13 bonnes raisons de prendre l’art cet été

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 24 juin 2016 - 2568 mots

Les vacances sont propices aux balades. Dans les jardins paysagés, les forêts
ou sur les murs des villes, L’Œil a sélectionné treize interventions d’artistes, sculpteurs ou street artistes, visibles cet été de la Bretagne à la Côte d’Azur.

1 - Les sculptures de Robert Schad en Bretagne 
« Robert Schad, parcours de sculptures. Bretagne 2016 », jusqu’au mois d’août ou décembre, selon les sites. Les œuvres de Robert Schad sont des défis – à l’espace, à la pesanteur. Comme pliées, comme torsadées, elles dessinent des lignes brisées rebelles à toute logique euclidienne. Il y a du Julio González et de l’Alexander Calder dans sa manière d’utiliser des barres en acier massif afin de dessiner des sculptures aériennes qui, par leur couleur et leurs nœuds, semblent moins métalliques que terreuses et ligneuses. Né en 1953, l’artiste allemand joue avec l’acier comme l’enfant avec le trombone : il lui extorque des formes circonflexes dont l’équilibre improbable paraît sempiternellement menacé par la précarité. De la baie de Morlaix au Cap Sizun, du château de Kerjean au manoir de Kernault, dix sites bretons accueillent des pièces majeures de Schad, tantôt plantées face au large comme des amers (Volok, à Primelin), tantôt arrimées face à de vieilles pierres (Tarrak, abbaye du Relec). Toutes exhaussent la beauté des lieux et constituent de véritables épiphanies d’un patrimoine grandiose.

Colin Lemoine

2 - Des graffeurs à Bordeaux

« Transfert #6 », du 25 juin au 25 septembre 2016, 15-19, place Gambetta, et « Shake Well Festival », du 1er au 3 juillet 2016, Bassins à flot. La ville de Bordeaux chercherait-elle à devenir la capitale de l’art urbain ? Possible, si l’on en croit la flopée d’événements organisés cet été autour de cette culture. Parmi eux, Transfert, initié par le collectif artistique du même nom, organise sa sixième édition du 25 juin au 25 septembre. Sur le modèle des précédentes, l’exposition investit un interstice urbain et réunit trente artistes dans l’ancien Virgin Megastore de la place Gambetta, fermé en 2013. Autre événement bordelais de l’été : la première édition de « Shake Well » (littéralement « Agitez bien »), festival international dédié au graffiti. Du 1er au 3 juillet, une centaine de graffeuses et graffeurs y investiront le quartier des Bassins à flot à l’invitation du collectif 3GC.
Stéphanie Lemoine

3 - L’engagement écologique de Vincent Barré dans le Sancy

« Horizons, Arts Nature dans le Sancy », jusqu’au 25 septembre 2016, www.horizons-sancy.com Le sculpteur français de 68 ans participe à la dixième édition d’« Horizons, Arts Nature », dans le massif du Sancy. Pour cet anniversaire, le festival d’art contemporain expose dix œuvres, de dix artistes, dans dix sites naturels du massif. Parmi ces artistes invités, donc, Vincent Barré met en commun son intérêt pour les cultures lointaines avec l’artiste indien Chiman Dangi qui réalise des performances et installations liées à l’environnement. Ensemble, ils créent Khejri, pour les arbres, dans la grotte de Sapchat à Saint-Nectaire. Conçue comme un cheminement à travers les bois amenant à une cavité sacrée, l’œuvre est un hommage éponyme aux arbres protecteurs de la région la plus désertique du Rajasthan, sauvés de l’abattage par les villageois. Une manière de sensibiliser à la préservation de l’environnement.
Camille Lechable

