’aménageur devra adresser, avant le choix de l’opérateur (Inrap, territoriaux ou opérateur privé), l’ensemble des offres recevables au titre de la consultation. Cette nouvelle procédure est censée couper court à la propension des aménageurs de choisir les offres les « moins-disantes » financièrement au détriment de la qualité scientifique des opérations de fouilles. Cette consultation devrait également permettre une diminution des litiges et contentieux issus d’appels d’offres mal encadrés.

La surprise du Crédit impôt-recherche
Le Crédit impôt-recherche (CIR) était un point de divergence entre opérateurs publics et privés de l’archéologie, seuls les opérateurs privés pouvant en bénéficier. Le CIR était accusé de soutenir artificiellement le « dumping » dans le secteur de l’archéologie, ouvert à la concurrence en 2003. Les activités archéologiques devaient être exclues du CIR en première et deuxième lecture. Après une longue discussion entre parlementaires et ministères de tutelle (finances, budget et enseignement supérieur et recherche), il a été décidé que l’attribution du CIR n’aboutissait pas à de la concurrence déloyale. En CMP, le ministre du Budget a même assuré que l’Inrap pouvait en bénéficier.

Mais le débat reste ouvert concernant les services archéologiques des collectivités territoriales, certains parlementaires souhaitant qu’ils puissent en bénéficier. Cela ne pourra de toute façon concerner que les services qui ne sont pas en régie directe.

Enfin, un des derniers monopoles de l’Inrap est tombé : les fouilles sous-marines et subaquatiques sont dorénavant ouvertes à la concurrence. Mesure symbolique au vu du nombre de fouilles concernées et des moyens qu’elles supposent. Les syndicats se sont cependant émus de cette ouverture, en s’inquiétant de la sécurité des archéologues-plongeurs en dehors du cadre de l’Inrap.

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Archéologue dégageant le sol en opus spicatum sur la commune de Taden (Côtes-d'Armor) © H. Paitier/Inrap

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