Art contemporain

Saint-Paul-de-Vence

Christo ou le bon usage du baril

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2016 - 644 mots

À la Fondation Maeght est réalisé pour la première fois un projet de Christo imaginé en 1967. L’occasion de revenir sur l’usage récurrent du pot de peinture et du bidon chez l'artiste.

C’est un morceau de papier retrouvé dans un dossier qui est à l’origine de l’exposition que la Fondation Maeght consacre cet été à Christo et son épouse Jeanne-Claude (décédée en 2009). Un dessin plus exactement, que l’artiste d’origine bulgare avait griffonné lors de sa venue à Saint-Paul de Vence en 1967, sur lequel était imaginée une installation colorée dont la forme approchait celle du mastaba. Le croquis est resté dans les archives de la fondation pendant près de cinquante ans, jusqu’à ce qu’Olivier Kaeppelin, le directeur des lieux, décide de convier l’artiste à donner vie à cette idée endormie. Christo a toujours assumé l’idée de passer du temps à « développer une œuvre qui pourrait ne pas exister », et n’a eu de cesse durant toute sa carrière de lutter afin d’obtenir les financements et surtout les autorisations nécessaires à la concrétisation de ses projets aussi fous qu’éphémères.

Dans la cour de la fondation, c’est donc cette architecture rêvée qui a été repensée et a soudain pris consistance. La construction dialogue à merveille avec les courbes de l’architecture de Josep Lluís Sert qui semblent lui répondre. Les dimensions en sont imposantes, puisque, haute de 9 mètres elle se déploie sur une base longue de 17 m et large de 9. S’y empilent quelque mille barils en métal coloré qui composent un Mastaba aux surfaces rutilantes sous le soleil, d’autant plus vibrionnantes et dynamiques que, sur deux de ses faces, outre la disposition alternative des teintes, les contenants n’ont pas été alignés, engendrant ainsi des rythmes en surface.

Loin d’être anecdotique dans la pratique de Christo, qui la considère comme « une vraie forme géométrique, plus que la pyramide », ainsi qu’il continue de l’affirmer, la forme du mastaba est très présente dans son œuvre. En attestent les travaux réunis dans la plus grande salle, où de nombreux dessins préparatoires, plans et autres maquettes sont relatifs à cette forme. Parmi ces ceux-ci figure un projet « pharaonique » que l’artiste, fasciné par l’intensité de la lumière qu’il a trouvé en 1977 à Abou Dhabi, tente depuis d’y édifier, et qui serait composé de pas moins de 410 000 barils pour une hauteur de 150 mètres.

Le contenant circulaire
Mais ce que donne surtout à voir cette exposition, c’est l’importance, si ce n’est l’omniprésence des contenants circulaires dans l'œuvre. Sans doute ne sont-ils pas apparus par hasard, son père ayant possédé une usine de produits chimiques en Bulgarie. Mais très tôt Christo s’en empare afin d’élaborer des sculptures exclusivement composées de pots de peinture, bidons ou barils récupérés, qui occupent les plus belles salles du parcours. Assemblés en des compositions simples, ces éléments ont fière allure mais ne masquent pas une fragilité induite par le temps long. Certains sont rouillés, un peu de couleur les anime parfois, d’autres sont emballés, déjà. Nous sommes à la fin des années 1950, le Nouveau Réalisme tel que théorisé par Pierre Restany en 1962 n’existe pas encore, mais déjà Christo use de fragments du réel pour faire œuvre.

Au-delà des sculptures, ces contenants servent à la réalisation d’installations architecturales, parfois monumentales, comme en 1999 dans le gazomètre d’Oberhausen, en Allemagne, où fut édifié un mur de 26 mètres de hauteur. Une projection vidéo, presque à l’échelle, retrace aussi cette intervention fondatrice que fut le mur dressé à Paris dans l’étroite rue Visconti un soir de 1962, et rappelle opportunément que Christo n’est pas qu’un doux rêveur. S’il a toujours refusé d’accoler le terme « politique » à son travail, afin de ne pas instrumentaliser l’art ni composer d’œuvres purement illustratives, certaines de ses interventions s’en chargent pour lui. D’ailleurs, dans une note accompagnant le projet, celui-ci n’était-il pas décrit comme un « rideau de fer » ?

Christo et Jeanne-Claude

Nombre d'œuvres : 81

Christo et Jeanne-Claude

jusqu’au 27 novembre, Fondation Marguerite et Aimé Maeght, 623, chemin des Gardettes, 06570 Saint-Paul-de-Vence, tél. 04 93 32 81 63, www.fondation-maeght.com, tlj 10h-18h, 10h-19h en juillet-août, entrée 15 €. Catalogue à paraître.

Légende Photo :
Christo, Le Mastaba de la Fondation Maeght. © Christo 2016. Photo Wolgang Volz.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Christo ou le bon usage du baril

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