Art contemporain - Frac

SAISON BRÉSIL-FRANCE 2025 / EXPOLOGIE

À Angoulême, discours et œuvres en dissonance

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 17 juin 2025 - 488 mots

Le Frac Poitou-Charentes appréhende l’extractivisme en France et au Brésil par le biais des cours d’eau. Un propos singulier mais une sélection d’œuvres décevante.

Angoulême (Charente). Il n’est pas rare, dans les expositions d’art contemporain, que le texte prenne le pas sur les œuvres. « Eaux souterraines : récits en confluence » en est un exemple.

Conçue avec l’Instituto Tomie-Ohtake (São Paulo) dans le cadre de la Saison Brésil-France 2025, l’exposition s’intéresse aux traces de l’extractivisme, de l’esclavagisme et du colonialisme qui tapissent le fond des eaux. Dans les méandres de la Charente, dont l’histoire est indissociable du commerce triangulaire, mais aussi dans le lit des rivières souterraines de São Paulo, dégradées par la pollution chimique. Ces eaux « en confluence » – notion phare de l’exposition, empruntée au penseur brésilien Nêgo Bispo – permettent aux commissaires Irene Aristizábal, Ana Roman et Catalina Bergues de mettre l’accent sur les spécificités des territoires charentais et paulista tout en valorisant une interconnexion insoupçonnée entre la France et le Brésil. Une pensée décoloniale aussi surprenante que convaincante.

Seulement, les œuvres des douze artistes sélectionnés (6 Brésiliens et 6 Français) peinent à produire un effet aussi saisissant que la démonstration quasi philosophique des commissaires. Julien Creuzet présente l’une de ses pièces exposées lors de la 60e Biennale de Venise (2024) ainsi que trois nouvelles œuvres intitulées La Chiromancie des eaux désirées (2025), commandées par le Frac. Les motifs de ces sculptures planes en acier Corten, disposées au sol, s’inspirent de l’iconographie coloniale étudiée dans les Archives départementales de la Charente. Mais ces trois œuvres sont trop littérales, trop scolaires, comme si Creuzet avait voulu retranscrire fidèlement le propos de l’exposition, oubliant par là même son langage plastique si caractéristique.

Des « bouées » pertinentes

Certaines œuvres de l’exposition sont malheureusement le reflet de l’un des principaux écueils de l’art contemporain : leur qualité d’exécution et leur forme sont très inférieures aux intentions affichées par les artistes et les curateurs. L’installation Anamnesis Refluxos: Palafitas (2025), de Coletivo Coletores (*) , sorte de pilotis métallique recouvert de bandanas dont l’iconographie dénonce la construction des barrages sur les fleuves brésiliens, ne se distingue quant à elle ni par sa qualité plastique ni par l’originalité de son concept. Même remarque quant aux vidéos superposées par Daniel de Paula dans Aparência positiva/essência negativa (2025), illustration des ravages de l’extractivisme sans grand intérêt artistique.

Quelques propositions sortent heureusement du lot : les sculptures translucides de Barbara Kairos [voir ill.], résultat d’un mélange de colle de peaux et d’une décoction de ceps de vignes, prolifèrent dans l’espace tels des organismes vivants. Ces bouées fragiles, destinées à se dégrader au fil du temps, portent une réflexion intéressante sur la pollution des cours d’eau.

Erratum - vendredi 6 juin 2025

(*) Contrairement à ce qui a été publié dans le JdA n°657, il ne s'agit pas de l'installation Distance, Nord, Ouvert, Suffisance du duo Vitor Cesar & Enrico Rocha mais de Anamnesis Refluxos: Palafitas réalisée par Coletivo Coletores.

Eaux souterraines : récits en confluence,
jusqu’au 28 septembre, Frac Poitou-Charentes, 63, bd Besson bey, 16000 Angoulême.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°657 du 6 juin 2025, avec le titre suivant : À Angoulême, discours et œuvres en dissonance

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