4 - Les 30 ans du parc de Kerguéhennec, à bignan

« 30 ans! », Domaine de Kerguéhennec, Bignan (56), www.kerguehennec.fr Sept colonnes à Stéphane Mallarmé d’Étienne Hajdu fut la première sculpture à être déposée dans le Parc de sculptures du Domaine de Kerguéhennec, en 1986. Depuis trente ans, trente et une œuvres ont rejoint ces colonnes en bronze dans ce domaine de 45 hectares entourant un château du XVIIIe siècle. Il faut aujourd’hui plus de trois heures de promenade en plein air pour découvrir toutes les sculptures. Une première évidence s’impose : certaines ont été clairement réalisées pour exister précisément à tel ou tel emplacement, sans pour autant participer de la tradition du Land Art. À une exception près : Un cercle en Bretagne (1986) de Richard Long, constitué de schiste rose posé sur le sol d’une clairière avant qu’elle ne soit dévastée par une tempête. Le Naufrage de Malevitch de François Morellet, un bloc de béton blanc en grande partie immergé dans un vaste plan d’eau, évoque avec ironie une icône de la peinture abstraite, Carré blanc sur fond blanc (1918) de Malevitch. Il est bien difficile de reconstruire mentalement le carré, mais « les œuvres d’art sont un coin à pique-nique, une auberge espagnole où l’on consomme ce que l’on apporte soi-même », confiait l’artiste. Ce qui est clairement plus vrai quand on les découvre dans l’univers ondoyant et diversifié d’un parc arboré que dans un « white cube » ! La Hache et la Rose (2014-2015) de Matthieu Pilaud, une sinueuse structure en bois, horizontale et longiligne, comme un grand arbre-dragon se faufilant entre ses congénères verticaux, fait partie de ces sculptures en réelle synergie avec l’univers qui les accueille. Durant tout l’été, une exposition réunissant une cinquantaine d’artistes, présentée en partenariat avec le Frac Bretagne, interroge dans la totalité des espaces (château, écuries, orangerie, parc) le paysage dans sa diversité culturelle, esthétique, historique et politique. Simon Augade (né en 1987), en résidence d’avril à juin 2016, a investi l’ancien potager pour créer la trente-troisième sculpture de la collection du Domaine, visible depuis le 26 juin.
Colin Cyvoct

5 - Besançon,Bien urbain Bien urbain,
du 3 juin au 30 juillet 2016, www.bien-urbain Né en 2010 à Besançon, le festival « Bien urbain » s’est vite distingué sur la scène hexagonale grâce à une sélection exigeante et pluridisciplinaire préférant la mise en critique du contexte à la décoration murale. À l’occasion de sa sixième édition, du 3 juin au 30 juillet, et pour la deuxième année consécutive, l’événement donne carte blanche à un artiste : après El Tono, c’est Escif qui se voit confier la direction artistique de l’événement. La sélection opérée par l’Espagnol reflète la volonté de déborder le cercle (réducteur) des seuls artistes dits « urbains », et d’ouvrir à l’art contemporain, la photographie, l’architecture, la création sonore ou l’illustration, un questionnement nécessaire sur les formes et les finalités de l’intervention en espace public. Les œuvres de Maider López (ES), Wasted Rita (PT) ou Olivier Toulemonde (FR) y côtoient ainsi celles des activistes urbains Cyop & Kaf (IT), Sam3 (ES) ou Harmen de Hoop (NL), et formulent une diversité de réponses à la ligne programmatique proposée par Escif : « Après le mur. »
Stéphanie Lemoine
6 - Le Street art à Paris
Si le 13e arrondissement de Paris a fait de l’art mural un tremplin pour certains galeristes et un outil de marketing territorial, c’est dans les 19e et 20e arrondissements qu’il faut chercher un art urbain « de terrain », moins international et « starifié », mais davantage en prise avec les artistes locaux. Dans le 20e arrondissement, l’association Art Azoï offre ainsi aux regards une série de murs peints par des artistes phares de la scène urbaine. Aux œuvres pérennes de l’Atlas à l’angle des rues de Bagnolet et des Pyrénées et de Seth dans le parc de Belleville et rue Duclos (le « global painter » y réalisera un mur pendant une semaine à partir du 11 juillet), répondent les interventions temporaires d’Arnaud Liard sur le mur du square Karcher, et surtout de Lokiss sur le mur du Pavillon Carré de Baudoin. Le pionnier du graffiti hexagonal y signe une fresque forte en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, à voir jusqu’à début septembre. Et dans le 19e arrondissement ? Le fief de dAcRuZ compte de nombreux murs peints par l’artiste. À voir notamment, celui de la rue Germaine-Tailleferre, peint dans le cadre du festival Living Colors par dAcRuZ avec Marko93, Hopare, Shaka, Katre, Astro…
Stéphanie Lemoine

