Antiquité - Histoire

Redécouvrir les Étrusques à Nîmes

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 17 mai 2022 - 752 mots

NîMES

Le Musée de la romanité offre de réviser l’histoire de cette civilisation méconnue, dans une version adaptée au contexte scientifique local.

Nîmes (Gard). Lorsqu’on pense aux Étrusques, on imagine d’étranges tumulus retrouvés en Toscane, ou les vestiges de Tarquinia dans le Latium. On envisage moins facilement que ce peuple, contemporain des Latins avant que ceux-ci ne fassent de Rome un empire, étendait sa marque jusqu’à la Provence, et même au-delà des Pyrénées, sur les côtes espagnoles. Avec l’exposition « Étrusques, une civilisation de la Méditerranée », le Musée de la romanité sort l’Étrurie de son image d’isolat étrange, perdu au milieu de la péninsule italienne, pour la replacer parmi les trois civilisations majeures qui dominèrent, pendant quelques siècles, le bassin méditerranéen.

Passés par le Musée archéologique d’Alicante (Espagne) en fin d’année dernière, les 140 objets de cette exposition – venus pour la plupart du Musée archéologique de Florence ainsi que du Musée Guarnacci à Volterra (Italie) – font étape à Nîmes, huit ans après la dernière exposition consacrée au sujet en France, dans les murs du Louvre-Lens. Ajusté au Musée de la romanité, le parcours proposé est un peu plus qu’une exposition « clés en main » sur ce peuple encore mal identifié par le public français.

Une puissance commerciale

Le musée nîmois puise dans les découvertes archéologiques provençales pour ouvrir ce parcours. Il faut se replacer dans le contexte méditerranéen de la période entre le IXe et le Ve siècle avant J.-C., alors que le bassin bénéficie des échanges commerciaux entre les cités grecques, celles du Levant phénicien et les villes étrusques. Cartes et objets issus de fouilles à l’appui, l’exposition introduit la civilisation étrusque comme une puissance commerciale majeure, en expansion vers la fin du VIIe siècle avant notre ère. Sur l’oppidum de Saint-Blaise, près de l’étang de Berre, les céramiques retrouvées, typiques de la production étrusque, révèlent la fondation d’un comptoir commercial sur les côtes du sud de la Gaule.

Au large, c’est l’épave du Grand Ribaud, retrouvée près de l’île de Porquerolles (Var), qui témoigne de l’intense activité commerciale des Étrusques dans la région. Une partie de la cargaison est présentée derrière les vitrines nîmoises, notamment de l’étain conditionné sous la forme de plaques : l’exploitation du minerai est l’un des moteurs de l’économie des cités étrusques, et explique leur expansion jusqu’aux côtes ibères. La fondation de Massalia par la cité grecque de Phocée, vers 600 avant notre ère, vient perturber durablement cet équilibre. Mais le site de Lattes, près de Montpellier, a récemment livré de nouvelles informations sur une implantation étrusque continue, planifiée à partir du début du Ve siècle avant notre ère… La recherche sur la nature des échanges et des implantations étrusques dans la région reste un domaine à explorer.

Après avoir dressé la nécessaire toile des équilibres géo-commerciaux, l’exposition décline les thèmes classiques attachés à cette civilisation dans une scénographie claire et rigoureuse. À l’instar de la Grèce antique, l’Étrurie est composée de douze cités indépendantes, qui partagent une culture, une langue et des rites : cette dodécapole court, à son apogée, de la Campanie aux côtes adriatiques du Frioul. Ce sont donc les marqueurs culturels partagés entre ces douze entités indépendantes, réunies en une alliance plus religieuse que politique, que présente l’exposition. Avec un accent mis sur les cultes, qui forment la colonne vertébrale de cette société.

Rituels divinatoires

Projetée au sol, l’image d’une pierre taillée représentant un foie d’animal détaille comme une carte routière les diverses interprétations que l’haruspice (prêtre divinatoire) peut tirer de l’organe. Ce dispositif numérique permet de saisir l’importance accordée par les Étrusques à la lecture des entrailles et autres signaux envoyés par les dieux, qui orientent chacune des décisions. Les curieuses sépultures anthropomorphes en forme de vase, déposées sur des trônes, montrent, elles, la prégnance de l’au-delà dans la constitution de cette culture, et la singularité des rites funéraires étrusques dans le bassin méditerranéen : on en trouve de magnifiques exemples au Musée de la romanité.

La place des femmes dans la société étrusque détonne également par rapport au patriarcat romain – sujet de la précédente exposition du Musée de la romanité – ou à celui de la Grèce antique. Les femmes participent par exemple aux banquets, moment central de la sociabilité étrusque. Des différences flagrantes existent donc bien entre ces diverses civilisations, mais la fin du parcours rappelle l’assimilation progressive des douze cités indépendantes au sein de la République romaine. Dans un ajout à l’exposition d’Alicante, ajout indispensable dans un musée consacré à la romanité, on découvre ainsi les emprunts romains à la culture étrusque, religieux et symboliques.

Étrusques, une civilisation de la Méditerranée,
jusqu’au 23 octobre, Musée de la romanité, 16, bd des Arènes, 30900 Nîmes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°589 du 13 mai 2022, avec le titre suivant : Redécouvrir les Étrusques à Nîmes

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