7 - Andy Goldsworthy à Chaumont-sur-Loire

« Huitième saison d’art de Chaumont-sur-Loire », Domaine de Chaumont–sur-Loire (41), www.domaine-chaumont.fr Le Domaine de Chaumont-sur-Loire est aujourd’hui reconnu comme le plus grand centre d’art « indoor » et « outdoor » de France. Sa huitième saison d’art accueille des œuvres de quinze nouveaux artistes. Andy Goldsworthy intervient depuis la fin des années 1970 dans des lieux où il travaille avec des matériaux prélevés dans la nature. Il investit à Chaumont-sur-Loire un espace du parc historique surplombant le large lit de la Loire. Il y a érigé un volume, un cairn, posé sur une souche de platane. Les cairns, des amoncellements de pierres assemblées par l’homme, peuvent avoir les formes les plus variées. Celui-ci, ovoïde, est construit avec des ardoises superposées. Goldsworthy est fidèle à la tradition. Depuis le néolithique, les cairns sont souvent construits sur des reliefs et celui de Goldsworthy est proche, dans sa forme et sa structure minérale, du cairn du mont Mézenc, en Ardèche. Mais il va progressivement être enveloppé par des branchages issus de la souche encore vivace du platane. La nature végétale doit être mise en valeur pour ses richesses les plus idiosyncrasiques. Là est la philosophie de ce parc historique. Jusqu’aux années 1880 un village comptant cent treize maisons, une église et un cimetière occupaient les espaces devant le château. Le prince Amédée de Broglie a tout fait démolir puis a financé la reconstruction d’un nouveau village en bord de Loire. Le parc historique accueille également cette année une saisissante installation d’El Anatsui.
Colin Cyvoct
8 - Le Land Artde Cornelia Konrads à Cahors
« Cahors Juin Jardins », de juin à septembre, cahorsjuinjardins.blogspot.fr « J’aime les moments d’étonnement et d’irritation », explique Cornelia Konrads. Pour surprendre ses spectateurs, l’artiste allemande crée des œuvres proches du Land Art, éphémères ou permanentes, réalisées à partir de matériaux trouvés sur le site. Ses installations habitent les jardins et les forêts, comme The Gate à Fontainebleau en 2004. Pour le festival « Cahors Juin Jardins », l’artiste arrête le temps grâce à des rondins de bois suspendus dans le square Olivier-de-Magny, où la construction attend de faire sortir le promeneur de son « engourdissement mental ». Le caractère temporaire de son œuvre s’inscrit dans le thème du « Jardin en mouvement », choisi pour la 11e édition du festival. Les installations des artistes et paysagistes sont exposées jusqu’aux Journées européennes du patrimoine, les 17 et 18 septembre 2016.
Camille Lechable
9 - Antonella Zazzera dans les jardins de sèvres
« Sèvres Outdoors 2016 », Cité de la céramique, 2, place de la Manufacture, Sèvres (92), www.sevresciteceramique.fr Pour la 3e édition du parcours en plein air « Sèvres Outdoors », la galerie Jeanne Bucher Jaeger présente une sculpture de l’Italienne Antonella Zazzera. L’installation entièrement tissée en fils de cuivre s’accorde étonnamment avec la nature puisque l’artiste aurait découvert dans son jardin un nid d’oiseau construit à partir des chutes cuivrées de ses sculptures. L’œuvre est visible jusqu’au 23 octobre 2016 dans les jardins de la Manufacture habituellement fermés au public, parmi une vingtaine de sculptures monumentales, dont celles de Françoise Pétrovitch (Sèvres) et de Werner Reiterer (présenté par la Galerie Loevenbruck). Cette manifestation estivale mise en œuvre par CERA (Compagnie d’expérimentation et de recherche en art) a dynamisé la fréquentation de la Cité de la céramique depuis sa création en 2014.
Camille Lechable

10 - Rouen impressionnée
Rouen impressionnée, du 2 juillet au 26 septembre 2016. Pour sa troisième édition, la triennale Rouen impressionnée s’ouvre à l’art urbain et confie à Olivier Landes, organisateur en 2014 du festival In Situ à Aubervilliers, le soin d’orchestrer l’événement. « L’idée, explique-t-il, est de recueillir une série d’impressions urbaines. » Inauguré le 2 juillet, le festival se déploie dans trois espaces distincts : le centre-ville, le secteur Luciline et le quartier « sensible » des Sapins. Une vingtaine d’artistes, dont Sainer, Swiz, Jana&JS ou Brusk, plus quelques enfants du pays (Madkow, Ecloz…), sont invités à y peindre sur des supports souvent monumentaux. Parmi les pièces maîtresses de la programmation, Less than a second de l’artiste allemand SatOne qui s’offre en écho à l’environnement autoroutier et portuaire du hangar 23 et une œuvre du Polonais Robert Proch sur la façade arrière du cinéma Omnia…
Stéphanie Lemoine
11- Le Mastaba de Christo à Saint-Paul-de-Vence
Fondation Marguerite et Aimé Maeght, Saint-Paul-de-Vence (06), www.fondation-maeght.com, jusqu’au 27 novembre 2016. Fin des années 1960, Christo et Jeanne-Claude descendent de Berne à la Fondation Maeght en voiture avec Jean Tinguely et Harald Szeemann, où ce dernier a été invité à organiser une exposition. Christo y présente deux dessins de projet d’installation d’un mastaba dans la cour Giacometti où il empaquette des arbres que l’on peut voir depuis le toit-terrasse. En 2014, quand la fondation fête ses 50 ans, Christo retrouve ses dessins et le pari est lancé avec Olivier Kaeppelin, le directeur de l’institution, de réaliser le projet. Constitué de 1 076 barils de sept couleurs différentes, le « Mastaba Maeght » qui dialogue justement avec l’architecture de Josep Lluís Sert, est haut de 9 m, long de 17 et large de 9. À l’approche, le visiteur découvre l’une de ses faces inclinées « avec ses rouges et bleus comme des marches vers le ciel », les parties frontales étant en couleurs chaudes, rouges, ocre, jaunes. Le sommet affleurant le niveau de la terrasse offre un autre point de vue tout aussi féerique et monumental. La saga mastaba de Christo et Jeanne-Claude est loin de s’arrêter.
Philippe Piguet
12 - Les fleurs de Marie-Hélène Richard à Pézenas
« In Situ, patrimoine et art contemporain », jusqu’au 18 septembre 2016, patrimoineetartcontemporain.com. L’hôtel de Flottes de Sébasan de Pézenas accueille une installation de Marie-Hélène Richard, constituée d’une centaine de petites roses en sacs plastiques recyclés qui flottent à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôtel particulier du XVIIe siècle. Le déchet fabriqué par l’homme devient ainsi un symbole de beauté, décliné en plusieurs teintes, du saumon au rouge. Adepte de l’apesanteur, l’artiste a déjà réalisé des œuvres de la série Rosae plasticae pour l’exposition « À l’ombre d’Éros » au Monastère royal de Brou et sur le parvis de La Défense en 2011. Il neige participe au festival « In Situ », manifestation qui promeut le dialogue entre l’architecture patrimoniale et l’art contemporain. La 5e édition réunit onze artistes contemporains dans onze sites ou monuments historiques situés en Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées.
Camille Lechable

13 - Les sculptures de Marc Petit à Limoges
 
« Marc Petit », jardins de l’Évêché à Limoges (87), Jusqu’au 19 septembre 2016. Comme suspendus à la cathédrale Saint-Étienne, les jardins de l’Évêché donnent presque à Limoges de faux airs de Babylone. Un cadre idéal pour abriter, avec la galerie Artset, les soixante-quatorze sculptures de Marc Petit qui, comme ses aînées mésopotamiennes, sont hantées par la fragilité et le (pré)sentiment de la fin. Filiformes et écorchées, les rondes-bosses du Français, né en 1961, en font l’héritier non seulement d’Alberto Giacometti et de Germaine Richier, mais encore, par leurs gestes absurdes et dérisoires, de Marino Marini, à l’image de cette nouvelle Ève d’après la faute (Mea Culpa III, 2002) ou de cet homme chahuté sur son matelas comme sur un radeau de la Méduse (Le Lit, 1996). Dans cette humanité de peu, les êtres sont en panne et en peine, portent leurs fardeaux et supportent leurs destins, quand la vie plombe et que le bronze libère. En ce vaste purgatoire, Marc Petit dépouille et démasque : ici les rois sont nus, les reines muettes, les frères solitaires et les prophètes de malheur. Ne reste que cela : l’irréductible, le « presque rien ». Troublant. Colin Lemoine
Colin Lemoine
 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°692 du 1 juillet 2016, avec le titre suivant : 13 bonnes raisons de prendre l’art cet été

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